Les doubles portes de verre magique s'évaporèrent l'espace d'un instant pour laisser entrer les futurs clients de l'enseigne : ces derniers débarquaient en ces lieux en vastes troupeaux affairés, tandis que de nombreuses autres personnes filaient dans l'autre sens vers la sortie, les bras chargés de paquets qu'elles réduisaient aussitôt à une taille minuscule d'un coup de baguette, pour mieux les ranger dans leurs sacs.
Par la grâce de Ganesh ! Il y a une foule compacte d'étudiants dans cette grande surface ! Je ne suis pas prêt à voir autant de quidams en une seule et intense matinée !!! J'en ai déjà assez, je veux rentrer et me coucher...
...
Mais cette pause publicitaire dans mes rêves semblait pourtant suggérer qu'il y avait une remède à ma lancinante mélancolie ! Je dois à tout prix me procurer cet ouvrage prometteur que j'ai vu cette nuitée !-Omy ? fit la voix enjouée de Dolly Kapoor. Tu es avec moi ? Ou bien es-tu encore parti vers d'autres rivages ?
-Hmm ?
-Tu es encore perdu dans tes pensées, mon frère !
La sorcière hindoue ponctua sa phrase d'un brusque claquement de doigts devant les yeux de Om, qui pour le coup sursauta : ils se trouvaient à présent tout deux sur un escalator en lévitation qui les menaient vers les étages supérieurs de l'édifice. devant flottaient des panneaux mentionnant les différents rayons qu'ils pouvaient apercevoir : "Ustensiles sorciers" ; "Places de spectacle/Réservations" ; "Musique/Radiophonie magique" ; "Matériel, enregistrement sorcier/Picturines"... Dolly ne cesser de parler d'un air quelque peu enthousiaste quant à la taille du grand magasin en adressant de temps en temps un sourire éclatant à son frère qui n'était pour autant pas dupe. La jeune femme finit par stopper quelques instants devant l'air maussade de Om et fronça les sourcils :
-Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu n'as pas décroché un mot depuis que nous avons quitté ton appartement ?!
Om ouvrit la bouche, mais Dolly répliqua à sa place :
-Tu penses encore à ta Malicia ? Oublies-la donc quelques secondes, andouille ! C'est une gentille fille, bien comme il faut, intelligente et tout, mais de ce que tu m'as raconté vous n'étiez clairement pas faits l'un pour l'autre !
Elle soupira ostensiblement, prenant un air navré.
-Ces choses-là arrivent tout le temps, Omy ! Tu vas t'en remettre !
-J'ai... j'ai l'impression que je vais pourtant mettre un certain temps à oublier tout ça... D'autant plus que je l'ai faite fuir !
-Ça c'est sûr et certain ! fit Dolly soudain impitoyable. Tu aurais pu lui lâcher du lest ! Franchement, tu crois pas que notre famille est déjà assez à cheval sur ces traditions à la noix pour en rajouter une couche ? J'aurais cru qu'avec tout ce que Papa t'a fait subir en matière de sermons, tu te serais lâché un peu plus à l'Université !
De nouveau, le PoP voulut répondre, mais sa sœur ne lui en laissa pas le temps :
-Qu'importe, franginou ! Aujourd'hui c'est détente !! Tu vas aller te faire plaisir pour une fois, et prendre quelques trucs pour toi !
A cette mention, le visage de Om s'éclaira quelque peu, s'imaginant une petite soirée picturines/nanars qui pourrait lui redonner le sourire, mais sa sœur coupa court à ses illusions :
-Mais je te préviens, ne va pas dépenser tes mornilles en picturines et autres machins débiles pour enfants sorciers de six ans ! Prends-toi donc de bons livres !
-Mais, Dolly... ces picturines ne sont pas "débiles", celles que je possède sont des artefacts collectors rarissimes et...
Le regard perçant et furibond de la sorcière hindoue le fit taire et baisser les yeux sur-le-champ.
Ils finirent tout deux par débarquer aux niveaux supérieurs, annonçant de manière ronflante "Fournitures Universitaire", et "Espace Livres". En un rien de temps, l'étudiant en Médicomagie fut délaissé par sa sœur qui le serra brièvement dans ses bras et s'en fut poursuivre son shopping.
Se tournant vers l'entrée de l'étage à laquelle l'escalator volant venait de se coller, il se décida à arpenter les couloirs des rayonnages savamment éclairés par des lampes volantes, et remplis à ras-bord d'ouvrages de magie ou de fiction savamment ordonnés.
Un livre... un livre neuf que je n'aurais donc jamais encore lu et qui ne traiterait ni de science-fiction moldue, ni de super-sorciers...
...
Oh misère et infamie, tout et n'importe quoi tant qu'il ne s'agit pas de l'un de ces damnés traités de médicomagie !!! Quelque chose qui me change les idées !Observant les étalages d'un œil morne, le PoP passa devant des panonceaux aussi divers que "Précis de Métamorphose" ; "Sortilèges inutiles mais tout de même amusants" ; "Les Potions pour les plus que Nuls...", avant de stopper net, attiré par le chatoiement d'une lumière quelque peu étrange : émanant d'une coursive derrière les ouvrages de " Magie d'Auto-défense", l'hindou n'était pas sûr de l'avoir remarquée auparavant, alors qu'il repassait pour la deuxième fois par cette section. Passant la tête par le coin du mur, il vit que la lumière provenait d'une unique bougie flottante, qui éclairait une sorte de réserve, comme cachée derrière les rayons.
Un unique employé rabougri et au dos bossu s'y affairait, occupé à faire l'inventaire. Ses longs cheveux blancs et sales, ainsi que son uniforme en lambeaux semblait suggérer un très long, voir trop long séjour à la FNUC.
-Heuu... hésita Om, veuillez m'excuser cher monsieur, mais je me demandais exactement, quel est cet endr... AAAAAAAAH !!!
Le vieil homme s'était retourné d'un bloc et son visage sinistre et grimaçant avait frappé Om de terreur. Voyant apparemment cela comme une bonne blague, il éclata d'un rire hystérique.
Quand au bout de cinq bonnes minutes, son hilarité prit fin, il répondit au jeune hindou d'une voix éraillée :
-Ceci, mon garçon est la section la plus... intéressante de ce grand magasin... peu d'étudiants la trouvent, encore moins osent s'y aventurer...
-Je comprend fort bien, mais quel est le...
De nouveau le vieillard éclata d'un grand rire sinistre qui fit sursauter le PoP. Lorsqu'au bout de dix minutes il cessa de s'esclaffer, il reprit :
-Mais toi petit, je sens que tu es fait d'un autre bois... dis-moi donc, qu'est-ce qui te ferait plaisir ?
-Et bien, je... ne sais point exactement ce que je cherche. Je souhaitais seulement examiner quelques livres avec votre consentement.
-Mais fais donc, mon gars ! Fais donc !!
Derechef, le rire de crécelle du vieil employé résonna dans les rayonnages, alors que Om, pour une raison qu'il ne s'expliquait pas trop se mit à fureter un peu partout.
Par la rage de Kali, quel curieux quidam ! Je suis peut-être paranoïaque, mais il ne m'inspire pas vraiment confiance... Quant à ces ouvrages, quel bizarrerie ! Aucune étiquette, aucun code barre magique, pas d'auteur, seulement des couvertures noircies par le temps...
Ça par exemple, celui-ci a l'air encore plus détérioré que les autres !En touchant le livre en question, Om Rajesh Kapoor mit à jour une étagère qu'il n'avait pas encore vue : elle était recouverte d'un tas de carnets de texte jetés pêle-mêle, et l'hindou vit lorsqu'il les mit de côté qu'elle ne contenait qu'un seul ouvrage à la vieille couverture de cuir. Le soulevant et l'époussetant, le sorcier trouva à la relique une apparence curieuse, voir fascinante ! Om se releva et se tourna vers l'employé bizarre :
-Dites-moi, mon bon monsieur, combien coûterait ce...
Le vieux bossu avait disparu. L'hindou haussa les épaules :
-Oh, le brave homme aura sans doute pris sa pause -déjeuner bien méritée... Les hôtes de caisse sauront sans doute me renseigner !
Sans s'attarder plus que nécessaire, Om quitta le rayon étrange, se dirigeant tranquillement vers l'escalator. Derrière lui, à la place de la coursive menant à la section de livres mystérieux se trouvait un mur de pierre blanche. Seul demeurait l'écho d'un rire hystérique qui résonna quelques instants dans l'étage désert.