-Répète un peu ce que tu viens de dire Malefoy?! tempêta Marcus, les yeux injectés de sang.

Il frappa un poing sur la table, ce qui fit trembler les verres de tout le monde. Malicia glapit alors que le cocktail coloré qu'on lui avait commandé malgré elle débordait.

Le blondinet jeta une œillade tout à la fois étonnée et craintive à son meilleur ami :

-Je disais simplement que je n'avais plus de famille désormais...

L'AAA se prit un méchant coup sur le sommet du crane du blondinet :

-Aouch !

-Ça t'apprendra à dire des conneries ! siffla le Pi Alpha Fi entre ses énormes dents.

-Mais j'énonçais simplement un état de f... AOUCH !

Drago se frotta le sommet du crâne en maugréant, tandis que Marcus agitait devant lui un doigt autoritaire :

-ET NOUS ALORS, ON COMPTE POUR DE LA BIERAUBEURRE PEUT-ETRE ?! rugit le PAF. Non, mais je jure... J'ai pas raison mon P'tit Cognard ?!

Lucrécya, à moitié affalée sur la table, avait passé les bras autour de deux énormes verres chamarrés, l'un émeraude et l'autre pourpre, d'où s'élevaient de jolies volutes magiques. Elle leva un œil vitreux et mi-clos vers son mari :

-Chus tout à fait d'accord, Marcusounet ! HIPS ! Au début j'préférais l'vert mais l'rouge c'est bien aussi... HIPS !

Elle conclut sa phrase en gobant d'un seul trait de contenu de ses cocktails. Puis elle se lécha les babines, et lorgna sur le verre rose bonbon de Malicia :

-Tu vas le... HIPS ?

-Non, tiens... fit en grimaçant la Zeta.

Elle repoussa le verre vers son amie, qui le but cul sec.

-ET RUFUS, C'EST QUI SON PARRAIN, HEIN ?! s'énerva soudain Marcus, en frappant à nouveau son poing sur la table.

Malicia et Drago sursautèrent à nouveau. Puis, le blondinet esquissa un petit sourire :

-J'ai compris ou tu voulais en venir Flint. Et même si l'idée de faire partie de la même famille que Rincevent est tout sauf réjouissant, je t'en remercie.

La métisse tourna la tête vers sa meilleure amie :

-Au fait, en parlant de Rufus... Je ne l'ai pas vu aujourd'hui ! Vous l'avez laissé où ?

Lucrécya, qui tentait de voler subtilement le verre de Malefoy, releva la tête :

-On a trouvé une... HIPS ! ...babysitter pas cher... HIPS ! Griselda O'Neil !

Les yeux de Malicia s’agrandirent d'horreur, mais Lulu ne s'en rendit pas compte. Elle était trop occupée à tenter de voler sa pinte à un étudiant à la table derrière la leur.

-NON MAIS TOUT DE MEME ! hurla soudain Marcus, en frappant ses deux poings sur la table. COMMENT TU PEUX DIRE QUE T'AS PLUS DE FAMILLE ?!!

Quelques discussions plus tard...

L'heure était déjà bien avancée et les nombreux groupes qui avaient élu domicile dans le pub s'étaient levés les uns après les autres pour rejoindre le confort de leur lit. Affalé sur le comptoir, le patron des lieux agitait mollement sa baguette pour faire un peu de ménage. Une musique lancinante résonnait encore alors que la fermeture était imminente.

-... et c'est comme ça que l'équipe de Serpentard a fini première au Tournoi de Quidditch des Quatre Maisons ! Et tout ça parce que je suis le meilleur des capitaines !

Alors que Marcus bombait le torse avec fierté, Malicia prit la parole, un peu blasée :

-C'est la dixième fois que tu nous raconte ça, Minus... Et en plus c'est même pas vrai, les Serpentards ont toujours fini deuxième derrière les Gryffondors. Je le sais, j'étais là.

-On était TOUS là, fit Drago de sa voix trainante en touillant mornement son verre. Et je confirme : ce parvenu de Potter nous a raflé le prix à chaque fois.

Flint abattit d'un coup sa chope :

-Potter j'l'emmerde !!!

Alors que Drago levait son verre en silence pour acquiescer à cette insulte, Marcus reprit :

-Si ce tocard avait pas été là, on aurait gagné ! Et cet empaffé de Dumbledore nous aurait filé cette putain de coupe ! Parce qu'on le méritait, hein mon p'tit cognard ?

Un ronflement bruyant lui répondit : Lucrécya dormait du sommeil du juste, le nez dans un plat de bretzels à moitié vidé. Marcus, attendri, sourit de tous ses chicots :

-Regardez-moi ça, elle est pas merveilleuse quand elle dort ?

Drago lorgna avec dégoût sur la flaque de bave qui dégoulinait de l'assiette :

-Ce n'est pas le terme que j'aurais employé, grimaça-t-il.

Ignorant superbement cette remarque, le PAF se leva :

-Bon, j'crois que c'est le signal, il est l'heure de se rentrer...

Il souleva Lucrécya dans ses bras et cette dernière, la joue pleine de bretzels marmonna quelques jurons incompréhensibles. Malicia se leva à son tour et bailla :

-T'as raison, il se fait tard, mon pyjama m'appelle.

Ils enfilèrent leur manteau, et faisant un signe de main à l'Alpha, sortirent du bar. Sentant le froid mordant du vent d'hiver, Mali frissonna et se pelotonna dans sa doudoune, essayant de suivre le pas soutenu de Marcus. Longeant le mur du pub, elle passa devant la fenêtre embuée et se sentit soudain peinée : de l'autre côté de la vitre, Drago se tenait toujours devant sa boisson vide, l'air absent.

-Bon, tu fais quoi Boufftout ? l'invectiva Marcus.

La métisse sursauta :

-Continue sans moi, j'ai oublié quelque chose à l'intérieur !

-Et ça se dit futée ! ricana Flint.

Il poursuivit son chemin, Lucrécya sur le dos agitant des poings furieux dans son sommeil. Malicia rebroussa chemin non sans lancer un regard furibard au PAF. Poussant de nouveau la porte du pub, elle s'avança vers le blondinet, hésitante. Ce dernier ne leva pas les yeux :

-Tu as oublié quelque chose ?

Malicia ne répondit pas tout de suite. Elle ne savait vraiment pas sur quel pied danser. Elle était heureuse que Drago soit hors de danger, mais elle se sentait toujours très en colère contre lui. Et il fallait bien dire que cette journée l'avait un peu secouée. En fait pendant longtemps, il lui avait semblé totalement inimaginable de pouvoir lui reparler. Mieux valait en finir vite. La métisse prit une inspiration :

-Je voulais te dire merci. annonça-t-elle.

De tous les malheurs qui étaient arrivés à Drago cette année, cette journée avait constitué une sorte d'apothéose. Il savait ses parents prêts à se servir de lui comme d'un vulgaire jouet pour arriver à leurs fins. Il les savait capables de l'abandonner sans un seul regret. Mais il ne s'était jamais préparé à ce qu'ils veuillent  le tuer.

Bien qu'il la détestât, l'indifférence parfaite de sa mère à son sort l'avait plongé dans une sorte de torpeur, dont il avait eu toutes les peines du monde à se tirer, et ce, malgré les efforts de ses amis pour l'aider.

Ses amis... Il y avait peu, il ne pensait pas en avoir autant. Flint et Rincevent s'étaient réellement inquiétés pour lui, et il leur en était reconnaissant. Mais il n'aurait jamais pensé possible que Malicia se joigne à eux. Elle le détestait cordialement, et elle avait assez de raisons pour ressentir cela.

La journée s'était imposée à l'alpha comme une réminiscence. Retrouver leur groupe au complet s'était avéré vraiment plaisant. Cependant, côtoyer la zêta avait été aussi étrange que douloureux et il avait fait son possible pour se tenir à distance.

L'Alpha leva lentement les yeux et considéra un instant la métisse qui se tenait devant lui :

-Merci ? fit-il, sans comprendre.

Malicia hocha la tête :

-Merci de m'avoir sauvée tout à l'heure... contre ton père.

Drago eut un sourire las :

-Merci plutôt à toi de m'avoir aidé.

Une longue minute de silence s'écoula et les deux tournèrent leurs visages chacun de leur côté sans trop savoir quoi ajouter. Drago était perdu. Cela faisait des siècles qu'ils ne s'étaient pas parlé, du moins sans se faire des reproches ou sans chercher à se blesser. Et maintenant, il ne savait absolument plus quoi dire en sa présence, et cela le rendait terriblement triste. Il avait l'impression de devoir marcher sur des œufs, et la certitude qu'un rien pouvait faire basculer la conversation dans une dispute. Et ce soir, il n'avait tout simplement pas la force d'en endurer une.

Il reprit :

-Je suppose que l'on va être obligés de se dire bonjour de temps à autre maintenant. tenta-t-il sur un ton qui se voulait amusé, mais qui dissimulait avec peine son embarras.

Malicia lui répondit par un petit sourire, tout aussi gênée :

-Je suppose, oui...

Elle regarda le sol, les bras ballants :

-Bon, ben moi j'y vais...

Elle tourna les talons et Drago sentit son cœur se pincer.

-Je suis désolé. lança-t-il.

La Zeta se tourna, surprise :

-Désolé ? répéta-t-elle. Pourquoi ?

-Pour tout ce que je t'ai fait.

Drago s'était raidi et baissait la tête.

-D'avoir tout gâché. finit-il par dire, un brin de découragement dans la voix. D'avoir écouté mes parents et d'avoir mis leurs ambitions avant toi, d'avoir fait comme si tu n'existais pas, de ne même pas avoir pris la peine d'écrire.

Il releva les yeux :

-J'ai essayé, tu sais. J'ai vraiment essayé. Je me suis opposé à mes parents, mais je n'avais pas le choix.

-C'est pas la peine de m'expliquer tout ça, le coupa la métisse. Je sais déjà, Lucrécya m'a raconté.

Malicia avait prit un ton ferme qu'il ne lui connaissait pas :

-Je veux plus jamais en entendre parler, et d'ailleurs je m'en moque. Le sujet est clos pour moi.

Drago regarda la zeta un court instant, désorienté. Il connaissait bien Malicia, mais il avait eu la soudaine impression d'avoir quelqu'un de différent en face de lui. Ces derniers mois, il s'était employé à l'ignorer. Et il n'avait pas remarqué que, lentement, elle avait changé. C'était imperceptible, mais c'était là.

La jeune femme coupa court à ses réflexions en lui lançant un petit sourire assuré :

-Au moins maintenant, on se dira bonjour si on se croise en cours. lança-t-elle. C'est toujours mieux que de se crier dessus.

Le regard de Drago se perdit dans le vague alors qu'il détournait lentement le visage.  

-Probablement, oui... finit-il par dire.

Sur ces paroles, Malicia quitta le pub, et s'engouffra dans la nuit hivernale.