Myosotis avait marché un petit moment, perdue dans ses pensées, et avait fini par se retrouver dans un des jardins public, à côté de Mysteria Lane. Elle s'assit sur un tronc d'arbre déraciné, non loin d'un cours d'eau. Elle balaya du regard les lieux, et, apaisée, soupira :

- J'arrive pas à y croire... J'arrive pas à y croire...

Un sourire rayonnant commença à étirer ses lèvres :

- J'arrive pas à y croire !

Elle prit sa poupée en mains :

- Bibi ! Tu te rends compte ? J'ai osé dire à ma mère ce que je pensais d'elle ! Et ça l'a fait partir ! J'ai fait d'un sort deux coups !

- Et t'as pas peur des représailles ? demanda de sa voix haut perchée la poupée de chiffons.

Le sourire de la fille-chlorophylle s'estompa :

- Ah. J'y avais pas pensé. Non, mais quand même ! C'est ma mère ! Elle ne ferait rien qui pourrait me nuire, non ?.... non ?

Bibi, avec ses yeux en boutons, n'avait pas un visage très expressif ; cependant, Myo sentit aussitôt le blasement de la poupée, dans le silence pesant qui suivit. La jeune femme souffla :

- Sérieux, tu crois vraiment que...

Un horrible grognement lui fit tourner la tête, et Myosotis écarquilla aussitôt les yeux :

- Putain de vacherie de merde ! laissa-t-elle échapper, en se relevant d'un coup.

A quelques mètres d'elle, un monstre horrible, couvert d'écailles vertes, s'avançait vers elle en grondant. Il avait des yeux rouges cruels, et, en dessous, des rangées et des rangées de dents pointues. Myo avait beau cligner des yeux, elle ne voyait que des dents.

Hélas, elle connaissait déjà cette créature : lors de sa dernière rencontre avec lui, elle avait fini au dispensaire, plus mal en point que jamais.

Elle dégaina sa baguette, qu'elle avait planté dans son chignon pour le faire tenir. Et tandis que ses longs cheveux verts se répandaient dans son dos, elle hurla :

- SPERO PATR...

Hélas, le monstre fut plus rapide, et, pour la faire taire, lui plaqua sur la bouche une main démesurée, si tenté qu'on puisse appeler "main" une chose si acérée et écailleuse.

Myo tomba à terre sous le choc en glapissant, et la chose se jeta sur elle, de la bave dégoulinant de ses trop nombreuses rangées de crocs, plaquant sa griffe la plus acérée contre la gorge blanche de la jeune femme.

Bibi avait sauté à terre, dans l'herbe, quand Myosotis s'était effondrée. Et en croisant le regard épouvanté de sa maîtresse, elle comprit aussitôt ce qu'elle attendait d'elle : appeler à l'aide ! ET VITE !

Elle courut aussi vite que ses minuscules jambes lui permettait.

Arrivé devant son deux-pièces miteux dont il supportait de moins en moins la vue, Titus poussa d’un coup d’épaule rageur la porte d’entrée à moitié vermoulue, tout en soutenant son aïeul qui menaçait de s’écrouler. Alors qu’il posait le vieux sans ménagement sur son lit à une place, une petite voix aiguë se fit entendre sur le pas de sa porte qu’il avait laissée grande ouverte :

-Titus ! Tituuuus !!! Viens vite, c’est affreux !!!

Se tournant d’un bloc, le ricain ne vit personne.

-Naaan, grand crétin ! s’énerva la petite voix. Regarde plus bas !

Baissant les yeux, il aperçut la poupée vaudou de Myo, Madame Bibi, qui gesticulait sur le perron en faisant de grands moulinets de ses petits bras.

-Mais… comment tu sais où j’habite, toi ?

-Ben, à chaque fois que Myo venait te rendre visite, j’étais là moi aussi, fit la poupée sans trop comprendre.

-Mais… enfin je veux dire… t’étais déjà une poupée parlante à ce moment-là- oh et puis merde, je renonce à comprendre… Tu veux quoi ? Et d’ailleurs-

Titus se dirigea vers l’entrée et regarda dans l’avenue, à droite et à gauche :

-Myo est pas avec toi ?

-C’est justement ce que je voulais te dire, si tu me laissais en placer une !!! s’impatienta Madame Bibi. Elle est en danger !!!

-En danger ?? Qu’est-ce que tu racontes ?

-Ouiiiii, en danger !!! Une espèce de gigantesque bête verte et écailleuse l’a attaquée dans un parc pas loin d’ici !!!

-Verte et écailleuse ? Oh bon dieu… murmura Titus, livide, comprenant de quoi il s’agissait. Grimpe !!!

Refermant la porte de son appart à double-tour, il tendit la main à la poupée vaudou qui lui grimpa sur le bras. Aussitôt Titus se mit à courir, tout en se collant deux doigts dans la bouche : il émit alors un long sifflement lugubre, sans s’arrêter une seconde, et accéléra l’allure, se fiant aux indications de Bibi pour retrouver la jeune fille chlorophylle.

Moins d’une minute plus tard, les poumons en feu, il débarquait dans le petit parc où se trouvait son amie et se figea, dérapant dans le gravier. Là devant lui, il voyait enfin la gigantesque saleté qui s'en était déjà prise à Myosotis, il y a lui semble-t-il une éternité : longiligne et mesurant bien 2m 50 de haut, elle avait à l'arrière de son crâne allongé une immonde crête osseuse, couverte de piquants translucides où suintait ce qui apparaissait comme du venin...
Ses horribles yeux rouges et exorbités étaient rivés sur la pauvre sorcière aux cheveux verts, plaquée au sol par la créature qui s'apprêtait lui planter une de ses griffes démesurées dans la gorge.

Le sang de l'américain ne fit qu'un tour. Brandissant sa baguette il voulut lancer son patronus, mais dans l'état actuel des choses, aucune pensée positive ne lui vint à l'esprit : il avait toujours du mal avec ce sortilège, étant rarement de bonne humeur, à moins de se trouver seul dans la bataille, où il exultait. Son hésitation risquant de coûter cher à Myo, il interpella le monstre, voulant gagner du temps :

-HÉ, LA SALOPERIE !!! REGARDE UN PEU PAR LA !!!

Myo et son agresseur écailleux tournèrent la tête vers lui.

-Titus !!! fit Myo d'une voix presque inaudible.

La Bête plissa ses grands yeux cruels et découvrit ses trois rangées de dents effilées comme des rasoirs. La fixant droit dans les yeux, Titus tenta d'hypnotiser l'immondice...

Mais rien ne se produisit. Soit le ricain ne s'était pas assez concentré pour réussir son coup, soit cette bestiole était tout sauf un animal... La chose écailleuse se tourna de nouveau vers sa victime, et le grondement menaçant qu'elle émit sortit le cowboy de son inaction :

-EXPULSO !!! s'époumona-t-il

Le sortilège fut d'une telle puissance que l'air ambiant, l'herbe et les cheveux du Gamma se dressèrent comme sous le coup d'une onde de choc : la trainée blanche du sort vint frapper de plein fouet la créature.
Loin de s'envoler, cette dernière s'écroula sur le côté dans un hurlement de douleur comme si on lui avait donné un grand coup de pied dans les côtes. Titus en restait sans voix : cette saleté était d'une résistance stupéfiante ! Myo en profita néanmoins pour se relever.

Titus entendit alors le son qu'il espérait entendre depuis quelques minutes : un long hennissement lugubre qui se rapprochait à toute vitesse. Levant la tête vers le ciel, il aperçut son fidèle compagnon fondre vers eux comme un faucon sur une proie. Alors que le monstre se redressait, furieux, Grand Dada atterrit presque sans s'arrêter, juste devant le cowboy. Ce dernier grimpa en vitesse sur sa monture ailée, de même que Madame Bibi qui bondit sur sa croupe.

Il fonça au grand galop vers son amie qui fixait la Bête en reculant, sa baguette braquée sur elle, et sans s'apercevoir de l'arrivée des "renforts". Titus saisit la main de Myo et, profitant de l'élan de son sombral, la fit grimper devant lui. Au moment où la créature écailleuse se jetait sur eux, le cheval squelettique décolla dans un grand mouvement de ses ailes noires. Passant juste au-dessus du monstre il en profita pour lui balancer ses sabots dans la mâchoire.

Sans attendre de voir si le coup avait été efficace, Titus lança un ordre à son sombral et ce dernier prit de l'altitude, remontant en piqué dans le ciel nocturne sous les hurlements d'une Myo terrifiée, en direction du Grand Potiron.

Myo et Titus volent en direction de :arrow: L'IMPASSE DU BIZUT POURFENDU