"Dépêche-toi un peu, Rajesh ! Je tiens à prendre le premier vol pour quitter ce pays d'arriérés ! C'est compris ?"

"Oui.. oui Shanti... Mais tu sais, si tu consentais à bien vouloir me délester de quelques-uns de tes achats, j'irai beaucoup plus vite ! "

"Et risquer de me casser un ongle ? Tu sais combien de temps mes séances de magicosmétique me prennent à chaque fois ?? MON VERNIS CHANGE-FORME "AURORE SCINTILLANTE" EST PARFAIT COMME CA ET IL LE RESTERA !!!"

"Comme... han... comme tu voudras ma sœur."

Essoufflé, Om Rajesh Kapoor tenta d'accélérer le mouvement, tirant derrière lui une valise Gucci pleine à craquer de produits de luxe achetés dans la matinée.

Pfiiiuuu.... Je n'en puis plus... combien de boutiques avons-nous visitées déjà, avant qu'elle ne proclame que nous étions en retard par ma faute ? Une bonne quinzaine me semble-t-il. Tiffany, Harrod's, Harvey Nichols, par tous les dieux je m'y perd ! Et maintenant il faut trouver La Raie au Port ? Qu'est-ce qu'un animal aquatique nocturne ferait dans un port moldu ? Quand je pense que nous avons du passer la nuit chez cette pauvre Malicia... Je déteste abuser de l'hospitalité des gens. Mais Shanti est si difficile parfois ! J'espère que nous n'avons pas fait trop de bruit en partant ce matin. Han ! Cette valise pèse une bonne tonne !

Levant les yeux sur le quartier où ils se trouvaient, le sorcier hindou aperçut avec satisfaction un gardien de l'ordre public, régulant la circulation des étranges véhicules moldus.

Enfin, une aide providentielle ! Je vais aviser ce... comment les appelle-ton déjà ? Des polisseurs ? Par Ganesh, ces fonctionnaires doivent être très bien formés pour être à la fois agents de sécurité, et artisans ébénistes ! Celui-ci saura nous secourir, j'en suis sûr !

S'approchant du policeman avec un grand sourire, Om déchanta vite en voyant sa mine patibulaire et rougeaude lorsqu'il se tourna vers lui. L'indien ne se découragea pas pour autant.

-Un excellent jour à vous, Monsieur le Polisseur ! Pourriez-vous nous indiquer à ma sœur et moi-même la direction de la Raie au Port, je vous prie ?

L'air avec lequel le fonctionnaire de police les détailla tous deux instilla chez Om un sentiment de malaise.

-V'zetes pas d'ici ? fit-il avec un accent britannique à couper au couteau.

-Et bien ma foi non, nous...

-Papiers d'identité.

Om Rajesh Kapoor le regarda interloqué.

-Pardon ?

Alors que la faculté magique était en proie au chaos et à la guerre opposant Magouille et les PAFs, aux enquêteurs aidés des Gammas, une tout autre scène se jouait à plusieurs miles de la WoW, en plein Londres, au beau milieu des quartiers chics.

-Mais... mais Monsieur le Polisseur, bégayait Om Rajesh Kapoor en proie à la panique, je vous en conjure, écoutez-m...

-C'est POLICIER !!! tonna le constable peu recommandable. Policier ! Tu parles pas notre langue, ou quoi ? Des clandestins... je l'aurais parié.

-Par... pardon ? Monsieur le Policier, nous ne sommes pas des clandestins, nous voulions juste savoir où se trouvait...

-T'essaie de me contredire ?? C'est comme ça que tu parles à un représentant de l'ordre ? On t'as pas appris le respect des agents de police au Pakistan ?!

-C...comment ? Mais enfin, je ne suis pas pakis...

"Rajesh ! intervint sèchement Shanti, j'en ai assez ! Que ce gros imbécile s'en aille ! Il nous retarde !"

-Qu'est-ce qu'elle dit celle-là ? demanda le policeman, suspicieux.

-Rien !!! Rien du tout !!! Elle... elle loue la magnificence de ce temps ensoleillé !

-Ensoleillé ? Y a de la bruine et un vent à soulever les pierres ! Tu te paie ma tête en plus ? Vos papiers ou j'vous embarque au service d'immigration !

Se tournant précipitamment vers sa sœur, Om parla à toute vitesse :

"J'ai un plan, Shanti, mais tu dois me faire confiance et me suivre pas à pas, d'accord ?"

"Fais ce que tu veux Rajesh, mais dépêche-toi !!!"

-Hé, qu'est-ce que vous racontez tout les deux ?!

-Je lui demandais juste de sortir ses... "papiers" comme vous dites, Monsieur le Policier. C'est que nous ne sommes pas habitués à...OH REGARDEZ LA-BAS ! s'écria Om en surjouant et en pointant du doigt quelque chose derrière le flic. UN INDIVIDU DE TYPE SUSPECT !!!

Intrigué, le policier regarda le doigt brandi de l'hindou, sans comprendre, puis il observa de nouveau le jeune homme, les yeux plissés et le regard suspicieux.

Les deux s'observèrent dans un silence gêné, alors que Om gardait son doigt pointé, et que Shanti regardait son frère en haussant les sourcils sans rien comprendre non plus.

L'indien sourit bêtement, en baissant lentement son bras, puis attrapa brusquement celui de sa sœur, et fonça avec elle, comme un dératé dans la ruelle d'à côté. Vociférant derrière eux le constable se lança pesamment à leur poursuite :

"Je n'ose comprendre... fit Shanti alors qu'elle sprintait dans l'allée exigüe, c'était ça ton plan génial ? S'enfuir en courant devant lui ??"

"J'ai voulu détourner son attention, répondit Om, essoufflé, en courant à ses côtés, mais le fripon ne s'est pas laissé berné !"

"INCAPABLE !!! Un enfant de trois ans ne se serait pas laissé berné par une imbécilité pareille !!!"

Tournant brusquement dans une impasse, ils se retrouvèrent hors de vue du policier pour quelques secondes. Om eut soudain une idée, et étreignant la main de sa sœur, il ferma les yeux très forts et transplana avec elle.

Se décidant à ouvrir les yeux, Om découvrit avec une immense satisfaction que son plan avait réussi : ils se trouvaient à présent devant l'Aéroport d'Heathrow, à plusieurs heures du centre-ville !

Quel soulagement, Ganesh a bien voulu me prêter une modeste part de son infinie sagesse ! Je savais bien que j'avais déjà vu ce... comment disent-ils, ces Anglo-saxons ? Certainement pas Raie-Au-Port, cet endroit ne peut visiblement pas constituer un habitat décent pour un animal amphibien... Ah oui bien sûr ! C'est un Port aérien !

Il est bien tel qu'il a été dépeint dans ces trépidantes séries télévisées britanniques ! Plus jamais je ne culpabiliserai de regarder un bon épisode de Coronation Street au lieu de réviser mes sortilèges médicaux !!!

Om revint brutalement à lui, lorsque sa sœur lui tapa sèchement la main pour qu'il lui lâche le bras, son humeur n'allant pas en s'améliorant.

"Merveilleux Rajesh... Tu as réussi à nous expédier dans un autre repaire de moldus... Je vois que tes talents de transplaneurs sont toujours aussi précis."

"Ne comprends-tu pas , Shanti ? Nous sommes au Port aérien moldu de Londres ! D'ici, tu vas pouvoir prendre le premier vol pour New Dehli et quitter cet endroit !"

"Ce n'est pas trop tôt ! Qu'est-ce que tu attends pour nous faire entrer ?!! Qu'on en finisse !"

Arpentant les corridors de l'immense complexe, ils tentèrent, ou plutôt Om tenta pendant que Shanti boudait, de retrouver leur chemin, et surtout les fameux panneaux d'affichage annonçant les vols internationnaux... Trouvant le guichet d'une fameuse compagnie aérienne moldue, le jeune hindou, soulagé, s'avança prestement... avant de se rendre compte, attéré, que ce qu'il prenait pour des touristes en attente de leur guide, faisait en réalité la queue devant lui !

Malédiction !!! Mais... mais cette foule est immense ?! Combien de temps allons-nous encore devoir patienter ? Je suis maudit. Quelles horreurs ai-je pu commettre dans mes précédentes existences pour mériter un tel châtiment ?

Se plaçant de mauvaise grâce derrière le dernier de la file, un grand moldu tout maigre en chemise hawaïenne, chaussettes et sandales, Om Rajesh Kapoor fit de son mieux pour ignorer le regard lourd de reproche de sa terrible sœur.

-Vous aussi vous êtes pressés, hein ? fit le touriste, mécontent.

-Et bien, Krishna nous enseigne la patience en toute chose, mais je dois bien avouer que...

-Ooooh oui, oh oui, je vois ce que vous voulez dire !! le coupa le moldu d'une voix forte et désagréable, moi non plus je ne supporte pas ces foutues agences de voyage qui vous font payer une fortune pour des circuits minables dans le tiers-monde, ou les dépotoirs européens !! Ils vous font arriver à 3 h du matin à l'aéroport et vous attendez pendant des heures sur le tarmac à cause de foutus problèmes de train d'atterrissage, et de traffic aérien bondé. Quant vous arrivez enfin à l'aéroport de Malaga, tout le monde fait la queue pour les toilettes, pour ces foutus agents des douanes incompétents, et surtout pour ce foutu bus qui n'est même pas là !!! Et lorsqu'enfin vous...

***

2 heures de queue plus tard...

-...et je vous parle même pas de l’hôtel Algérien à moitié en construction : y a pas d'eau dans la piscine, pas d'eau dans les douches, ou dans les chiottes, tout juste un foutu lézard au fond du bidet fissuré !!! Toutes les chambres ont été réservées deux fois à cause du gérant qui s'est barré avec la caisse, et du coup tout est complet et vous n'avez même plus d'endroit où dormir ! Et...

-Taisez-vous, demanda Om, pourtant d'ordinaire si réservé, au touriste pour la trentième fois en une heure.

-... tout ce que vous voyez ce sont des touristes allemands obèses qui se tartinent leur peau de crème solaire bon marché ! Une peau flasque et boutonneuse parce qu'ils passent TOUT leur temps à se tartiner quelque soit la météo ! Et ils vous ennuient avec leurs foutus gamins malpolis et sales comme des gorets qui...

-Par pitié, taisez-vous...

-... sont de toute façon incapables de suivre les guides sur la plupart des sites, en raison des risques d'éboulement ! Et... Ah ! voilà mon tour !

Poussant un soupir soulagé, Om attendit que le touriste anglais prennent ses billets, jetant un œil à Shanti dont le visage de marbre trahissait une colère froide. Le tour d'Om vint enfin :

-Bon jour Madame ! Nous voudrions un billet aller... simple ? Oui, aller simple pour New Dehli, s'il vous plait !

-Vous avez de la chance Monsieur, fit l’hôtesse très distinguée, une place s'est désistée pour le prochain vol dans trente minutes !

-Superbe !

-Voilà, Monsieur : classe économique, siège 32B.

Om pâlit d'un coup. Il se tourna vers sa sœur, glaciale :

"Désolé, Shanti, mais tu vas devoir aller en classe économique avec les autres moldus..."

A ces mots, l'infortunée top model ouvrit grand les yeux et se mit à vociférer sur son frère :

"Je te maudis, Om Rajsh Kapoor !!! Tu entends ?! Tu es maudit !!! Notre père en entendra parler, crois-moi !!! Tu ne t'en tireras pas comme ça !!!"

En pleine panique, l'indien fit un salut nerveux à sa sœur :

"Voilà voilà ! Ma mission s'achève ici ! Paie donc la dame, Shanti ! Et un excellent périple de retour à toi ! "

Et sous les vociférations de la harpie indienne, il s'enfuit en courant vers la sortie. Une fois dehors, Om se rendit compte qu'il respirait déjà beaucoup, hors de la présence de sa sœur.

-Ah quelle quiétude ! Bien, il ne me reste plus qu'à rentrer ! Quand je vais raconter tout ça à mes compagnons, ils ne me croiront jamais ! Ca leur changera de leur existence monotone à la faculté !

Sur ce, il transplana vers le Portail Pointu.