Ça avait quelque chose d’irréel d’être à nouveau dans la Grande Salle de Poudlard, en face de Lucrécya. Quelque chose de rassurant aussi : elles avaient passé la moitié de leur scolarité ici, à leurs places préférées. Il s’en était passé des choses dans ces lieux, il s’en était dit aussi. Mali se rappelait que tout ce qu’elles avaient pu vivre au cours des deux années pendant lesquelles elles avaient été amies dans l'école, les bonnes choses, les mauvaises aussi, elles en avaient parlé ici même, sur ces bancs plus tout jeunes.
D’ailleurs tous les souvenirs qu’elle avait remontaient à la surface, et des ombres beaucoup plus apaisées que celles qu’elles avaient côtoyées toute la journée allaient et venaient dans la pièce immense, lui rappelant tous ces bons moments : le jour où Lulu avait ensorcelé le chat du concierge pour qu’il chante du disco et qu’elles avaient failli mourir tellement elles avaient ri, le jour où un Poulhopo à moitié dingo avait saccagé la grande salle, le jour où elle était arrivée en balai toute débraillée parce qu’elle avait raté le Poudlard Express, le jour où la monstroplante de Lulu avait décidé de la poursuivre partout en bondissant frénétiquement dans son petit pot parce qu’elle voulait manger tous ses cheveux, le jour où une mouche zombie affamée avait semé la panique dans les couloirs, le jour où Minus avait débarqué dans leurs vies en envoyant des poèmes signé M.F à sa meilleure amie et que cette dernière pas contente du tout s’était écriée « Male Foy ! » et était partie taper un blondinet toujours de mauvaise humeur, le jour où ce même blondinet toujours de mauvaise humeur s’était volontairement fait mal pour qu’elle lui donne des cours de rattrapage à l’infirmerie…
Mali sourit doucement en se remémorant tout ça. Elle avait l’impression que ça faisait mille ans. Elle se rappelait à quel point elle se sentait bien à cette époque, à quel point tout paraissait simple... Elle avait envie que tout redevienne aussi simple. Elle avait envie d’arrêter de voir des problèmes partout, envie de profiter des bons moments avec ses amis sans se demander si telle ou telle personne supportait telle ou telle autre. Envie que ça marche avec Drago et de ne pas avoir peur de ce que les gens penseraient. Et c’était justement ce que Lulu venait de lui prouver : si elle voulait que quelque chose soit simple, elle n’avait qu’à le décider.
-J’ai vraiment été nulle ces derniers mois. Fit-elle avec un sourire penaud. J’ai l’impression que je me suis créé beaucoup plus de problèmes que j’en avais vraiment.
-Grave. Acquiesça sa meilleure amie, visiblement fière qu’elle l’admette enfin. Et tu sais ce que j'en dis : on a toujours tort de se prendre la tête.
La brunette haussa les épaules :
-Mais tu sais, après, c’est pas étonnant parce que ce genre de truc, c’est ce qui arrive quand on en a plein dans la caboche. C’est tout toi, ça, de t’emballer pour des trucs qu’il y a que toi qui comprends, et de mettre de la métapsychique-chimie partout.
-Métaphysique. Corrigea la métisse en rigolant.
-Ouais, c’est c’que j’ai dit. Rigola également Lucrécya en faisant un petit geste de la main Métamphéta….truc. Chimie. On s’en fout. L’essentiel c’est que même si t’es comme ça, moi, ça me gêne pas. Marcus et Malefoy non plus.
La batteuse lui décocha un clin d’œil :
-Surtout pas Malefoy.
Malicia rougit et se remit à regarder ses genoux en souriant, tandis que sa meilleure amie éclatait d'un grand rire éraillé. Finalement cette dernière se pencha vers elle et la regarda droit dans les yeux :
-Ecoute-moi bien, Mali, dit-elle, le plus sérieusement du monde : Tu vas assumer de sortir avec quelqu’un, tu vas assumer d’avoir 17 ans et d’être une beubon, et aussi d’en avoir dans la caboche. Tu vas assumer ce que tu penses, ce dont t’as peur, ce dont t’as envie, parce qu’il y a que toi sur cette planète qui sait ce dont t’as besoin et qui sait ce qui te fait plaisir ou pas ! Tu vas assumer tout ça et si ça plaît pas au reste du monde, ben tu les emmerde. Y’a que comme ça que t’arrêteras de te compliquer la vie pour tout.
Malicia hocha la tête. Elle avait bien conscience maintenant, que la seule chose qui l'empêchait d'avancer, c'était elle-même. Malgré tous ses efforts pour être plus mûre ces derniers mois.
-Je sais. Tu as raison. acquiesça-t-elle. Je peux pas continuer comme ça, à tout gâcher sur ma route.
Elle regarda ses mains, qu’elle entortillait depuis quelques minutes déjà :
-Tu sais, Lustucru, cette fête… reprit-t-elle.
-Ouais ? s’intéressa Lulu.
-Je crois qu’elle pouvait pas être pire.
-On est d’accord.
-J’ai fait tout ce que je n’aurais jamais voulu faire. Mal me conduire devant des inconnus, rejeter la personne que j’aime, hurler sur mes parents. J’arrive même pas à croire qu’ils m’aient tous vue dans cet état. Toute… cassée. Je pense que c'est sûrement pour ça que j'ai voulu que tout s'arrête et que je me suis cachée ici, dans ma tête. Pour ne pas avoir à affronter le regard de tout le monde après ça.
La batteuse hocha la tête en silence.
-C’est comme si le pire de moi était ressorti ce soir-là. fit la zeta. Comme si tout ce dont j’avais peur s’était réalisé en quelques heures. Et je ne pouvais rien faire contre. Mais dans un sens…
Elle regarda de côté, pensive.
-Dans un sens… poursuivit-elle avec douceur. Maintenant qu'on en a parlé, je me dis que c’est tant mieux. Je peux pas faire pire désormais. Et j’ai plus à avoir peur de tout ça, parce que… je l’ai vécu maintenant. Ca fait partie de moi. Tant pis pour ceux qui m’ont vue comme ça. Je veux juste retrouver ceux qui comptent pour moi et m’excuser pour le mal que j’ai fait.
Elle releva la tête :
-On va sortir d'ici et je vais aller leur parler. Il faut que j'arrête de fuir.
Lucrécya sourit et hocha de nouveau la tête :
-Bien dit, Mali ! Reste plus qu'à trouver comment sortir de là !
Elle regarda autour d'elle et fronça les sourcils :
-Ben on est plus dans la Grande Salle, ça a encore changé ? On dirait ta chambre maintenant !
Malicia remarqua elle aussi la transformation des lieux : pendant qu'elles avaient parlé, Poudlard semblait s'être évaporé sans bruit et avait laissé la place à sa petite chambre d'étudiante bien rangée et pleine de coussins. Les volets étaient tirés et seule une bougie sur sa lampe de chevet éclairait la pièce. Et il n'y avait plus un bruit, plus une seule voix pour lui murmurer des choses à l'oreille.
-On est... on est revenues ? balbutia-t-elle.
-Je sais pas... lui répondit Lulu d'une voix méfiante.
-Mais... comment on aurait fait ?
-Je sais pas... répéta son amie alpha. Ça doit être grâce à la Kinési pomme d'api...
Elle se tourna lentement vers elle :
-Ou...peut-être que c'est encore un souvenir... Peut-être...Qu'on est encore coincées dans ta caboche ?
Les deux filles se regardèrent avec appréhension.
Brusquement Lulu passa sa tête sous le lit:
-Rien. Pas d'ombres flippantes ! Elles ont l'air d'avoir disparu et...
AAAAAAAAAAAAAH !Elle tressaillit et se mit à gigoter en poussant des cris horribles. Mali écarquilla les yeux :
-
LULU ! QU'EST-CE QUI SE PASSE ?!!!Elle hurla en voyant sa meilleure amie se relever et agiter les bras en panique : une affreuse créature toute mitée était accrochée au visage de Lulu, comme un symbiote extra-terrestre maléfique. Elle saisit un coussin, bondit sur son lit et se mit à taper frénétiquement dessus jusqu'à ce que le monstre griffu lâche prise et détale au bout de la pièce.
Lucrécya reprit son souffle en crachant des boules de poils. Mali lui tapota le dos :
-Ca va aller ?! C'était quoi cette chose ?! s'écria-t-elle.
La batteuse pesta :
-Rhaaa, saleté de Fripouille !
Mali la regarda les yeux ronds, et le coussin toujours à la main répéta, interdite :
-Fripouille ?!
Elle jeta un coup d'œil au fond de la pièce où un gros matou borgne à l'air pas très commode et aux oreilles déchiquetées feulait.
-Ben ouais, Fripouille, ton cadeau d'anniversaire ! expliqua Lulu en se frottant son visage plein de griffures. Même que je me suis vachement donné de mal pour te trouver un aussi beau fléreur que ça !
La zeta ouvrit un œil plus grand que l'autre :
-C'est mon cadeau ?
-Bien sûr que c'est ton cadeau ! s'exclama son amie. T'avais l'air tellement mal quand ton autre fléreur est mouru que j'ai voulu faire quelque chose !
-Lulu... réalisa soudain Mali.
-Ouais ?
-Tu sais ce que ça veut dire ?
-Qu'il faut faire sa fête à ce crénom de gredin de vaurien de crapule d'enflure de Fripouille à la noix ? proposa la batteuse, en tapant son poing contre sa paume.
-Non ! Qu'on est vraiment sorties de ma tête !!! On est rentrées !!! sourit la métisse.
La brunette ouvrit grand les yeux et les deux filles hurlèrent de joie, aussi heureuses que deux supporters de match de quidditch dont l'équipe vient de gagner en finale. La zeta prit son amie dans ses bras :
-Merci pour tout, Lulu. Merci !
-Malicia ?
Les deux amies relevèrent la tête et découvrirent la mère de Mali qui venait d'ouvrir la porte:
-J'ai entendu du bruit et...
Un grand sourire fendit le visage de Mrs McGuire :
-Tu es levée !
La métisse bondit de son lit et prit également sa mère dans ses bras. Elle s'en dégagea pourtant très vite et regarda sa mère tristement :
-Je suis désolée pour tout ce qui s'est passé vendredi soir. Je ne voulais pas.
-Tu n'as pas à t'excuser, Malicia. répondit sa mère. Nous savons que ce qui s'est passé était un accident. Ton père et moi, nous n'aurions jamais dû...
-Accident ou pas, j'ai fait et j'ai dit des choses horribles. la coupa la métisse.
Elle releva la tête, avec de grands yeux déterminés :
-Mais même si j'aurais jamais voulu dire tout ce que je vous ai dit, une partie était vraie : je vous aime vraiment papa et toi. Mais vous en faites trop pour moi. Vous me surprotégez comme si j'étais encore petite et je ne peux pas continuer à faire comme si c'était encore vrai, parce que ça vous rassure et que ça me rassure aussi. Ca ne devrait pas être comme ça et ça m'empêche de grandir. Je ne suis plus petite et j'ai autant le droit de faire des erreurs que vous ou Ezzechiel. Je vais sûrement faire des tas d'erreurs dans ma vie et ça ne sera pas votre faute ou à vous de m'aider. Je dois les affronter seule.
Contrairement à ce qu'elle pensait, sa mère la regarda avec douceur et finit par hocher la tête :
-Bien sûr, ma chérie. C'est complètement normal. Repose-toi, maintenant, c'est le principal.
Malicia soupira, soulagée par sa réaction. Elle aurait pu pleurer tellement ça lui avait fait du bien de dire tout ça.
-Il y a encore quelqu'un a qui il faut que je parle maintenant. fit-elle, décidée.
Elle regarda son vieux pyjama en pilou dépareillé et ses cheveux tout pleins de nœuds et grimaça un peu :
-... Mais faut que je prenne une douche d'abord...
Sa mère sourit avec bienveillance et sortit de la pièce. Mali se tourna vers Lulu qui fit mine de l'applaudir, fière qu'elle s'assume enfin. Elle lui lança un sourire et se précipita dans la salle de bain et referma la porte :
-Iiih je ressemble au Monstre des cavernes ! C'est abominaffreux !
Des bulles et de la buée jaillirent aussitôt de la pièce. Lulu s'adossa au mur de sa chambre, à côté de la porte de la salle de bain :
-Marcus m'a envoyé un hibou. Lui et Malefoy ont fait un match de Quidditch contre les Gammas et ils sont au pub maintenant. lança-t-elle.
-Ok ! répondit Malicia.
Quelques secondes passèrent et la batteuse reprit la parole :
-Alooors ? demanda-t-elle avec un sourire plein de sous-entendus.
-Alors quoi ? fit la métisse en se shampouinant.
-Alors tu vas aller parler à Drago ?
-Oui ! chantonna Malicia depuis sa douche.
-Tu vas t'excuser et lui parler de Myo et tout et tout ? poursuivit l'étudiante en sports sorciers.
-Ouip !
-Et après… tu vas le pécho ? s’emballa la brunette.
-Gargleuh...QUOI ?! s’étrangla Mali, en ouvrant grand les yeux de surprise et de panique tout en s'étouffant sous son pommeau de douche.
-Ben ouais quoi ! continua Lulu, rigolarde. T’as 17 ans, t’as plus de nénés que moi et t’es avec ton mec depuis quoi maintenant, presque deux ans ?!
-Une semaine ! répondit la métisse en sortant de la douche et en se fourrant sa brosse à dents dans la bouche.
-C’est ça ! Y’a pas que moi qui suis nulle en maths ici !
Malicia explosa de rire et enfila son peignoir.
-On verra ! finit-elle par dire.
Lucrécya ouvrit la porte de la salle de bain :
-Comment ça, « on verra » ?! s'exclama-t-elle. Tu veux qu’il y ait encore plus de chansons sur toi et ta fioutue chasteté ?!
La métisse enfouit son visage dans ses mains, morte de honte et secoua la tête :
-Iiih… Non !
Elle repartit dans sa chambre et saisit quelques habits dans son armoire. La batteuse la suivit et mit ses poings sur ses hanches :
-Bon alors tu vas le pécho ! insista-t-elle. C’est fini la refoulitude et les é-mo-tions qui se bloquent et qui se débloquent maintenant ! Tu vas assumer ta vie, oui ou merde, crénom d'un balai ?
Mali gigota sur place, morte de rire :
-Oui ! Ok, ok, Lustucru ! Je vais "pécho Drago"...
un jour Elle ouvrit la porte de sa chambre, prête à partir :
- Mais tu comprends, c'est pas si simple de trouver le bon moment ! Ou... les bons rideaux !
Lulu ouvrit des yeux faussement outrés et la pointa du doigt :
-Hey ! C'était censé être une confidence vachement émouvante sur comment j'ai perdu ma virginité et tout et tout ! Attends que je te retrouve, sale teupu !
Malicia évita un coussin et s'enfuit en courant et en rigolant, coursée de près par sa meilleure amie.
Lulu et Mali vont... au PUB !!!