Magouille et Myo viennent de là !
Ce ne fut que devant la porte du bureau du Doyen que Myosotis parvint enfin à se rendre l'évidence : tout était fini. Elle était chez elle.
Un petit sourire aux lèvres, elle se pressa encore davantage contre Magnus, et passa outre la douleur qui lancinait ses bras, malgré les soins rapides que leur avaient prodigués les Aurors. Sans doute, la convalescence serait longue, mais Myo s'en contrefichait : tout irait bien, désormais. Dans les pires moments de leur cavale, elle s'était persuadée qu'elle ne remettrait plus les pieds à la WoW, qu'elle ne reverrait plus jamais Titus et Kimberlie. Elle n'avait jamais été plus heureuse de se tromper. Elle se sentait incroyablement soulagée. Et si exténuée qu'elle ne savait même pas comment elle tenait encore debout.
La journée avait été longue, et éprouvante. Même après le ''suicide'' de Thadeus Wright, il avait fallu supporter la conférence de presse qui s'était improvisée pour blanchir totalement Magnus... ainsi que les dernières questions de la commissaire McBoon.
Heureusement, cette dernière s'était révélée moins intraitable que la Tique. Ils avaient pu négocier avec elle : elle avait accepté de passer sous silence les écarts de conduite du couple durant leur fuite, si en échange, les deux gardaient pour eux la façon plus qu'illégale dont Myosotis avait été traitée par les hommes de la commissaire. Ainsi Magnus reprenait son poste, McBoon ne perdait pas le sien, et tout le monde y trouvait son compte.
Magouille ouvrit énergiquement la porte, sortant la fille-chlorophylle de ses pensées... et le sorcier assis au bureau les regarda entrer avec surprise, une plume à la main. Puis ses yeux se mirent à briller, alors qu'un large sourire niais apparaissait sur son visage :
- Magnus, vous êtes de retour ?!
- Oui, et ce n'est pas grâce à vous, Saussurus ! siffla le chapeauté, en avançant d'un pas décidé dans la pièce. Encore une fois, j'ai du me sortir de la tourmente tout seul !
Myosotis leva un sourcil, un brin vexée :
- Tout seul, vraiment ?
- Tout à fait, ma pouliche ! clama le moustachu, fier de lui. Tu ne m'as aidé que parce que j'ai su si bien te dresser. Donc, si l'on y regarde de plus près, tout cela est uniquement de mon fait. Et je n'en suis pas peu fier !
Il claqua le derrière de la jeune femme, qui leva les yeux au ciel. Puis cette dernière croisa les bras, et considéra le second de Magouille en faisant mine d'être étonnée :
- Au fait, comment ça se fait que vous soyez dans le bureau de Magnus ? A cette heure-ci, en plus ?
Le Doyen plissa les yeux :
- C'est exact, vous êtes à ma place, persifla-t-il.
Saussurus se leva prestement, soudain nerveux :
- Laissez-moi vous expliquer Magnus : j'ai été élu Doyen intérimaire, je n'avais guère l'intention de voler votre poste !
Le regard de Magouille s'assombrit, et le sous-fifre se mit à paniquer :
- J'ai fait de mon mieux pour remettre de l'ordre dans les affaires de l'université, afin de poursuivre votre œuvre ! Regardez ce que j'ai prévu : grâce à des réajustements de trésorerie, nous pourrons rénover le Stade ! Endiguer l'incendie perpétuel des salles de cours de Magie Expérimental ! Acheter de vrais médicaments pour le dispensaire en lieu et place de l'eau sucrée colorée que nous donnons à nos étudiants malades ! Employer un chasseur de licornes pour nous débarrasser de ces équidés radioactifs qui ne cessent de mordre les gens ! Et j'en passe ! Et tout cela sans débourser la moindre noise ! Car croyez-le ou non, les comptes de la fac étaient dans un de ses états...
Il fourra de gros dossiers dans les mains du docteur, qui les regarda avec dédain, avant de les enflammer d'un coup de baguette.
- Je vous donne cinq secondes pour sortir d'ici, avant d'employer des manières plus radicales, persifla le moustachu d''une voix menaçante.
Le sorcier replet le regarda avec peine :
- Mais Magnus...
- Un...
Saussurus déglutit :
- Rappelez-vous, nous sommes amis, et...
- Deux...
- Vous m'avez tellement manqué que...
- Trois...
- Aaah !
Alors que le pauvre Saussurus quittait la pièce en se pressant, Magouille s'assit à son fauteuil avec satisfaction, et soupira d'aise :
- Le maître de la WoW est de retour !
Il fit pivoter son fauteuil, et désigna la baie vitrée devant eux, qui montrait une vue panoramique de tout le campus.
- Tout cela m'appartient, ma pouliche ! Et par conséquence, à toi aussi.
La dryade s'avança vers les grandes fenêtres, et considéra les lumières qui scintillaient dans la nuit noire. Elle trouva le spectacle magnifique... mais cela ne l'empêcha pas de tordre la bouche.
- Moui.
Le Doyen leva la tête, surpris de sa réaction :
- Qu'y-a-t-il ? Cela ne te convient pas ?
- C'est pas ça, c'est juste que...
Elle haussa les épaules, et se tourna, histoire de faire face au moustachu, qu'elle entoura de ses bras en se penchant.
- Je sais pas. J'ai vu comment cette bande de journalistes te mangeait dans la main, tout à l'heure, dit-elle de son habituelle voix douce.
-C'est vrai, acquiesça Magouille, en lissant avec satisfaction le bout de sa moustache.
- Ou comment ces idiots d'aurors ont changé d'avis sur toi aussi vite, poursuivit la dryade. J'ai compris que les gens étaient très manipulables, si tenté qu'on savait comment s'y prendre. Donc je me disais qu'avec ton charisme et ma connaissance du vaudou, tu pourrais aspirer à... plus grand.
L’œil de Magouille s'alluma :
- Plus grand ?
- Oui, comme Ministre de la Magie, expliqua Myo.
Le chapeauté considéra les choses un instant.
- Dr Magnus Magouille, Ministre de la Magie, finit-il par dire, le torse bombé. Voilà qui me siérait à merveille.
Un sourire mauvais étira ses lèvres, tandis que la jeune sorcière aux cheveux verts penchée sur lui le serrait encore davantage entre ses bras, emportée par un sentiment de bonheur intense. Elle le savait : tout irait pour le mieux, à présent.
Et personne ne pourrait plus s'opposer à eux.