Myosotis était allongée sur le dos, sa poupée vaudou serrée sur son cœur, sur son lit horriblement étroit, les yeux grands ouverts fixant le plafond.

Ces derniers jours, elle était retournée dans le taudis... enfin... l'appartement qu'elle louait mais qu'elle avait déserté ces derniers temps, au profit de l'une des chambres douillettes du Grand Potiron. Elle s'était dit qu'il valait mieux éviter le QG des Gammas quelques jours histoire de... de laisser retomber la tension, disons.

Elle n'était cependant pas inconsciente et n'avait pas oublié la monstruosité qui avait osé l'attaquer là quelques semaines plus tôt : elle avait du coup disposé des sorts de protections occultes tout autour de sa chambre, et gare à quiconque tenterait de rentrer avec de mauvaises intentions !

Mais personne n'était entré.

Et elle n'était pas sortie, séchant les cours pour la toute première fois de sa vie.

Elle n'avait rien fumé, pratiquement rien mangé non plus, n'avait pas bougé de là à part pour ramper vers les toilettes.
L'humeur n'y était pas.
Elle avait passé la première journée à pleurer, les autres à réfléchir. Ses yeux étaient gonflés et rougis, et elle n'avait plus une seule larme à verser.

Et elle se sentait terriblement seule et vide.

Elle s'était repassé encore et encore en mémoire l'échange houleux qu'elle avait eu avec Titus, et ne savait toujours pas comment elle devait réagir.

Tout d'abord, elle s'était cru en droit d'être en colère : elle avait été insultée, Magnus aussi, et Titus n'était qu'un petit cow-boy colérique, qui ne connaissait pas l'Amour avec un grand A comme elle, et qui du coup n'avait aucune chance de la comprendre.

Mais aussitôt avait-elle formulé mentalement cette hypothèse que sa colère était retombée. Non, elle n'était pas furieuse contre Titus. Elle ne lui en voulait même pas, en vérité. Elle se sentait juste lasse, triste et vaguement honteuse. Parce qu'il avait raison.

Peut-être pas sur toute la ligne, non... Mais il avait raison sur une chose : elle n'avait pas été digne de ses amis. Elle n'avait pas été digne de son meilleur pote. Elle côtoyait Titus depuis tellement longtemps maintenant qu'elle avait pris son amitié pour acquise, et n'avait même pas douté une seconde qu'il lui pardonnerait d'avoir saboté l'enquête qu'il menait avec les autres. Elle s'était réfugiée sous le prétexte de l'amour qu'elle portait au Doyen, un amour incommensurable et inconditionnel, mais qui ne justifiait en rien la façon dont elle avait traité les gens en général, et les Gammas en particulier.

Et c'est maintenant que Titus lui en voulait à mort (et peut-être pour toujours), maintenant qu'elle était allongée toute seule dans ce studio glauque, qu'elle s'en rendait compte. Elle ferma les yeux, le cœur serré par le chagrin. Elle n'aurait jamais cru que le cow-boy lui manquerait autant. Bien sûr, parfois, ils ne se voyaient pas pendant des jours à cause de leurs cours respectifs, mais il était théoriquement là pour elle, si elle en avait besoin, et ça faisait toute la différence.

Elle se rappelait encore parfaitement de leur rencontre : c'était le tout premier jour qu'elle avait passé à la WoW. Pendant le discours de rentrée du Dr Magouille, d'ailleurs.

Un vague sourire passa sur son visage. Même dans les moments les plus sombres, l'évocation de l'amour de sa vie la réconfortait. Il fallait dire que ça avait été un coup de foudre immédiat. L'amour dès le premier regard. Et...

Myo s'interrompit dans ses pensées, et se redressa, réalisant soudain quelque chose. La couchette sous elle manifesta son mécontentement par un grincement irrité.

-Attends voir, murmura-t-elle.

Elle se rappelait plutôt bien de sa rencontre avec Titus, le jour où elle avait vu le docteur Magouille pour la toute première fois. Et elle savait qu'elle était tombée amoureuse du doyen instantanément, dès qu'elle l'avait vu.
Mais... chronologiquement, les deux faits ne semblaient pas concorder.

Elle jeta un coup d’œil à sa table de chevet, où sa jolie Fleur Horlogère, qui lui servait tout à la fois de montre et de réveil, irradiait d'une lueur bleutée, plantée dans la pensine que lui avait offert JF.

-Quelque chose cloche. Peut-être que je devrais jeter un petit coup d’œil dans mes souvenirs... Juste pour être certaine... Juste pour...

Myo secoua la tête, puis se laissa retomber en arrière, dans un couinement de matelas interminable.

-Mais n'importe quoi ! Je deviens idiote ou quoi ?

A force de rester toute seule à tergiverser dans ce studio minable, elle commençait à devenir sérieusement parano ! Il était temps qu'elle se lève de son lit, qu'elle se douche, et qu'elle sorte prendre l'air !

D'autant plus que c'était aujourd'hui que sa mère venait !...

….

…Myosotis se mit sa couverture sur sa tête en gémissant.




:arrow: Après une bonne douche bien longue (et vas-y de bon coeur avec le savon, ma fille !), Myo se dirige vers la place Magnus Maximus Magouille!