-Alors ?
-Je ne sais pas, j'ai comme un doute... Suzie, qu'en penses-tu ?
-Je me fiche de ce qu'en penses Suzie. Qu'en pensez-vous, vous ?
-Mmmh.
-Ce n'est peut-être pas assez...
-Pas assez, mon garçon ? Je ne dirai pas ça...
Assis tout en haut de l'amphithéâtre, qui se remplissait petit à petit d'élèves, Darius posa avec mauvaise humeur sa plume sur un parchemin noirci de son écriture. Il leva les yeux au ciel et se mit à se gratter furieusement la cuisse.
-Et bien, qu'est-ce qui t'arrives ? demanda Stan, son nouveau colocataire.
Le blondinet grimaça :
-C'est ce "vêtement", il me gratte.
Son interlocuteur toussa :
-Treu...
Petite ! Treutreu...
nature !
Darius se tourna vers le vieillard qui murmurait à présent des commentaires désapprobateurs à sa chaussette :
-J'ai parfaitement entendu ! Et je ne suis pas une petite nature, comme vous dites ! Ce jean est parfaitement inconfortable. Et je ne parle même pas de cet affreux pull en... comment dites vous déjà...
-Polyester. le coupa son camarade.
-Une chose qui porte ce nom ne devrait même pas exister, si vous voulez mon humble avis. siffla l'Alpha. Et je vous rappelle que je n'en serais pas là si quelqu'un n'avait pas vendu mes vêtements !
Stan s'accouda et émit un "Pfff" sonore. Darius le fusilla du regard. Il aurait bien dit à cet impertinent vieillard d'aller au diable, s'il ne risquait pas de se retrouver à la rue à nouveau. Cela ne faisait que quelques heures qu'il supportait la présence du vieillard et cela commençait à lui peser sérieusement...
***
Deux heures plus tôt...Une explosion tira brusquement Darius de son sommeil :
-Qu'est-ce que c'est ? fit-il.
Stanislas s'approcha de l'unique fenêtre de la pièce et regarda au loin. Il émit un petit rire :
- Ca alors, Suzie, tu pensais que c'était encore un coup de ces fous furieux de sorciers expérimentaux, mais on dirait bien que c'est le bâtiment de magizoologie qui a quelques problèmes !
Darius se redressa. Il avait épouvantablement mal dormi. Le vieillard l'avait amené dans le quartier le plus sordide de Mysteria Lane et amené devant ce qui devait être la résidence la plus laide qu'il ait vue de sa vie. Ils avaient monté un à un une dizaine d'étages, et Stan avait ouvert la porte sur sa chambre. En fait de chambre son logeur ne mentait pas. Il n'y avait rien d'autre qu'un évier et un lit. Le papier peint, tout droit tiré des années 70, était racorni depuis longtemps, et le plancher était pleins de trous. Il ne manquait plus qu'une corde pour se pendre à l'ampoule qui pendouillait lamentablement au plafond. Un vrai paradis pour homme déchu.
Stan avait dupliqué son lit et une fois allongé dans la pénombre, le blondinet avait pu constater que les murs dans cet immeuble étaient aussi fins que du papier puisque l'on entendait le voisin du bas murmurer des plans pour tuer ses prochains, les voisins d'à côté se disputer, et les voisins du dessus faire grincer leur lit. C'était simple : il ne savait pas comment il avait fait pour s'endormir.
-Quelle heure est-il donc ? geignit-il.
-11 heures et demi, mon garçon ! L'heure de mordre la vie à pleine dents ! Enfin avec les dents qui me restent !
Stan rigola et s'assit sur le bord du lit de Darius avec un petit sourire espiègle :
-Dis-moi, qui est Malicia ? demanda-t-il en soulevant ses sourcils broussailleux.
L'Alpha plissa les yeux :
-Pourquoi ?
-Parce que tu as prononcé ce prénom plus d'une fois cette nuit et je ne sais pas ce que vous faisiez mais ça m'avait l'air...
-Comment osez-vous ?! N'avez vous donc aucun respect pour l'intimité des gens ?! s'écria son interlocuteur, qui avait soudain viré au vermillon.
Stanislas éclata de rire :
-Oh, j'ai touché un point sensible, je vois ! Très bien, très bien ! Je ne t'embête plus !
Darius se leva et considéra sa tenue en sursautant :
-Où sont mes vêtements ?!
-Ton costard tout sale ? Parti !
Le blondinet saisit le vieillard par le col :
-QUOI ?!
-Et bien, tu m'as dit que tu avais besoin d'argent, alors ce matin, le vieux Stany a tenu une brocante dans le quartier ! Et ton costard est parti pour un bon prix ! J'ai pu acheter de quoi manger pour une semaine !
-Ce "costard" comme vous dites était un Laurent St Yves, et...
Il blêmit. Il venait de penser que la pensine était dans son costume.
-Oh fichtre. Et avez vous vidé les poches de mes vêtements avant de les vendre sans ma permission ?
-Bien entendu ! s'exclama Stanislas. Pour qui tu me prends ?
Darius soupira de soulagement.
-Et tu seras content de savoir que j'ai aussi trouvé preneur pour le joli vase qu'elles contenaient !
Le blondinet sentit ses jambes flageoler.
-QUOI ?!
-Oui ! Un gamma me l'a acheté pour 3 mornilles ! Une bonne affaire que j'ai faite, n'est-ce pas ?
Darius s'assit lourdement sur le lit. Son seul espoir de se tirer d'un avenir misérable venait de s'envoler.
-Ca va mon garçon ? demanda le vieux Stan en posant sa main sur l'épaule de son camarade. Tu es malade ?
-Je vous hais. articula l'Alpha.
Le vieillard rigola :
-Allons, Allons ! Ne soit pas si radical ! Vous les jeunes...
Darius se leva :
-Où puis-je trouver une douche digne de ce nom dans ce taudis ? fit-il d'une voix dépitée.
-Au fond du couloir, à gauche !
-Elles sont communes, je suppose.
-Tout à fait ! répondit Stan avant de lui faire un clin d'œil. Parfait pour les rencontres !
Le blondinet frissonna de dégoût et le vieil homme bondit sur ses pieds :
-Oh et n'oublie pas tes habits ! fit-il en lui tendant un tas de fripes.
Darius grimaça :
-Qu'est-ce donc que cela ?
-Un jean, un T-shirt et un pull ! C'est pas ça que vous portez, vous les jeunes ?
Darius prit les vêtements en grimaçant. il poussa un long soupir d'exaspération et quitta la pièce.
Quelques instants plus tard, il revint. Stan applaudit à tout rompre :
-Et ben voilà ! Quelle allure ! s'exclama-t-il avant de porter sa chaussette à sa bouche. On dirait moi quand j'avais ton âge, n'est-ce pas Suzie ?
-Par pitié, ne dites plus jamais ça... geignit Darius.
Son interlocuteur passa outre sa mauvaise humeur :
-Alors, la douche, comment c'était ? Revigorant, hein ?
-L'eau était froide et je suis presque sûr d'avoir vu passer un rat. maugréa le blondinet en se grattant l'épaule.
-Oui, il y en a beaucoup, hein ? fit Stanislas. Mais on s'y fait, à la longue ! Oh, tu as reçu une lettre !
Alors que le vieil homme lui tendait une enveloppe, Darius parut intrigué :
-Cela provient de l'Administration Sorcière... fit-il en la décachetant.
Il se mit à lire et pâlit :
"Monsieur Lestrange,
Il semblerait que vos Parents ait fait opposition au paiement de vos frais d'inscription. Si vous ne régularisez pas au plus vite cette situation, nous serons au regret de rejeter votre inscription et de vous radier de la liste de nos étudiants.
Veuillez accepter nos salutations distinguées et profondément choquées par votre négligence,
L'Administration Sorcière"
Darius manqua de tourner de l'œil.
-Alors ? Bonne nouvelle ? fit Stan, tout sourire.
***
-Je ne sais pas si envoyer cette lettre directement au doyen te sauvera de quoi que ce soit, mon garçon ! fit Stan.
-Et ai-je un autre choix ? lui répondit sèchement Darius. Malgré toutes ses exactions, je reste persuadé que Mr Magouille sera touché par l'atrocité de ma situation ! Il suffit de tourner les choses comme il le faut, et je gage que ce courrier aura l'effet escompté.
Stan tira des mains du blondinet le parchemin qu'il venait de remplir :
-Laisse-moi relire...
" Au Bon Docteur Magouille, le Ô combien Docte et Puissant Doyen du Prestigieux et Renommé lieu de Culture et de Haute Sagesse qu’est l’Université Sorcière de cette Grande et Belle Métropole Londonienne.
Mon ô combien Cher Monsieur,
Je ne suis qu’une humble et miséreuse chose qui se dit être étudiant et qui est parvenue avec ses ô combien modestes moyens (je ne voudrai pas Vous paraître orgueilleux) dans la modeste première année du non moins modeste et obscur diplôme de Sciences qui se prétendent Sociales.
J’ai l’espoir, qui vous semblera infiniment pédant et présomptueux, de vouloir préparer avec votre Haute et Magnanime Permission, Monseigneur, les PIAFS de Sciences Sociales Sorcières, diplôme ô combien inaccessible pour la créature vile et basse que je sais être.
Pour alimenter ce vain fantasme, cette douloureuse utopie, Messire, c’est en tremblant que j’ose joindre à cette modeste missive mes misérables notes d'ASPICS, qui, bien que paraissant autrefois brillants aux misérables professeurs de Poudlard (qui n'ont ni Votre charisme ni Vos capacités), n’arriveront jamais, je n’en doute pas, à la cheville de ce que Vous, Grand Doyen Tout Puissant, avez pu faire dans votre honorable et pas si lointaine jeunesse.
Hélas, je me dois de vous faire part d'un tout petit, que dis-je ! Insignifiant détail, qui pourrais venir assombrir d'obscurs nuages mon ciel si bleu quand je me trouve non loin de votre Incommensurable Personne, ô Grand, ô Très Grand Doyen : je ne serais peut-être pas en mesure de payer les prochaines traites des frais d'inscription à votre Grandiose Université, mais je vous assure que, dans l'océan des étudiants plus nantis, mon absence de rétribution passera pour le moins inaperçu.
A présent que cette question sans aucune importance est réglée, en vous remerciant humblement et modestement d’avoir survolé ce papelard ô combien indigne de vous, qui a sali à tout jamais les blanches mains de votre secrétaire et vous a fait perdre irrémédiablement une demi seconde de votre temps si précieux, je vous supplie à genoux, front contre le sol que vous avez foulé, je vous supplie, disais-je, de bien vouloir accepter mes misérables salutations gluantes et courbées, croyez-le, bien bas, devant vos pieds parfumés, Vous, Dieu de l’éducation de la Prestigieuse Wizardry & Occult Witchcraft University. Je vous admire, tout en sachant, hélas, ne jamais au grand jamais pouvoir égaler tant de grandeur, de superbe et de délicieuse magnificence.
Votre Serviteur, Darius Modeste Lestrange.
PS : On m’a demandé de faire une dissertation sur mon plus grand héros et c’est Vous que j’ai choisi. Pardonnez-moi d’avoir utilisé et souillé ainsi votre Splendide et Glorieuse image et la renommée sans bornes de votre nom. Hosannah ! Hosannah au plus haut des cieux ! "
Le vieil homme fit une moue boudeuse :
-Mouais... je sais pas.
-Votre attention, je vous prie ! fit la voix de Sancoeur.
Stan, Darius et tous les étudiants de l'amphithéâtre maintenant bondé se tournèrent vers leur professeur. Ce dernier désigna une jeune métisse qui se tenait à côté de lui :
-Malgré le trop plein de nos effectifs, et mes nombreuses plaintes à l'Administration, nous accueillons aujourd'hui une nouvelle élève qui a souhaité se réorienter et en savoir plus sur le monde merveilleux du droit et de la finance sorcière. Comment vous appelez-vous, jeune fille ?
La fille eut un petit sourire timide :
-Malicia McGuire.
-Et bien Malicia, bienvenue parmi nous. fit le juriste. Et j'espère que vous êtes la dernière brebis égarée que notre cher doyen nous envoie. Allez vous trouver une place, s'il en reste encore une.
Alors que la métisse montait les marches de l'amphithéâtre, Stan tira sur la manche de Darius :
-Mais dis-moi, ça ne serait pas LA Malicia ? Je veux dire TA Malicia !
Le blondinet regarda passer la Zeta qui l'aperçut et l'ignora superbement. Il baissa la tête :
-Ce n'est plus ma Malicia. trancha-t-il tristement.
-En tout cas, elle est rudement jolie ! fit son camarade. Dommage que tu l'aies laissé filer !
Alors que le cours débutait, le regard de Darius se perdit dans le vague.
:arrow: On retrouve Darius quelques jours plus tard
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