Une agitation peu commune troublait le calme du vestibule d’un grand palais londonien où des dizaines de sorciers prenaient un verre tout en discutant d’une étrange rumeur. Les journalistes présents s’en frottaient déjà les mains : il était bientôt dix-huit heures trente et aucune trace de l’héritier Malefoy ! Ce dernier avait probablement succombé à ses démons et avait laissé à l’autel la petite-fille du Ministres des Finances Sorcières ! Voilà qui ferait une dépêche de premier choix…

Brusquement, les portes du palais s’ouvrirent et tous écarquillèrent les yeux en voyant entrer deux nouveaux venus. Le premier avait les cheveux ébouriffés et ses habits déchirés étaient dégoulinants de purée de citrouille fraîche. Le second avait le torse couvert de cicatrices, de bleus et de sang frais, et un treillis militaire crotté. Les deux étaient transpirants et haletants. Aussitôt des flashs crépitèrent dans tous les sens et les journalistes se mirent à poser mille questions :

-Mr Malefoy ! Mr Malefoy !

-Pourquoi ce revirement de situation ?

-Est-ce vrai que vous avez décidé de rejeter l’héritière Fier-Castel pour une vélane courtisane atteinte de dragonellose ?

Alors que Drago tentait de se draper dans le peu de dignité qui lui restait, Marcus prit les choses en main et s’écria :

-Laissez-nous tranquilles ! Vous croyez qu’on à que ça à faire de vous causer ?!

-Etes vous le mystérieux Marco ? Pouvons-nous avoir une photo de vous pour la une de demain ?

Marcus hésita, flatté :

-La Une ? Carrément ? fit-il en souriant. Et bien…

-DRAGO ! intima une voix bien connue.

Les journalistes s’écartèrent laissant apparaître un Lucius Malefoy particulièrement mécontent. Il désigna sèchement une porte.

-Rejoins-moi dans cette pièce. Maintenant. Siffla-t-il.

Drago se tourna vers Marcus :

-On se retrouve plus tard. Fit-il, visiblement terrifié.

Il s’avança vers son père et entra dans la pièce que ce denier lui montrait. Lucius le considéra froidement avant de se tourner vers les journalistes et de faire un sourire de circonstance :

-Comme vous vous en doutez, le fiancé doit... se préparer. Je vous prierai de ne pas nous déranger.

Il claqua la porte derrière lui.

Drago fut poussé par son père dans une grande pièce richement décorée. En dessous d’un lustre en cristal, sa mère, une grande sorcière aux cheveux blancs et à la frange noire qui sirotait un verre de Sherry, eut une moue réprobatrice :

-Mais qui est ce miséreux ? fit-elle.

-Ce miséreux, très Chère, est votre fils. Siffla Malefoy Père.

-Oh. Fit Narcissa nonchalamment. Je le croyais plus grand et moins chétif. Cela doit venir de votre côté.

-Et cela n’est rien comparé aux nombreux défauts mentaux que votre famille lui a légués. Répartit Lucius.

Il sonna une cloche et fit signe à deux servantes qui venaient d’accourir de se charger de l’apparence de Drago. Alors que les deux nouvelles venues s’affairaient autour de lui, ce dernier baissait la tête et serrait les poings en tâchant de ne pas répondre. Il détestait ses parents. Il les détestait de toute son âme.

-Et de quels problèmes voulez vous parler ? fit sa Mère en se resservant un verre.

-De ceux qui nous ont causé d’innombrables déceptions le long de sa courte vie et qui aujourd’hui nous valent une humiliation publique puisque votre fils est incapable d’arriver à l’heure à son propre mariage.

Lucius toisa son fils avec dédain :

-As-tu la moindre idée de ce que tu nous fais subir ? Persiffla-t-il. Comment oses-tu salir notre nom de la sorte ?

Du bout de sa canne, il souleva le visage de Drago qui soutint son regard :

-N’as tu pas eu tout ce qu’un enfant pouvait vouloir ? Ne t’avons-nous pas tout donné ?

-Oui, Père. Fit Drago froidement.

Lucius eut un sourire cruel :

-Bien. Aujourd’hui, il est temps de payer la dette que tu as envers nous.

Quelqu’un toqua à la porte et Sigismond de Fier Castel entra dans la pièce :

-J’ai ouï dire que le fiancé était enfin arrivé. Fit-il en lançant un regard mauvais à Drago.

-Effectivement. Fit Malefoy Père en allant à sa rencontre.

Les deux se considérèrent avec méfiance.

-Vous m’en voyez ravi. Finit par dire le Grand-Père de Mylénie. Son absence aurait créé des désagréments fâcheux.

Lucius eut un petit sourire faux :

-Comme vous pouvez le voir, ces… désagréments n’ont pas lieu d’être. Annonça-t-il avant de désigner la sortie. Venez, rejoignons ensemble nos invités. La cérémonie ne devrait plus tarder.

Lucius jeta un dernier regard menaçant à son fils avant de s’en aller. Les deux servantes, qui venaient de finir leur ouvrage, quittèrent également la pièce.

Drago jeta un coup d’œil à sa mère qui s’était levée et regardait par la fenêtre. Au dehors, les nuages étaient gris et une fine bruine recouvrait Londres. Drago hésita. Il savait bien que le choix ne lui était pas laissé, mais il n’en restait pas moins terrifié. Non pas qu’il eu voulu confier cela, ce n’était pas digne d’un Malefoy. Mais il n’aurait sans doute plus l’occasion de s’exprimer avant longtemps.

-Mère ? hasarda-t-il.

-Mmh ?

Narcissa se retourna et considéra le visage blême de son fils avec dégoût :

-Dieu que tu es pâle. Le portrait craché de ton Père.

Le blondinet baissa la tête.

-Aimez-vous mon Père ? demanda-t-il.

Son interlocutrice eut un petit rire ironique.

-J’avais oublié que tu étais si drôle. Finit-elle par dire. Pourquoi cette question ?

-Je n’aime pas Mylénie. Je la déteste. Fit Drago en serrant les dents.

Sa mère but une gorgée de sa boisson, l’air pensive. Elle reposa son verre.

-Bien. Au moins tu n’auras pas de déceptions. Fit-elle avant de poursuivre, l’air morne. N’attends jamais d’un mariage qu’il te comble, mon fils. N’attends jamais rien de rien. La vie n’est qu’une longue mascarade emplie de malheurs. Autant t’y faire tout de suite.

-Si Père vous rend si malheureuse, pourquoi ne l’avez vous pas quitté ?

Narcissa ne répondit pas tout de suite.

-On ne contrarie pas un serment inviolable. Lâcha-t-elle finalement.

Drago ouvrit des yeux affolés :

-Un serment inviolable ?! bredouilla-t-il alors qu’un long filet de sueur froide lui coulait le long de l’échine.

-Oui. Et sois heureux que ce ne soit pas ton cas. Malgré l’insistance de Mylénie, de sa famille et de ton Père, j’ai tenu à ce que ces méthodes n’aient pas cours lors de ce mariage. Considère cela comme mon cadeau.

Narcissa remarqua le doute dans les yeux de son fils :

-Tout se passera bien si tu suis les volontés de ton Père. Fit-elle. Il y a longtemps, j’ai vécu la même chose que toi et regarde ! Qui ne rêverais pas de faire partie de notre Famille ?

Elle se resservit un verre et le but d’un trait sous le regard affolé de Drago. Le sang de ce dernier ne fit qu’un tour, il se précipita sur sa mère et l’entoura de ses bras :

-Mère ! Aidez-moi ! fit-il, désespéré.

Narcissa eut un bref geste de surprise. Finalement, elle repoussa doucement son fils:

-Je ne peux rien faire pour toi, Drago. Tout ceci a été décidé il y a fort longtemps. Tu le sais, la dot et le prestige que nous apportera Mylénie est considérable. Tu n’as pas le choix.

Le blondinet regarda sa mère dans les yeux et à sa grande surprise y décela une part de doute.

-Mère ? fit-il en ne la quittant pas du regard. Il y a-t-il quelque chose que vous ne me dites pas ?

Cette dernière recula, hésitante :

-La cérémonie est sur le point de commencer. Cette discussion est close.

Elle fit quelques pas rapides vers la porte, mais Drago la rattrapa. Il allait devoir être plus convainquant. Il saisit Narcissa par les épaules :

-Mère. Je ne sais rien de vous et cette conversation est probablement la plus longue que nous ayons eu de toute mon existence. Je n’ai que peu de souvenirs de vous, mais les rares que j’ai sont ceux d’une femme triste, solitaire, et malheureuse comme personne. Je sais bien que vous ne me portez pas dans votre cœur, mais je ne pense pas que vous soyez cruelle au point de laisser votre propre fils vivre les mêmes horreurs que vous. Si vous avez le moindre élément qui pourrait me délivrer de l’enfer que je vis, je vous en conjure, parlez !


Narcissa regarda son fils avec tristesse. Finalement, elle fondit en larmes.

Sous le regard critique de ses invités, qu’il ne connaissait même pas, Drago remonta, la mort dans l’âme, l’allée qui menait jusqu’à un grand piédestal où l’attendait le maître de cérémonie.

Il serra les poings alors que la conversation qu’il venait d’avoir avec sa mère lui tournait dans la tête.


Cette dernière s’était agrippée au col de sa veste :

-Si je te dis ce que je sais, promets-moi que tu ne renonceras pas à ce mariage. Avait-elle gémit.

A regret, son fils avait hoché la tête.

Sa mère avait verrouillé d’un coup de baguette la porte de la pièce et invité son fils à s’asseoir.

-Tu dois d’abord savoir que nous n’aurions jamais fait cela si ta conduite ne nous y avait pas forcé. Commença-t-elle en s’asseyant.

-Que voulez-vous dire ? avait demandé Drago en fronçant les sourcils.

Narcissa s’était tordu les mains, inquiète :

-Ton Père a toujours eu de grands projets pour toi. Nous t’avons donné une éducation sans faille dans ce but et nous avons toujours veillé à ce que tu sois entouré des bonnes personnes. Mais l’année dernière, tu as échappé à notre contrôle. Imagine quelle déception a été la nôtre lorsque nous avons appris que tu fréquentais cette… fille. Nous devions agir.

Elle avait eu une moue de dégoût :

-Nous t’avons fait croire que notre Famille était dans une situation désespérée. En réalité, il n’en est rien. Le nom des Malefoy est plus rayonnant que jamais et nous n’avons absolument pas besoin de la dot de Mylénie. Par rapport à ce que nous possédons, ce n’est qu’une goutte d’eau dans un océan.

Sous l’œil horrifié de Drago, elle avait poursuivi :

-En fait, les Fier-castel sont ceux qui sont en mauvaise posture. Alors que nous pensions annuler ce mariage pour te trouver une meilleure prétendante, Sigismond a proposé à ton Père une contrepartie pour le moins alléchante …

Elle avait soupiré avant de lâcher :

-Sa charge de Ministre des Finances.

Drago s‘était levé brusquement :

-Je dois passer ma vie avec une fille à moitié démente pour un poste ?! avait-il hurlé.

Narcissa s‘était levée à son tour :

-Tu sais à quel point cela compte pour ton Père.

Elle avait posé la main sur l’épaule de son fils. Ce dernier l’avait aussitôt repoussée :

-Je me fiche de ce qu’il veut ! s’était-il écrié, hors de lui. A-t-il jamais pensé une seule seconde à ce que je pouvais vouloir, moi ? J’ai détruit ce que j’avais de plus précieux pour un mensonge ! La fille que j’aime me hait, je ne pourrai plus jamais la revoir et pour quoi ? L’ambition démesurée d’un père égocentrique qui possède déjà ce pays et bien plus encore ?!

Sa mère l’avait giflé.

-Ne parle pas de ton Père comme ça. Avait-elle sifflé. Sans son ambition, tu ne serais pas ici.

Elle l’avait pointé de sa baguette :

-Maintenant, tu vas aller rejoindre ta fiancée et l’épouser. Et si tu t’avises de répéter un mot de ce que je t’ai dit, je jure que je te tuerai. Je ne vous laisserai pas ton Père et toi me rendre la vie plus difficile. Je t’ai donné la vie, je peux te la reprendre.


En arrivant au piédestal, Drago jeta un coup d’œil découragé à Marcus qui semblait le seul à ne pas être gêné par son apparence militaire débraillée.

-Prêt à faire le grand saut, mon gaillard ? fit ce dernier tout sourire.

Drago hocha la tête, résolu.

Il jeta un coup d’œil aux invités. Toute l’aristocratie anglaise semblait avoir été invitée. Au milieu, son Père était en grande conversation avec Sigismond de Fier Castel. Les deux eurent un sourire entendu et une vague de colère déferla à l’intérieur de Drago. Il ne pouvait pas croire qu’il avait été bête au point de croire que son Père avait pu penser ne serait-ce qu’un jour à autre chose qu’à son propre profit. Ce dernier lui avait fait piétiner tout ce qui comptait pour lui.

Drago, furieux, fixa son père. Il se jura de lui faire payer au centuple ce qu’il avait perdu. Après tout, la rancune des Malefoy était légendaire et il comptait bien surpasser grandement tout ce que ses ancêtres avaient fait d’ignominies pour avoir sa vengeance. Restait à savoir comment. Pour l'heure, il avait seulement une petite idée.

Une musique flutée s’éleva et tous les invités se levèrent, solennels.

Mylénie fit son apparition dans une vaporeuse robe blanche ornée de pierreries et alors que tous admiraient la mariée, l’Alpha la regarda s’avancer, en proie à une rage sourde. La jeune femme lui fit un sourire triomphant en se plaçant devant lui.

Ses gros yeux globuleux le fixaient tel un serpent devant sa proie.

Alors que le maître de cérémonie prononçait son discours, les deux fiancés se considérèrent en silence.

Finalement, la question fut posée à Mylénie et cette dernière prononça un « Oui » avec un petit rire mesquin.

L’officier se tourna vers Drago alors que toute la salle retenait son souffle :

-Et vous, Drago, consentez-vous à prendre pour épouse Mylénie, de l’aimer et de la chérir jusqu’à ce que la mort vous sépare ? demanda-t-il.

Le blondinet jeta un regard à ses Parents qui le fixaient avec appréhension. Finalement, il prit une profonde inspiration :

-Certainement pas. Articula-t-il, avec une froideur qui n'augurait rien de bon.

Sur ces paroles, il transplana, laissant derrière lui une assistance outrée qui se tourna comme un seul homme vers Marcus. Ce dernier émit un petit rire :

-Héhéhé. Fit-il très mal à l’aise. Bon, ben, c’était une chouette cérémonie mais faut pas abuser des bonnes choses.

Il ouvrit des yeux affolés avant de disparaître à son tour :

-Ciao, les nazes !

Drago transplana à quelques mètres de l’Université sous une pluie battante. Il respira bruyamment, yeux fermés, pendant quelques secondes. Finalement, il se reprit et regarda autour de lui. Il était seul et personne ne semblait l’avoir suivi. Brusquement, un sourire passa sur son visage et il releva la tête.

Il avait réussi !

Pour la première fois de toute son existence, il avait tenu tête à ses parents.

Il croisa les bras avec une franche satisfaction. Dieu qu’il était bon de se rebeller après tant d’années… Dieu qu’il était jouissif de repenser à la tête déconfite de son Père au moment où ce dernier avait compris que le Ministère des Finances venait de lui glisser entre les doigts ! Et Dieu qu’il était jubilatoire d’imaginer qu’il n’aurait plus à tolérer une seule seconde de plus la présence oppressante de cette sale araignée de Mylénie !

A cette pensée, Drago se sentit si heureux qu’il aurait pu danser sous la pluie ! Bien évidemment, il se retint, il avait tout de même sa dignité. Oh, fichtre, l’occasion était trop belle…

Sous l’œil surpris d’un vieux clochard qui passait par là, Drago esquissa une petite danse de la victoire et, remarquant qu’on l’avait remarqué, se rembrunit aussitôt et traversa la route qui le séparait du portail pointu en relevant le col de sa veste.

Il était désormais fermement décidé à ne plus laisser ses Parents le contrôler. Il leur avait tenu tête, il pouvait recommencer. De toutes manières que pouvaient-ils faire ? Lui baisser son argent de poche ? Les imbéciles ! Ce n’était pas une ponction mesquine qui allait changer quoi que ce soit !

Alors qu’il entrait dans l’université d’un pas triomphant, le blondinet se fit la réflexion que, pour la première fois, il ne savait pas de quoi sa vie serait faite. Cette perspective était des plus agréables. Cependant, s’il ne savait pas ce qui l’attendait, il savait exactement avec qui il voulait vivre tout cela.

Drago se mit en route vers Mysteria Lane. S’il avait pu remettre ses parents démoniaques à leur place, convaincre Malicia de le reprendre serait un jeu d’enfant !

Aujourd’hui était assurément son jour de chance !

:arrow: Direction : Mysteria Lane !

:arrow: Drago revient d' ICI

Après être resté sans savoir que faire devant chez Malicia, Drago avait fini par s'en aller, le regard totalement vide, errant au hasard dans les rues de Mysteria Lane.

Il ne savait absolument plus quoi faire de lui même et une foule de questions sur ce qui l'attendait se bousculaient dans sa tête. Mais il n'avait pas le cœur de chercher un semblant de réponse maintenant. Aussi s'était-il mis à marcher, bousculant au passage quelques étudiants soucieux de rentrer chez eux par cette nuit pluvieuse.

Il était sorti de l'université, et, ses pas le portant malgré lui, avait disparu dans les rues de Londres.