Dans son vieux lit de fortune bancal, Om Rajesh Kapoor se retourna, les sourcils froncés, gesticulant dans son sommeil. Le salon miteux qu'il avait réintégré à la suite de sa rupture avec Malicia était parfaitement silencieux malgré l'heure matinale, et demeurait plongé dans le noir, tous les volets étant fermés. De nouveau, l'hindou s'agita, rêvant de la plus désagréable des façons :

Un vieux bonhomme à l'imperméable usé et dont un chapeau rapiécé cachait avec beaucoup de mal la calvitie, s'avançait à petits pas dans une ruelle grisâtre de Londres, sous un crachin déprimant. L'image était en noir et blanc.

"Vous êtes seul désormais, mon bon Monsieur ?"

Le pauvre homme se tourna vers un objectif imaginaire, hochant la tête comme pour approuver la voix qui venait de parler.

"Votre fiancée vous a laisser tomber devant l'autel ?"

Le vieil homme baissa la tête et esquissa un geste pour essuyer une larme, les traits de plus en plus tirés.

"Vous êtes détesté par votre entourage ? Vous avez récemment perdu votre travail ??"

Le malheureux dut se retenir à un mur de briques, prêt à tomber à genoux de désespoir.

"Vous pensez que les Dieux vous maudissent ? Que votre bon étoile vous abandonné ? Je dis : STOP ! Cessez de désespérer !!"

Alors que le protagoniste tentait de se relever, la voix reprit de plus belle :

"Je vous le dis, il existe une solution à TOUS vos problèmes !!!"

Le vieillard rabougri leva alors des yeux plein d'espoir à cette mention, un sourire béat aux lèvres.

"Ouiiiiii ! Il vous suffit pour cela de nous faire la plus entière confiance et de CROIRE en vous-même ! Dites-moi, êtes-vous un homme ou un vulgaire musard, *OM RAJESH KAPOOR* ?"

Le nom du PoP avait été prononcé avec une voix monocorde digne des pires standardistes robotisés, ensorcelée pour prononcer le nom de celui qui voyageait dans la publicité onirique.

Cette fois-ci, l'étudiant en médicomagie se vit réellement en lieu et place du vieillard malchanceux, portant les mêmes habits miteux, alors que la voix reprenait de plus belle :

"Courrez sans plus attendre faire l'heureuse acquisition de notre dernier ouvrage, *OM RAJESH KAPOOR* ! Il s'intitule "Je déclare la guerre à la négativité et à l'incertitude !" ! Pour 59 gallions, 23 mornilles et 3 noises, ce livre de référence vous aidera pas à pas à remonter la pente et à devenir une MEILLEURE personne ! "

Enchanté, Le vieil Om tient à présent dans ses mains un exemplaire de l'ouvrage qu'il lit avec avidité. Une fois sa lecture terminée, il se tourne vers un semblant d'objectif, respirant à présent le bonheur et lève un pouce devant lui. Quittant sa démarche de vieillard, il s'en va le long de la ruelle en gambadant et en sifflotant.

"Alors, *OM RAJESH KAPOOR* ? Que faites-vous donc encore chez vous ?
Foncez directement dans votre magasin FNUC le plus proche et achetez donc ce recueil de merveilleux conseils ! Le bonheur n'attend pas ! Réveillez-vous ! RÉVEILLEZ-VOUS !!! ..."

-...réveille-toi, Omy !! Allez debout !

Secoué comme un cocotier, Om finit par se réveiller en sursaut : le visage bienveillant au sourire radieux de sa sœur Dolly apparut en gros plan devant lui :

-Allez, grand feignant ! Tu vas sûrement pas rester au lit toute la journée à te morfondre !

-Ooooh, Dolly... Laisse-moi donc...

-Hors de question !!! s'écria-t-elle soudain, son visage brutalement traversé par une expression de colère.

Elle planta un index à l'ongle long et pointu dans son épaule :

-Tu vas te bouger les fesses, mon frère !!! Je ne serai pas ta petite infirmière privée ! Contre la mélancolie, je connais qu'un seul remède !

Elle se redressa immédiatement, de nouveau souriante :

-Le SHOPPING !!! Il y a une galerie marchande dans l'Avenue des Champs-Allons-Y ! Si j'avais su qu'elle y était, je n'aurais pas couru jusqu'à Londres ! Tu vas venir avec moi et on va s'offrir une matinée DÉTENTE !!!

Par tous les dieux, j'avais oublié à quel point ma très chère sœur peut-être têtue... Elle au moins ne m'a pas abandonné, alors que les autres m'ont littéralement craché au visage en clamant que je les avais toutes trahies !
...
Oh, après tout, un peu de loisirs futiles serait le bienvenu après une nuit pareille... Peut-être trouverai-je quelques ouvrages pour mes cours... Ou quelque chose qui m'aidera à me remonter le moral.

Sans ajouter un mot, Om se leva et d'une démarche misérable, ramassa ses vêtements, se dirigeant vers sa salle de bain dans l'espoir qu'une douche saurait le réveiller.