Marcus et Darius montaient les marches d'un grand escalier en colimaçon, au cœur de la grande tour lumineuse qui faisait office de bâtiment de Sciences Sociales.

-Flynn, laisse-moi te dire que j'ai tout particulièrement apprécié la façon dont tu as assommé le Roi des Têtes d'Ampoule, pouffa le blondinet.

-Ah, mais faut dire que les coups de boule, c'est ma spécialité ! s'exclama le PAF, un sourire mauvais aux lèvres.

Ils s'arrêtèrent devant une grande double-porte, qui marquait l'entrée de l’amphithéâtre principal de la filière.
Lestrange sortit sa sablomontre à gousset :

-Il est dix heures vingt. Il était prévu que nous ayons cours de philosophie à dix heures pétantes. Avec ce temps détraqué, je doute que notre professeur ait prévu de venir faire cours. Mais tentons tout de même !

Il entra dans la salle de cours sans faire un bruit, et écarquilla les yeux : le professeur Sancœur, en bas sur son estrade professorale, fixait ses notes et les lisait d'une voix morne :

-...et il serait donc de bon ton dans ce cours de philosophie, n'est-ce pas, de ne pas confondre la jurisprudence des principes et la jurisprudence des concepts, ce premier s'apparentant plus à une philosophie du droit appelé positivisme juridique qui existait dès la fin du XIXe siècle, n'est-ce pas, et dont l'un de ses attributs est la compréhension du droit comme une institution dogmatique, c'est-à-dire une imposition du sorcier sur le sorcier, n'est-ce pas, en contrepoint à l'école antérieure, nommée jusnaturalisme, n'est-ce pas, qui entendait le droit comme résultat de sources métaphysique-rationalistes et magico-scientifiques, et le second, n'est-ce pas, étant la première école du positivisme magico-légal s'appuyant sur l'idée d'une loi imposée comme un dogme, par le sorcier au dessus de du sorcier et non pas une conséquence de sciences occultes, arithmanciennes ou foi métaphysique.

Darius jeta un coup d’œil à l'amphi, et parut rassuré : il n'y avait pas là un quart de l'effectif habituel de sa classe. Même ce prétentieux Archie de Machinchose n'était pas là.

Marcus donna un coup de coude à son ami, et lui désigna un gars, qui prenait fébrilement des notes, assis au dernier rang. Il était très petit, très brun, et arborait sur son visage pâle et cerné une gigantesque paire de lunettes rouges pareilles à celle de Johnson.

-C'est bien le gaillard de la photo du dossier de Froud ? chuchota le PAF.

-Oui ! C'est bien lui, Orion Black !

Les deux amis s'assirent de part et d'autre de l'élève et commencèrent à le fixer avec intensité.
Au bout d'un moment, l'étudiant eut l'air gêné. Il tourna la tête à droite, puis à gauche, et remit ses lunettes en place :

-Qu'est-ce que vous me voulez ? pesta-t-il à voix basse.

-Oh, trois fois rien, badina Darius.

-Rien que te parler... ricana Marcus. avant de faire craquer ses phalanges.

Orion Black les fusilla du regard :

-Me parler de quoi ?! fit-il sèchement. Je n'ai rien à cacher !

-Le dossier que mon ami Lestrange tient dans ses mains me dit le contraire... insinua Marcus.

-Il est dit ici que tu aurais des problèmes...musicaux ? enchaîna Darius. Tu veux nous en parler ?

Il plaqua sa baguette contre les côtes de l'étudiant qui cessa d'écrire :

-Je n'ai rien à vous dire. fit ce dernier.

Marcus posa sa main sur l'épaule du malheureux et se mit à lui broyer le bras.

-Ah oui ?

-Arg ! glapit sa victime. Ok, ok! Je vais vous répondre!

Alors que Darius et Marcus se penchaient vers lui pour mieux entendre, Orion persiffla, ses yeux lançant des éclairs :

-Je hais le Général Schneider.

-Vraiment ? ironisa Marcus.

L'étudiant hocha la tête :

-J'ai travaillé des jours et des jours pour améliorer ma voix et ce sale élitiste m'a humilié devant toute la classe. Après tous les efforts que j'avais fait !

Sa main se mit à trembler et il manqua de briser sa plume en mille morceaux :

-Je le hais ! répéta-t-il.

-Alors tu as lancé un sort sur toute l'université pour te venger de lui ? insinua Darius. Je reconnais bien là, l'impétuosité de la famille Black.

Orion plissa les yeux :

-Si seulement.

Il croisa les bras :

-Mais non.

Darius et Marcus échangèrent un regard intrigué.

-Pourtant... tu sembles lui en vouloir vraiment beaucoup. reprit le blondinet.

-Et un sortilège est si vite lancé. ajouta son camarade PAF.

Orion se renfrogna :

-Non.

-Mais si, mon gaillard. insista Marcus. Un petit mouvement de baguette dans un moment de colère...

-La tentation d'utiliser une formule beaucoup trop dangereuse et compliquée pour soi... renchérit Darius.

-Ne me dis pas que tu n'as pas été tenté...

-Après tout, la magie est si simple à utiliser...

-Je n'ai rien fait, d'accord ? cracha Orion sur un ton cinglant. Je suis un étudiant sans histoires, je ne veux pas être viré à cause de vos insinuations pernicieuses.

Marcus ricana :

-Excuse-moi, mon gaillard mais je peux pas te croire sur parole.

-Je suis cracmol, ok ?! Vous êtes contents ? siffla l'étudiant sous l’œil effaré de ses deux bourreaux.

Il rougit brusquement et se remit à écrire pour se donner une contenance :

-Oubliez ce que je viens de dire. Maintenant laissez-moi tranquille. Et ne revenez plus m'embêter.

-AH MAIS QUELLE HORREUR !

Alors que tout l'amphithéâtre se retournait vers lui, Darius eut un vif mouvement de dégoût et recula sa chaise loin d'Orion. Comment diable était-ce possible ?! Un cracmol dans sa famille ? Après des siècles d'un sang d'une pureté parfaite qui n'avait donné que d'excellents sorciers ?!

-Mais que diable se passe-t-il dans le fond ? Lestrange vous troublez à nouveau l'ordre public, n'est-ce pas ? s'écria Maître Sancoeur.

Orion haussa la voix :

-Ce n'est rien professeur. Juste une tâche d'encre sur son parchemin, j'en ai peur !

Sancoeur plissa les yeux avec méfiance et se remit à sa lecture. Darius allait se mettre à hurler de plus belle mais son infâme cousin lui mit la main sur la bouche :

-Surtout ne dit rien ! Je risque d' être viré d'ici. Tu ne peux pas imaginer tout ce que j'ai dû faire pour intégrer ce cours !

Darius chassa la main du cracmol d'un geste écœuré. Sous l'œil intéressé de Marcus, il toisa l'étudiant avec mépris :

- Je refuse de croire en cette abomination ! siffla-t-il. Tu ne peux pas être un Black !

Orion ouvrit des yeux dans lesquels se mêlaient terreur et colère :

- Je veux juste prouver ma valeur, comme les autres ! affirma-t-il. Je t'en supplie, ne dis rien ! Après tout, tu es un Lestrange, nos familles sont liées !

Darius lui braqua sa baguette sur le torse et lui jeta un regard glacial :

-Ne. Répète. Jamais. Ça. articula-t-il, sur un ton très menaçant.

- Tu... Tu ne trahirais pas ton propre sang, n'est-ce pas ? bégaya son malheureux interlocuteur.

Les deux hommes se regardèrent un instant en silence. Finalement Darius se leva, pointa le malheureux Orion de sa baguette et coupa le professeur au beau milieu d'une phrase en hurlant :

- UN CRACMOL ! IL Y A UN CRACMOL DANS LE COURS !

-Aaah, comme j'aime la délation ! fit Darius en sortant du cours, très satisfait de lui même.

Il croisa les bras et regarda deux gardes personnels du doyen emmener un Orion Black penaud hors de l'amphithéâtre. Ce dernier lui jeta un regard noir et il soutint son regard avec un petit sourire narquois :

-Justice est faite. fit-il à son intention.

Il se retourna vers Marcus. Le PAF considérait la scène avec amusement :

-T'y est p't-être allé un peu fort cette fois, non ?

Le blondinet secoua la tête :

-Non. Cet Orion est un déshonneur ambulant. Père m'a toujours dit que la famille de ma mère n'était que déception. J'aurais probablement du le tuer sur place.

Marcus rigola :

-Tu te ramollis avec l'âge, Lestrange !

-Que veux-tu... Je suis un sensible. Lui répondit Darius en haussant les épaules, un petit sourire aux lèvres.

-Ca me rappelle Poudlard quand tu as désavoué en public ce poufsouffle qui se prenait pour un professeur. Comment s'appelait-il déjà ? Rupert ? Rudolf ?

-Rubeus Hagrid. lâcha le blondinet.

Les deux ricanèrent et se mirent en quête de la sortie. Finalement, Darius se tourna vers son ami :

-Bien, Flynn, où en étions-nous ?

Marcus croisa les bras :

-On stagne, mon gaillard. On a un binoclard qui a disparu et qui pourrait bien être impliqué. Un autre bigleux qui ne pouvait pas lancer de sort parce que c'est un cracmol...

-...et une vieille connaissance à lunettes que j'adorerais torturer. fit Darius sortant la photo d'Harry Potter du dossier de Froud et en la tendant à Marcus.

Ce dernier eut un petit sourire cruel :

-Ah, cet enfoiré de Potter. C'est l'occaz de lui faire regretter de nous avoir battus au Quidditch.

-Je pense que l'on devrait trouver son adresse en demandant au bâtiment administratif. suggéra Darius.

Les deux garçons acquiescèrent et sortirent du bâtiment de Sciences Sociales.

Darius et Marcus s’acheminaient vers le bâtiment administratif de l’université.

-Je sais pertinemment que Potter n’a rien à voir là-dedans, mais cela me ferait tellement plaisir que tu lui casses quelques doigts ! Ça sera mon cadeau de mariage !

Marcus acquiesça :

-Ouaip, avec plaisir. Après on repartira vers Johnson, ça me semble être une meilleure piste. Mais bon faut pas se refuser un peu de détente, dans la vie !

Alors qu’ils passaient près de la fontaine de la place Magnus Maximus Magouille, ils entendirent grommeler :

-Ah oui c’est bien beau de dévier les boules de feu qu’on envoie sur le doyen, encore faudrait-il éviter de les renvoyer sur les honnêtes étudiants !

-J’ai déjà entendu cette voix quelque part, fit Marcus, songeur.

Le regard de Darius s’assombrit :

-Harry Potter…

Les deux saisirent leurs baguettes, et se retournèrent.

Les cheveux enduits de gomina, vêtu d’un blouson de cuir qui avait la lourde tâche de le rendre plus cool, le garçon qui avait soi-disant survécu pataugeait dans les eaux pleines de paillettes de la fontaine. Il avait le visage noir de suie, et les sourcils roussis. Il enleva ses lunettes rondes, ce qui lui fit deux traces de propreté autour des yeux.

-Comme on se retrouve, Potter, fit Darius, menaçant.

Marcus bondit dans la fontaine, saisit Harry par le col et le souleva jusqu’à ce que ses pieds ne touchent plus sol. Des dizaines et des dizaines de photos dédicacées tombèrent des poches du malheureux.
Darius en saisit une, et grimaça :

-Ne sais-tu donc pas écrire sans faute ? Et pourquoi diable te trimballes-tu avec des centaines de clichés de toi ?

-Mes fans ont droit au meilleur de moi-même ! expliqua le balafré avec un large sourire.

Lestrange plissa les yeux :

-Oh Potter, chaque seconde qui passe me fait te détester un peu plus…

-On pourrait peut-être profiter de l’avoir sous le coude pour lui couper un membre ou deux ? proposa Marcus, d’un ton badin.

-Non, après, répliqua Darius. Posons-lui d’abord nos questions.

Comme à son habitude, Harry considérait ses deux ennemis bouche bée, d’un air niais.
Marcus le secoua :

-Parle, crapule ! On sait que c’est toi !

L’ancien Gryffondor leva les yeux au ciel :

-C’est bon, pas la peine d’en venir aux mains… J’avoue tout.

Sous les yeux effarés de ses interlocuteurs, il se lança dans un monologue :

-Schneider a refusé que je devienne le soliste officiel de la chorale ! Vous imaginez ? Moi ? Le sauveur de l’humanité ! Obligé de chanter dans la foule, comme un vulgaire sorcier qui n’aurait vaincu aucun mage noir ! J’ai du passer au moins une heure de thérapie avec le docteur Froud pour m’en remettre, vous vous rendez compte ? J’en avais même pas eu besoin quand j’ai appris que mes parents étaient morts, c’est vous dire le traumatisme ! Bref, j’étais obligé de lancer ce sort sur toute la fac.

Darius ouvrit des yeux ronds :

-C’était toi ?! C’était vraiment toi ?

-Mais mais mais… je croyais que tu n’y étais pour rien ! Je croyais que c’était Johnson ! s’étonna Marcus.

-Jasper Johnson ? se vexa Harry. Pfff, il n’a pas mon génie ! Bon d’accord, il m’a écrit la formule de ce sort musical, mais il ne m’arrive pas à la cheville ! C’était mon idée de lancer un sort de cette ampleur ! Bon, d’accord, le sort était juste censé me faire mieux chanter… mais quelque part, ça a réussi ! Et dire que j’ai du menacer ce pauvre Jasper pour qu’il accepte de m’aider ! Je l’avais rencontré en sortant de chez Froud, qu’il consultait pour le même problème que moi, il aurait du me rallier de suite… mais non, môôôssieur avait des principes ! « Faire une combinaison de sorts c’est risqué gnagnagna, on pourrait détruire la fac, gnagnagna ! » Un pisse-froid qui ne sait pas prendre de risques ! Rien à voir avec moi ! Vous savez ce qu’il a fait ce pleutre ? Il m’a écrit la formule expérimentale, il allait me la lancer, quand y’a eu une panne de courant ! Et qu’est-ce qu’il a fait, lui ? Il en a profité pour se tirer ! Du coup j’ai du lancer le sort tout seul ! Mais c’est pas grave : c’est vraiment rien de lancer un sortilège expérimental quand on a vaincu tout seul le Maître des Ténèbres ! Et je suis sûr que ce n’est pas de ma faute si ça a dégénéré ! De toute façon, j'ai fait en sorte qu'on puisse pas remonter jusqu'à moi, je me suis arrangé pour qu'on trouve ses lunettes pas loin de la chorale... Ça lui apprendra à s'enfuir comme un lâche !

Il y eut un silence abasourdi, que Darius finit par rompre :

-Dieu, que je te hais, articula-t-il, les dents serrées. Si tu savais à quel point j’ai envie de te tuer… Marcus, vas-y, débarrasse-nous de lui une bonne fois pour toutes.

Flynn leva le poing, mais Harry lui lança un grand sourire :

-On attrape pas le meilleur attrapeur du monde aussi facilement ! SHAZAAM !

Et il transplana.

Marcus pesta :

-AH LE PETIT ENFOI…

Des oiseaux s’envolèrent, effrayés par ce cri.

Marcus jeta un coup de pied rageur dans l'eau de la fontaine. Une gerbe éclaboussa Darius, qui pesta.

-Fais donc attention, Flynn !

-Bon Dieu mais ça m'énerve mais ça m'énerve mais ça m'énerve ! grommelait inlassablement le PAF.

-Et moi donc ! répliqua Darius. Nous avons perdu une fois de plus l'occasion de nous venger de ce balafré !

Flynn sauta hors de la fontaine et soupira.

-Mon gaillard, je crois qu'il ne nous reste qu'une chose à faire !

-Ah oui ? Quoi donc ?

-Aller retrouver ma femme !

Lestrange regarda son ami, blasé.

-Et en quoi retrouver ta rombière va nous aider à retrouver Potter ?

-Chais pas. Mais ma Luluchou me manque, ça fait des jours que je l'ai pas vu, et ça suffit !

-Mais qu'est-ce que tu racontes ? soupira le blondinet. On l'a vu tout à l'heure au restaurant universitaire !

-C'était il y a des jours, je te dis ! s'énerva Marcus. Tu me feras pas changer d'avis. Je vais aller la voir. Elle doit être chez Malicia.

L’œil de Darius s'alluma à l'évocation de ce nom.

-Ah oui tiens... Ça ne peut pas être une si mauvaise idée... fit-il avec un petit sourire en coin.

-Et puis réfléchis ! S'exclama le Pi Alpha Fi. Si on arrive en leur disant que c'est Potter, alors qu'elles bataillent dans leur enquête depuis un moment, elles vont nous accueillir en héros !

L'idée sembla particulièrement emballer Darius :

-Oh oui ! Allons-y !

Les deux se mirent en route, à grandes enjambées.


direction Mysteria Lane, la maison de Mali