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Sujet: 玉或汉字兄弟在上海的奥秘 !!! (以下...) Dim 14 Juin 2015 - 22:54
-Non, non, j’crois qu’tu te goures mec. C’est pas un bateau…
-T’es sûr ?
-Pour ma part, même si cela m’importe au fond assez peu, je pencherais pour une médiocre imitation de la Cité Interdite.
Interloqué, Titus pencha un peu plus la tête de côté. Le bâtiment qui se dressait devant eux semblait sur le point de s’effondrer. Mais malgré la vétusté et la dégueulasserie ambiante, les lézardes sur les murs, et les vitres cassées, quelqu’un avait eu à cœur de mettre en place une ambiance chaleureuse et clinquante par-dessus le taudis : des flambeaux en bambous se dressaient de chaque côté de la porte vermoulue, une guirlande et des lampions traditionnels chinois flamboyaient de mille feux tout en pendouillant lamentablement au bout d’un enchevêtrement de fils électriques bourdonnants. Et le toit… Mouais, ce toit pointu en fausses tuiles d’un rouge criard pouvait faire penser à une baraque asiat. Enfin, en louchant et en plissant les yeux très fort.
Au-dessus de l’entrée, un panneau indiquait en chinois, et en anglais, « La Rizière en Feu ». Une hôtesse aguicheuse, outrageusement maquillée et attifée d’un costume qui se voulait traditionnel (si les nibards à l’air faisaient partie d’une tradition quelconque…), se tenait près de la porte en leur faisant de grands coucous de la main.
Il donna une grande tape dans le dos de Malefoy qui fronça les sourcils et secoua la tête, blasé.
-Oui enfin, l’avertit Titus. Je serai toi, je ferai gaffe, elle doit être plus plombée qu’un cercueil.
Drago se tourna lentement vers lui :
-Merci de ta sollicitude, Reynolds. Persiffla-t-il lentement. A présent que nous venons de réussir à parler de maladies honteuses avant même qu’il soit quatorze heures, pouvons-nous en finir avec ta petite affaire afin que je retourne à la mienne ?
Le yankee haussa les épaules et pénétra dans le bar, talonné par ses bros.
L’ambiance était suffocante, c’était le cas de le dire : un épais brouillard de fumée de cigarette flottait à hauteur des yeux, dans une salle ovale au centre de laquelle un podium de pole-dance était installé. De chaque côté de cette scène, le long des murs, se tenaient des bars remplis à ras bord d’alcool frelaté. Les lieux étaient crades, c’était un fait, et le balayeur de l’établissement avait plus l’air de bouger les mégots de place à coups de balais plutôt que de contribuer au nettoyage des lieux. La musique était de mauvaise qualité et d’un volume trop élevé.
Comme pour en attester, le paquet de San Sou Si remua de plus belle dans les bras de Titus. Une voix de stentor retentit au-dessus de la scène alors que la danseuse exotique repartait d’un pas maladroit :
-OUI ! ON APPLAUDIT BIEN FORT MULAN ET SA DANSE DES TROIS VOILES MEME SI ELLE N’EN AVAIT QUE DEUX ! ET NOUS NOUS EXCUSONS POUR L’INCIDENT TECHNIQUE LORS DE SA DERNIERE CABRIOLE ! CES TALONS HAUTS SONT SI FRAGILES… ET MAINTENANT, CELLE QUE VOUS ATTENDEZ-TOUS : MISS PING PONG !
Alors qu’une nouvelle jeune fille débarquait sur scène, Marcus eut l’air intrigué :
-Pourquoi qu’elle tient deux balles de ping pong dans la main ?
Drago semblait tout aussi dubitatif que lui :
-Et que diable veut-elle faire av-
Les deux penchèrent la tête sur le coté, fascinés, et une balle rasa leurs fronts avant de rebondir avec un « poc » misérable au fond de la salle. Alors que trois pauvres applaudissements retentissaient dans la salle, Titus plissa les yeux en examinant la foule. Même si l’enthousiasme n’était pas au rendez-vous, il y avait du monde pour un début d’aprem. Il porta à hauteur de visage le parchemin que San Sou Si lui avait donné. En dessous de l’adresse, une note griffonnée à la va-vite indiquait une vague description du fameux Wu Han. A savoir : petit, brun, de type asiatique, avec une cicatrice sur la joue.
Le ricain reporta son attention sur la population du bar : il n’y avait que des types brun, petits, asiatiques, avec des cicatrices plein les joues. Et tous semblaient tout droits sortis de la pègre locale. Mais il y en avait un vers le fond qui semblait encore plus méchant que les autres.
-J’crois bien que c’est le petit roquet là-bas qui aboie sur le barman. On y v-
Malefoy et Flint avaient pris le large, se dirigeant tout droit vers la scène. Titus se tapa le front de la main et marcha droit d’un pas pressé vers le suspect. Arrivé à sa hauteur, il le héla :
-Hey, machin !
« Wu Han », ainsi que quinze acolytes en grande discussion, se turent et se tournèrent d’un seul homme vers le cowboy. Sans y faire gaffe, Titus enchaîna en montrant le paquet :
-L’autre vieux con d’San Sou Si m’envoie pour livrer ce truc. Il crèche où exactement Fu Tong ?
Une dizaine de baguettes se braquèrent sur lui. Son interlocuteur le regarda par-dessus ses lunettes de soleil avant de cracher d’une voix sèche :
-杀了我这个狗屎.
Titus plissa un œil et haussa les sourcils :
-Hé ?..
Les sortilèges fusèrent immédiatement et il se baissa à terre instinctivement alors que la salle s’illuminait comme un feu d’artifice.
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Sujet: Re: 玉或汉字兄弟在上海的奥秘 !!! (以下...) Dim 21 Juin 2015 - 19:53
Un éclair hérissé détonna dans l’air et fusa droit vers la scène de la « Rizière en feu » dans un crépitement de mauvais augure. La très élastique « Miss Ping Pong » poussa un cri d’orfraie affolée avant de chuter en avant, et de rouler au milieu de ses accessoires de travail. Alors que l’artiste tombait la tête la première à ses pieds, et convulsait, les yeux révulsés, Drago poussa un long soupir de mécontentement :
-Ainsi s’achève mon seul et unique divertissement de la journée…
Il saisit sa bouteille de bière et but mollement, l’œil totalement désintéressé. Flint éructa bruyamment. Il posa ses jambes sur l’avant-scène clignotante, enjambant la danseuse exotique et plaça ses mains derrière la nuque :
-C’est vrai que ce rade propose pas beaucoup de distractions, mon gaillard. Admit-il.
Une nouvelle salve d’éclairs pétarada en direction du plafond comme autant de feux d’artifice, brisant au passage quelques lampes tamisées de rouge. Reynolds fut projeté contre un mur couvert d’annonces grivoises. Il se releva péniblement, essuya sa lèvre ensanglantée avec mauvaise humeur et repartit au combat en hurlant, baguette en l’air.
-En plus, la seule gonzesse potable est par terre. Reprit le Pi Alpha Fi.
Il leva sa boisson en direction de la danseuse inerte :
-A ta santé, Miss Ping Pong ! lança-t-il.
-Puisse tes acrobaties aussi stupéfiantes qu’inutiles divertir de nombreux hommes empêchés de conclure au Paradis. soupira Drago. Ou en enfer, c’est selon.
-Parce que tu penses que t’aurais conclu ? ricana son ami.
Drago lui lança un regard peu amène :
-Et pourquoi n’aurais-je pas conclu, Flint ? Articula-t-il, menaçant.
Une table vola au-dessus de leurs têtes et partit se fracasser contre le bar. Ce qui n’empêcha pas son ami de recommander une tournée en levant bien haut sa bouteille vide. Une serveuse s’approcha, non sans anxiété, au milieu du grabuge. Bien incapable de poursuivre sa route debout, elle finit par ramper sur le sol ruisselant d’alcool et déposa d’une main tremblante deux bouteilles devant eux avant de repartir au péril de sa vie.
Flint but une lampée de sa bière :
-P’t’être bien que j’me trompe, mon gaillard, mais t’as quand même l’air de sacrément te galérer.
C’en fut trop pour l’Alpha qui se désigna avec véhémence :
-Moi ?! Échouer à mettre une femme dans mon lit ? s’écria-t-il. Moi ?!
Alors qu’une troupe d’hommes balafrés se lançaient à la poursuite d’un Reynolds vagissant en multipliant les acrobaties martiales et les lancers de sorts affutés, le Pi Alpha Fi haussa les épaules, tout en continuant à siroter sa bière :
-T’as comme qui dirait l’air à cran.
-Et bien tu te trompes. Rétorqua Drago, en considérant la scène vide, le regard noir.
Hélas pour lui, son ami avait vu juste : il était bel et bien à cran. Cela faisait deux semaines qu’il fréquentait à nouveau son ex, deux semaines qu’ils étaient restés l’un contre l’autre, en quasi apnée. Deux semaines qu’il sentait sous ses doigts des courbes qu’il n’entrevoyait jamais et qui restaient dissimulées sous des couches de vêtements. Tout gentleman qu’il était, il n’avait plus qu’une seule envie en tête : arracher cet amoncellement de tissu avec les dents.
Tout autre femme lui infligeant cette attente aurait fini brûlée vive. Mais Malicia n’était pas n’importe quelle personne. Il suffisait qu’elle lui lance un sourire pour qu’il se transforme en parfait demeuré. De façon surprenante, la présence de la Zeta Delta Nu l’apaisait et en son absence, il luttait contre un sentiment de manque persistant auquel il n’était guère habitué. Même s’il n’aurait jamais abaissé sa dignité à l’avouer, il aurait suffi à la métisse de dire un mot pour qu’il s’exécute, pour n’importe quoi, n’importe quand.
De même, le désir qu’il éprouvait pour elle n’avait aucune comparaison possible avec ce qu’il avait ressenti auparavant pour d’autres : c’était infiniment pire. Après ce qu’il avait fait l’année dernière, il se devait pourtant d’être patient. Ce n’était pas son fort et il s’était montré plus d’une fois plus qu’insistant. Il savait pourtant qu’user de tout son charme pour séduire la métisse ne faisait que l’éloigner. Mais, à son grand dam, c’était tout ce qu’il savait faire, et hormis cela, il n’entendait rien aux relations humaines. La situation frôlait un peu plus chaque jour le ridicule et il ne savait pas comment s’en extirper.
L’attente allait être longue.
Drago but le fond de sa bouteille avec dépit alors qu’un homme de main surentraîné faisait un salto au-dessus de sa tête. Un sort atteignit ce dernier en plein torse et il s'effondra sur Miss Ping Pong. L'Alpha repoussa le corps d’un geste négligent :
-Malgré les apparences, tout va pour le mieux.
Le Pi Alpha Fi posa sa bière sur le dos du sbire assommé :
-Tant mieux, mon gaillard… Tant mieux !
-Et au cas où tu le demanderais, je n’ai aucun besoin de tes conseils éculés et paternalistes. Poursuivit Drago.
-Pour sûr.
Son ami considéra la scène vide pendant quelques secondes :
- Ouaip, ouaip, ouaip. finit-il par lâcher avec désinvolture.
Un long silence suivit cette remarque vide de sens. Silence durant lequel Flint eut le temps de recommander une bière et Reynolds de manquer de perdre trois organes vitaux dans un tir croisé.
Soudainement, Drago s’emporta :
-Et puis fichtre, s’il faut en passer par là pour que tu cesses de me harceler avec ton verbiage incessant, allons-y : conseille-moi puisque tu y tiens tant ! s’écria-t-il.
Marcus Flynn
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Sujet: Re: 玉或汉字兄弟在上海的奥秘 !!! (以下...) Jeu 25 Juin 2015 - 19:11
Marcus but sa bière d'une traite, et jeta le verre vide sur le sol en ricanant. Il fit signe à la serveuse terrorisée qui se cachait derrière une table renversée et fumante de lui remettre la p'tite sœur, puis il hocha la tête d'un air entendu devant Malefoy.
-Je vois. On a besoin des conseils de papa Flint !
-Je n'ai jamais dit une telle chose, grommela Drago, visiblement de mauvaise humeur.
Mais le PAF n'allait pas abandonner aussi vite : ignorant la bordée de jurons de Titus en bruit de fond, il fit danser ses sourcils, narquois :
-On avoue qu'on est complètement largué par les histoires de gonzesses !
-Absolument pas.
-Et on a besoin des conseils avisés d'un gaillard avec beaucoup plus d'expérience que soi dans le domaine !
Malefoy prit une longue inspiration devant la mine réjouie de son comparse :
-Je doute fortement que tu aies plus d'expérience que moi dans le domaine, siffla-t-il. Le nombre de mes conquêtes est ô combien plus élevé que tes malheureux tâtonnements en la matière !
-Ouais mais moi j'te parle de relation, mon gaillard. De relations ! Avec combien de ces nanas t'es resté plus de deux nuits ?
Drago considéra les choses quelques secondes.
-On parle bien de plus de deux nuits consécutives ?
-Ouaip.
-Ah. Eh bien... je...
Pendant la réflexion de l'Alpha, on put entendre, au loin, le hurlement de douleur de Titus, suivi de bruit de rafales de sortilèges, dans l'indifférence des deux bros. L'Alpha finit par plisser les yeux :
-D'accord, poursuis, Flint.
Marcus acquiesça :
-Tout ça pour dire que moi j'ai de l'expérience en relations sérieuses où j'ai pu conclure easy et tout et tout mon gars ! Dans toute ma vie j'en ai eu... pffffiou la la, au moins...deux !
Il sourit, et attendit la rafale d'applaudissements qu'il méritait... mais elle ne vint jamais.
-Seulement deux ? railla Drago.
-Ouaip, et toi t'en a eu combien ? rétorqua Flint, un brin vexé.
Le regard du blondinet s'assombrit :
-Considère que je n'ai rien dit.
Le Pi Alpha Fi hocha la tête :
-Et je connais le secret ! Le secret ultime de toute relation ! Il tient en deux mots !
Il brandit deux doigts devant la face de son ami. Ce dernier fit de son mieux pour ne pas paraître intéressé, et lança d'un air pseudo détaché :
-Tiens donc ? Un secret ?
-Ouaip, comme j'te le dis !
-Tiens donc, tiens donc...
-En deux mots, ouaip ouaip.
-Ah oui...
Le silence retomba entre les deux, et des maléfices fusèrent autour d'eux sans qu'ils n'y prennent vraiment attention. Marcus continua à siroter le verre qui venait de se poser devant lui par magie, sans réaliser que son pote le fixait avec insistance... ni que le gus qui faisait mine de balayer depuis qu'ils étaient entré dans ce bouge lui soufflait des « pssssssst !!! » pas discrets pour attirer son attention, en vain.
Le blondinet trépigna quelques secondes sur son siège, puis finit par lâcher :
-Et sinon, quel est donc ce secret ?
-J'pensais que ça t’intéressait pas, soupira Flint.
-Ça ne m’intéresse pas, fit Drago, catégorique.
Un mystérieux combattant se fit jeter contre le mur à quelques centimètres d'eux, ce qui coupa net l'élan du balayeur, qui tentait de s'approcher du PAF. Ce que ce dernier ne vit même pas :
-Ah ben tu vois, fit-il simplement, avant de reboire une gorgée de sa boisson.
L'Alpha parut contrarié. Il tapota ses doigts contre la table, puis lança de manière anodine :
-Mais je te connais, Flint !
-Ah ouais ?
-Et je sais que tu n'es pas sorcier à te laisser dicter ta conduite.
-Ah ouais.
-Et c'est une qualité admirable, Flint, admirable.
Le Pi Alpha Fi sourit et bomba le torse :
-Ah ben ça pour sûr, enorgueillit-il.
Fier de son retournement de situation, Drago leva le poing, inspiré :
-C'est la raison pour laquelle je vais t'écouter Flint, oui, je vais t'écouter, même si cela ne m’intéresse nullement ! Car j’apprécie ta force de caractère !
Marcus se frotta sa tignasse ébouriffée :
-Ouais, ça se tient. J'en étais où du coup ?
L'AAA fit mine de réfléchir :
-Oh, je ne saurais dire, je n'écoutais que d'une oreille distraite... mais, au hasard : au secret des relations réussies qui ne tient qu'en deux mots ?
-Ah ouais, c'est ça ! s'exclama son interlocuteur. Et ces deux mots c'est : ''comme unication''.
Un bref silence, entrecoupé de « pssssssssssssttttt !!! », suivit cette révélation fracassante.
-Communication, corrigea Drago, le sourcil levé.
-C'est ce que je viens de dire : comme... unication ! rigola Flint.
Malefoy poussa un long soupir désabusé.
-Ça ne fait qu'un seul et unique mot.
-Ah bon ?
-Et ce n'est pas un secret, c'est totalement stupide !
Marcus jeta un regard en coin à son meilleur ami, narquois :
-Ah ouais ? Moi j'trouve pas ça stupide. Parce que te connaissant, t'as du essayer tous les moyens possibles pour dessaper Bouftout, mais t'as jamais du lui en parler une fois face à face.
Drago s'apprêtait à rétorquer une des répliques cinglantes dont il avait le secret... mais il se ravisa au dernier moment. Et grommela :
-Continue je te prie.
-Bah ouais, mon gaillard, si tu t'y connaissais autant que papa Flint, tu saurais que les gonzesses ça adore parler et parler, et par dessus tout : parler de leurs émotions et de conneries du genre ! Et pour elles la bête à deux dos c'est le summum des émotions, quand elles sont amoureuses ! Elles doivent en parler avant de le faire, obligé !
Drago, qui semblait très intéressé par les dires du PAF, parut soudain pris d'un doute.
-Attends, tu ne vas tout de même pas me faire croire que c'est avec la trollesse qui te sert de femme que tu as pu tirer de telles conclusions ! Je suis persuadé qu'elle ignore même le sens du mot émotion !
Marcus baissa la tête, penaud :
-Ouais, bon, ok, c'est vrai, ça je l'ai vu dans la toute dernière saison de Wizzip Girl. Quand Claire veut sortir avec ce gus, là, mais elle se sent pas prête émotionnellement à lui céder à cause de son histoire passée avec Chucky Contrebass ! J'te jure c'était super émouvant. J'en ai eu la larmiche à l'oeil.
Drago ouvrit de grands yeux paniqués :
-FICHTRE ! J'ai raté les derniers épisodes ! Ne m'en dis pas plus, laisse-moi le suspense !
Puis réalisant soudain :
-Attends voir... cela signifie donc que tes conseils de pacotille proviennent de picturines pour adolescentes ?!
-Ouaip, avoua le PAF. Mais ça marche ! Luluchou et moi on fait de la comme unication tout le temps ! Genre tous les jours elle rentre, elle est en pétard, j'lui demande pourquoi elle est en pétard, et elle me dit pourquoi elle est en pétard. Comme unication, mon gars !
-Et grâce à ça, tu... conclus ? s'enquit Malefoy, l'air de rien.
-Ouais !... enfin, ça peut arriver. Parfois.
Il but une nouvelle gorgée de son verre et grimaça :
-Bon, elles sont pas terribles les bières de ce bouge ! Il est temps qu'on se tire ! Il est où Reynolds ? Il a eu une touche avec la Miss Saïgon de l'entrée, chuis sûr.
Il tourna la tête pour chercher son pote du regard, mais ne vit qu'un balayeur agité, qui ne cessait de lui faire des signes nerveux. Il lui répondit en faisant un coucou de la main, et se tourna vers Drago, qui semblait songeur :
-Y'a pas à dire, ils sont sympas les gens, ici ! Non ?
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Littéralement acculé par une bordée de tirs et de sortilèges en tout genre, Titus se projeta derrière un bar, sautant par-dessus les bouteilles brisées et l’alcool enflammé par les maléfices et se vautrant sur le sol décrépi. Tirant au-dessus du comptoir à l’aveuglette, il se protégea la tête des bras le reste du temps, dans une ambiance digne d’un feu d’artifice du 4 juillet.
Putain de bordel de dieu, songeait-il en pleine panique, mais j’ai fait quoi au juste ?! C’est une insulte chinoise, Fu Tong ?
-滚出混蛋 !!! hurlèrent en chœur un concert de voix furibardes.
-ALLEZ VOUS FAIRE METTRE !!! leur répondit le cowboy en balançant une nouvelle salve de maléfices.
Les étagères pleines de bouteilles multicolores au-dessus de lui explosèrent sous le coup d’une violente bordée de sortilèges. Titus risqua un œil sur le côté du bar, là où il y avait une ouverture. Les cheveux couverts d’alcool magique et de bris de verre, il aperçut ses deux « bros » poursuivre leur beuverie sans s’inquiéter plus que ça, trinquant et se marrant comme des gorets. Le ricain se mit à hurler :
-BORDEL DE BALAI A CHIOTTES, VOUS ALLEZ VOUS SECOUER LES MICHES ET VENIR ME FILER UN COUP DE MAIN, FUMIERS ?!!
Mais sous le vacarme assourdissant de la bataille rangée, aucun des deux ne semblaient l’entendre. Son sang ne faisant qu’un tour, Titus se lança un Sonorus et s’égosilla :
-SORTEZ VOUS LES DOIGTS DU CUL !!!!!
Cette fois-ci les deux sorciers se tournèrent vers lui. Et se contentèrent de lui adresser un grand sourire tout en levant leurs bouteilles dans sa direction. Une veine palpita dangereusement sur la tempe du cowboy. Une nouvelle explosion retentit au-dessus de lui et il resserra sa prise sur le paquet de San Sou Si. Cette fois-ci, ils allaient démolir le bar et lui faire proprement la peau. Il ne voyait plus vraiment d’issue à cette altercation et commençait à désespérer lorsqu’il l’aperçut : un type asiatique au visage buriné et marqué d’une cicatrice se tenant courbé sur une serpillère moisie. Lui aussi faisait des signes frénétiques à Flint et Malefoy et lorsqu’il vit que Titus le regardait, il lui rendit un regard empreint de soulagement et d’agacement.
Il intima au ricain de s’approcher, et ce dernier balança un puissant sortilège sur le lustre de la salle qui s’écroula au milieu des gangsters. Profitant de la diversion, il fila droit sur le balayeur :
-Heuuu, le sautillant renard a su échapper à bien des embûches, mais il… il ne saura pas éviter la griffe de l’ours indéfiniment ! Du coup… la courageuse truite-
Wu Han le saisit par le col avant de l’entrainer avec lui :
-Putain c’est pas trop tôt !!! Mais qu’est-ce que ce vieux fou m’a envoyé cette fois comme équipe de bras cassés, merde ?!!
-Heu, ok c’était plus simple que j’l’aurais cru…
-La ferme et avance !
Ils passèrent en trombe devant les deux bros qui taillaient une bavette tranquillement et Titus en profita :
-Venez avec nous, les mecs ! On se casse !
-Bah quoi ? s’étonna Marcus. On est bien, là !
-Oui, renchérit Drago. L’ambiance n’est pas au beau fixe, mais l’alcool magique est tout à fait correct. Le balayeur stoppa dans sa course et se tourna vers eux, furibard :
-Si c’est de l’alcool que vous cherchez, j’ai accès à la réserve personnelle du bar.
-Ah mais fallait l’dire !! s’exclama le PAF en se levant d’un bond.
L’AAA le suivit nonchalamment sans faire attention aux éclairs qui recommençaient à fuser autour d’eux, et le contact de l’épicier les emmena à travers une porte du fond de la salle vers la remise du bar, au grand soulagement de Titus. Après avoir emprunté une série de couloirs poussiéreux, ils débarquèrent au milieu de la remise remplie de cageots de whiskey pur feu, vodka pimentée et rhum flambé. Les yeux des trois bros s’attardèrent dessus avec gourmandise, tandis que le balayeur fébrile claquait la porte derrière eux : le ricain n’avait jamais eu aussi soif pour le coup !
Mais leur contact interrompit brutalement leur rêverie :
-C’est pas le moment de se contempler le sifflet, les gamins !! Vous allez embarquer une bouteille chacun si ça vous chante, mais on a du boulot !
Et alors que des pas précipités se faisaient entendre de l’autre côté, il donna un coup de serpillère à la porte qui se changea instantanément en pierre. Ilse tourna vers le ricain :
-Quelle idée aussi d’aller voir Soh V. Parr Lei Gong en personne et lui tailler une bavette, crétin !
-Qui ça ?
-LE CHEF DE LA TRIADE LOCALE !!! s’énerva Wu Han.
-Whoa regarde Malefoy ! s’émerveilla Marcus. Du 120 ans d’âge mis en tonneau par les gobelins !
-ET COMMENT J’POUVAIS SAVOIR CA, MOI ?!! C’EST PAS MARQUE DESSUS QUE MACHIN GONG, LA, C’EST LE CHEF D’UNE BANDE DE TUEURS !!!
-TU M’AS CONFONDU AVEC UN MEMBRE DES TRIADES, BALTRINGUE !!!!
Titus voulut répliquer mais secoua la tête de guerre lasse : ils n’avaient pas le temps de s’écharper et ils devaient livrer cette saloperie de paquet au plus vite, histoire de s’en débarrasser. La voix de Malefoy le sortit de sa torpeur :
-Je sais Flint, Père en avait fait mettre en cave plusieurs dizaines…
Tandis que les deux bros du yankee s’affairaient à prendre plusieurs bouteilles d’alcool, Wu Han se dirigea vers une petite table que Titus n’avait pas remarqué jusqu’à lors : dessus reposait une assiette remplie de biscuits traditionnels chinois.
-Ah mais je connais ces trucs ! fit le PAF. C’est pas ces bonbecs qui te donnent ton horoscope ou un truc du genre ?
-Oui, c’est tout à fait ça, Flint… fit Drago en levant les yeux au ciel.
Le balayeur ne répondit pas et tendit l’assiette aux trois sorciers :
-Prenez-en un chacun. Celui qui vous guidera se trouve là où le Dragon et la Grue se rencontrent.
-De-de quoi ?! fit Titus interloqué. Ça veut dire quoi, ça ?
-Qu’est-ce que j’en sais moi ? J’ai l’air d’un moine shao lin ?
-Mais vous voulez que j’en fasse quoi, moi de ces instructions merdiques ?!!
-CE QUE TU VOUDRAS PETIT CON ! cria Wu Han en perdant patience. C’est plus mon problème !
-Et qu’est-ce que ces gâteaux de fortune ont à voir avec tes problèmes urgents, Reynolds ? demanda Malefoy.
Des explosions retentirent de l’autre côté de la porte et Wu Han hurla :
-PRENEZ-LES !!!!
Les trois bros saisirent un gâteau chacun. Et disparurent instantanément. Resté seul dans la salle, le balayeur sortit un miroir à double sens :
-Ming Xhao.
Un visage féminin sévère apparut et lui répondit en chinois, sèchement :
-你想要什么?
Un sourire mauvais s’étira sur le visage de Wu Han :
-Ils arrivent.
***
La porte explosa et les triades débarquèrent baguette au poing. Le balayeur s’était volatilisé. Titus s’était senti tiré en avant comme si un crochet l’avait agrippé au nombril et il tournoya aux côtés de ses bros pendant d’interminables minutes, l’arrière-plan se changeant en une constellation de couleurs floues et tourbillonnantes.
Ils finirent par atterrir dans une fontaine intérieure, les uns sur les autres. Devant eux, les observant d’un œil circonspect, se tenait un moine en toge orange et rouge, le crâne rasé.
-即使游客精读... 无法通过拉波特和别人一样。Fit ce dernier, la mine blasée.
-Heuu… c’est quoi ici ? demanda Flint en s’ébrouant.
Le moine haussa un sourcil :
-Oh. Vous êtes anglais.
Drago se releva, trempé et soupira :
-De toute évidence. Quelle perspicacité.
Titus sauta hors de la fontaine, récupéra son paquet remuant qui avait roulé sur le rebord jusque sur le sol dallé et observa les lieux : l’ensemble était magnifique, recouvert de dorures, de peintures laquées et de statues d’un bonhomme jovial qu’il supposa être Bouddha. Une fumée d’encens flottait dans les airs, tandis que le son du gong retentissait par intervalles réguliers. Malefoy et Flint observèrent les lieux, appréciateurs et récupérèrent leurs précieuses bouteilles, et le ricain s’avança vers le moine :
-On est OU, exactement ?
Ce dernier leur fit signe de le suivre et les mena vers la magnifique porte à double battant barrant l’entrée du lieu sacré. D’un geste, il l’ouvrit et les trois sorciers regardèrent au dehors, estomaqués :
-Shanghai.
Les rues pavées et immaculées regorgeaient de monde, comme une masse fourmillante, au pied de bâtiments traditionnels qui pointaient vers le ciel leurs magnifiques toits pointus aux tuiles rouges et lisses. Les échoppes et les étals s’essaimaient à tous les coins de rue et un brouhaha d’exclamations de rires et de langues asiatiques diverses montaient tout autour d’eux dans un joyeux vacarme, alors que perçait derrière le tout le son d’une musique traditionnelle jouée par un instrument à cordes que le yankee n’avait jamais entendu.
Tout à coup, il se sentit tout petit et complètement perdu. Il se tourna vers le moine, plein d’espoir :
-Vous pouvez peut-être me filer un coup de main mon… père ?
-Cela reste à déterminer.
-Vous sauriez pas par hasard où le dragon doit rencontrer la grue aujourd’hui ? fit-il en tentant sa chance.
Le moine observa le paquet en osier que le cowboy tenait fermement dans ses bras puis se tourna vers une fresque gravée sur le mur extérieur du temple :
-Comme tous les ans, le grand dragon de jade traverse la ville en apportant sa bénédiction aux habitants...
Alors qu’il parlait, Titus jura que la fresque s’était animée : le dragon chinois qui y était représenté, enroulé, se mettait à voler en ondulant au-dessus d’une population de type asiatique.
-Ok, donc vous êtes un sorcier vous aussi.
-...et comme à chaque fois, poursuivit le moine sans faire attention au yankee, le dragon croise la grande grue qui prend son envol.
L’illusion se poursuivit et le dragon passa sous le perchoir d’un grand oiseau qui s’envola majestueusement.
-C’est bien joli tout ça, mais ça me dit pas où-
-Le marché, mon garçon. Lorsque le dragon de jade bénit les échoppes du Grand Marché, il croise la grue qui s’envole.
-Oh. Ben merci…
Le moine sorcier s’inclina et rentra dans son temple.
-Vous avez entendu amigos ? fit Titus en se tournant vers ses bros.
Ils avaient disparu dans la foule. Le cowboy gueula, furibard :
-FONT CHIER CES CONS !!!!
Et il se précipita dans la cohue de la rue alors qu’une procession passait, tentant désespérément de reconnaitre ses bros dans la foule en liesse.
Le Shanghai sorcier était remarquable, tout particulièrement pour qui n'y avait jamais posé les pieds. Les échoppes entassées les unes près des autres semblaient avoir tellement peu de place qu'elles auraient tout aussi bien pu se chevaucher. Certaines poussaient de temps à autre leurs voisines afin d'échapper à un écrasement certain.
Les splendides devantures aux toits anguleux, en authentique bois ancien, laqué de brun et de rouge s'empilaient sans ordre derrière de lourds panneaux portant des inscriptions indéchiffrables pour l'anglais commun. Quantité de banderoles aux couleurs criardes, sur lesquelles étaient peints des visages aux larges sourires et aux yeux exorbités, hélaient le passant.
Au dessus de la foule toujours plus compacte, des lanternes rouges et or tournoyaient avec superbe au gré d'une musique traditionnelle. Elles côtoyaient quantités de parchemins autoritaires, à l'effigie du "Ministre" de la Magie local, qui lévitaient, vigilantes, et venaient se plaquer de temps à autre sur le visage d'un autochtone, lui rappelant l'omniprésence du despote et lui intimant de filer droit.
A ce foisonnement sans borne s'ajoutaient de nombreux étals, recouverts de statuettes en bronze qui suivaient du regard les badauds, et tentaient d'attirer leur attention en esquissant des pas de danse ou des grimaces théâtrales. Mais ce n'était qu'une infime partie de l'abondante offre disponible sur le marché qui s'étendait à perte de vue : fioles remplies de liquides mystérieux et rares, vases blancs comme la nacre bordés d'illustrations bleues et graciles, boîtes en acajou renfermant secrets ou babioles, rouleaux de tissus bigarrés frissonnant sous les doigts des clients, cages en osier renfermant les animaux favoris des sorciers locaux, hérons, pangolins, ou singes dorés.
Tout cela s'agitait avec grâce, ne stoppant que pour contempler la magnificence d'un colossal cortège multicolore qui flottait parmi les hommes et faisaient se tourner toutes les têtes...
L'admirable ballet asiatique passa devant Drago et Marcus, qui le suivirent lentement du regard.
-Et sinon... y'a un bar à putes dans le coin ? lâcha finalement le Pi Alpha Fi, le regard bovin.
L'Alpha saisit au vol une affiche et considéra, peu convaincu, le visage porcin et peu réjouissant du Ministre de la Magie chinois :
-Je ne pense pas que cela soit du goût de...
Il leva un sourcil circonspect :
-"Nong Mai Di Dong" ? lut-il avant de hausser les épaules avec mépris et de poursuivre. Il serait sans doute plus sage de nous fondre dans la faune locale et de goûter la nouveauté des lieux.
Le Capitaine lui flanqua une vigoureuse tape dans le dos :
-T'as raison mon gaillard ! On va se goûter de l'authentique bouffe chinoise ! Et on arrosera ça avec notre prise de ce matin ! s'exclama-t-il en agitant les bouteilles qu'ils avaient "empruntées" à la Rizière en Feu.
-Je ne parlais pas de nourriture, fit le blondinet, le regard plein de dépit.
- A nous les sushis !
Drago soupira et déboucha une bouteille dont il but une longue gorgée avec nonchalance. Au vu de l'inculture crasse de son confrère et de cette mission manifestement impossible, il valait mieux augmenter dès à présent son taux d'alcoolémie. Ils se mirent en chemin sans remarquer qu'au-dessus de leurs têtes, une file d'hommes en tenues de kung fu noires avait entrepris de les suivre, en bondissant furtivement sur les tuiles des pagodes.
Après avoir sondé quelques devantures illisibles avec l'expression interdite d'un niffleur flairant un couteau luisant, Marcus stoppa devant un étal méticuleusement rempli à ras bord de cucurbitacées recouvertes d'épines.
-C'est moi, ou y'a pas beaucoup de sushis par ici ?
Drago croisa les bras avec dépit :
-C'est sans doute parce que nous ne sommes pas au Japon.
-Pour sûr qu'on y est pas ! répondit son acolyte comme s'il s'agissait là d'une évidence. Y'a pas une Tour Eiffel à la ronde !
L'Alpha se pinça l'arrête du nez avec désarroi. Quelques mètres plus haut, la mystérieuse colonne d'hommes armés en profita pour se rapprocher aussi silencieusement que dangereusement de leur position. Avec la brusquerie qui le caractérisait, Flint prit à nouveau la parole pour exprimer son mécontentement :
-Font chier ces gonzes ! Pas un seul sushi, même pas une seule pizza bolognaise qui traîne, et pas un bar à putes ! C'est quoi ce pays ?
-De toutes manières, je ne pense pas que cette dernière occupation aurait plu au dragon qui te sert de femme. fit remarquer Drago.
-Et c'est là que tu te trompes mon gaillard ! répondit Marcus Flint, un sourire rempli de fierté au visage. Parce que moi, j'ai la comme unication de mon côté !
Il reprit sa route.
L'Alpha leva les yeux au ciel : cette rengaine sur les bénéfices de la communication le laissait pour le moins perplexe. Le fait était pourtant qu'il n'avait rien d'un bon communicant. Ses rares échanges avec le monde extérieur consistaient le plus souvent à tenter de rendre autrui plus malheureux que lui. Il s'agissait là d'un passe-temps tout particulièrement prisé dans sa famille et son propre père en était le plus indétrônable champion. De fait, Drago ne s'exprimait que par le sarcasme ou de rares accès de colère, et il ne voyait pas l'intérêt d'être plus conciliant avec autrui. Il n'avait après tout pour la grande majorité de l'espèce humaine que de l'indifférence ou du mépris.
Délaissant ses pensées, Drago suivit d'un pas démotivé Flint qui semblait en grande conversation avec un marchand local, fort affairé à lui vendre un singe aussi mité que grotesque, sous le regard discret des sbires en noir qui se penchaient au-dessus de sa tête :
-Mais puisque je vous dit que je veux pas de votre perruche ! s'égosillait le Pi Alpha Fi. Je veux un bar à putes ! Un bar à putes qui sert des sushis !
-Des problèmes de communication ? se moqua le blondinet en levant un sourcil amusé.
Flint se retourna vers lui :
-Pas moi, lui ! se défendit-il.
-En parlant de communication, as-tu dit à Rincevent que nous fréquentions ce genre d'endroit ? s'enquit-il.
Une lueur d'incertitude passa dans le regard du sportif :
-Ouaip, bien sûr ! Je mens jamais à mon petit cognard !
Sous le regard aussi fixe et circonspect de Drago, le Pi Alpha Fi reprit :
-Après, faut de la subtilité, mon vieux ! C'est ça, la beauté de la communication : tu laisses dégoiser ta rombière, elle passe une plombe à te parler de sa journée et comme ça, elle te demande jamais comment s'est passée la tienne, tu mens pas et tu conclus ! Tu vois : c'est ça, la finesse des échanges, la subtilité du langage ! Fais-moi confiance, mon gaillard, avec ma méthode, c'est la réussite assurée ! T'as plus qu'à l'appliquer avec Bouftout !
Drago soupira, peu convaincu :
-Tu comptes saborder à jamais ma vie sexuelle, n'est-ce pas ?
-LES GARS !
Titus Reynolds venait d'accourir, le regard affolé, son colis remuant toujours sous le bras. Il stoppa devant eux, déposa la cage sur le sol et reprit son souffle en posant ses mains sur ses genoux :
-Bon dieu de merde, vous étiez passés où ?!
-Nous goutions aux charmes de la culture locale. répondit l'Alpha en s'allumant une cigarette.
Un prospectus se plaqua sur son visage. Le regard impérieux de Nong Mai Di Dong lui interdit d'en faire plus et Drago écrasa l'objet délictueux au sol avec mauvaise humeur :
-Pour ma part, je pensais troquer nos bouteilles contre de l'opium afin de rendre ce périple plus tolérable.
Le parchemin s'envola et il saisit sa bouteille de vin supérieur, secouant la tête avec dépit et maugréant en silence. L'un des hommes en noir profita de cet intermède pour tenter d'intercepter le paquet de San Sou Si, mais le cowboy s'en saisit à la dernière minute :
-Faut qu'vous m'aidiez. Y'a urgence. annonça-t-il avec le plus grand des sérieux.
Flint leva une main désinvolte :
-Wo-ho, mon gaillard ! Pas si vite ! Nous autres, on est en vacances ! En vacances !
-Mais y'a un bon dieu de dragon qui se cache dans la ville, pendejo ! s'écria Reynolds. Faut qu'on l'intercepte avant qu'il croise une grue ou on...
Le Capitaine passa d'autorité son bras par-dessus ses épaules et se mit à le sermonner en lui imposant son rythme de marche :
-Tu vois, Reynolds, la vie, c'est une question de priorité ! Malefoy et moi, on peut pas s'occuper de tes soucis de chantier pour l'instant...
-Mais...
-C'est pas qu'on s'en fout, tu vois... poursuivit le Pi Alpha Fi.
-Moi, oui. lâcha Drago, avant de boire une longue gorgée de vin, le regard détaché.
-C'est pas qu'on s'en fout... reprit Flint. Mais on est nous-mêmes sur un sacré mystère...
-Quel mystère ? demanda le cowboy, interdit.
Le Pi Alpha Fi désigna d'un ample mouvement du bras la rue dans laquelle ils se trouvaient :
-On est en Chine et y'a pas un sushi à la ronde, tu le vis ça ?!
Un long silence embarrassant s'installa alors que Reynolds digérait cette stupéfiante nouvelle avec un effarement manifeste. Brusquement l'étudiant en magizoologie se remit à s'agiter :
-SI JE TROUVE PAS CE BON DIEU DE DRAGON ET QUE JE LIVRE PAS CE PUTAIN DE COLIS, SAN SOU SI ME LÂCHERA JAMAIS LES MICHES ET FERA DES NEMS AVEC NOS DOIGTS ! hurla-t-il, en essayant de ramener Flint à la raison.
Ce dernier ne répondit rien quelques secondes avant de lâcher, sur un ton empli de jugement :
-Pour un bro, t'es quand même vachement perso...
Le cowboy émit un gémissement d'impatience. Un bruit de bris de verre se fit entendre à côté d'eux et ils tournèrent la tête. Drago, qui avait vidé sa bouteille cul sec et l'avait jetée avec nonchalance par-dessus son épaule, ôta de son visage le tract dictatorial qui venait de s'y placarder. Il le froissa dans son poing avec lenteur :
-Un dragon, c'est bien cela ? demanda-t-il sur un ton indifférent.
Trop heureux que quelqu'un s'intéresse enfin à son laïus, le cowboy se tourna vers lui :
-Exact ! J'ai cherché : y'en a pas un seul. Pourtant, une bestiole de plusieurs mètres qui crache des bon dieu de flammes, ça se loupe p...
L'Alpha Alpha Alpha désigna de l'index le cortège qui était passé quelques minutes auparavant devant eux et dont la lente procession se poursuivait plusieurs mètres plus loin. Au milieu des badauds, à la tête de la mascarade, un immense dragon de tissu bariolé se gondolait en poussant d'imposants rugissements.
-Le dragon ! s'exclama Reynolds. Venez les gars ! On peut encore le rattraper !
Il partit séance tenante sous le regard apathique de ses deux collègues, qui finirent par se tourner l'un vers l'autre :
-Bon, on se les trouve, ces sushis ? finit par demander Flint.
Drago considérait la course éperdue de Reynolds avec le désintérêt le plus profond :
-A vrai dire, répondit-il sur un ton badin, je serais plutôt tenté par des nems.
Marcus Flynn
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Situation Amoureuse : tout va bien ! Ma femme va revenir, que j'vous dis !
-Des nems ? N'importe quoi ! On va pas bouffer français alors qu'on est en Chine, Malefoy ! ricana Marcus.
Un long soupir blasé lui répondit. Les deux amis se remirent à marcher tranquillement, derrière la procession, en jouant parfois des coudes dans la foule des locaux, sous une pluie de portraits du Chinois en Colère.
-Au fait, pourquoi qu'il est parti, le Reynolds ? demanda le PAF.
Drago haussa les épaules :
-Les mystères de Shanghai...
-Ah. Il a du voir une thaïlandaise à son goût !
L'AAA lui lança un regard blasé.
-Oui, c'est probablement cela. Une... thaïlandaise.
Marcus hocha la tête, et scruta avec un sourire gourmand les étals de bouffe des quelques stands qui bordaient la rue. Sans voir que des silhouettes menaçantes, toutes de noir vêtues, bondissaient de pagodes en pagodes, en ne les quittant pas des yeux.
-N'empêche, il se la joue perso, le gaillard, insista Flint.
-Probablement, répondit Drago. Je n'en sais rien. Je n'en ai rien à faire.
-Et tu sais pourquoi il se la joue perso avec ses bros ? Parce qu'il manque de comme unication ! S'il disait clairement ce qui le chiffonne, on pourrait l'aider ! Parce que rien ne vaut la comme unication !
Malefoy leva les yeux au ciel, et manqua de prendre un énième prospectus. Ce qui l'aveugla juste assez pour ne pas apercevoir les trois mystérieux hommes en noir qui venaient de sauter sur le trottoir, et s'avançaient lentement vers eux.
-Fichtre, ne me dis pas que tu vas recommencer ton laïus de tout à l'heure....
-Et ben si ! Si tu écoutais plus le bon vieux papa Flint, t'aurais pas de problèmes de comme unication avec Bouftout et tu serais pas obligé de te polir le chauve tout seul !
Le regard haineux de Drago glissa sur l'indifférence de Marcus. Ce dernier s'arrêta à un des stands de nourriture, et, à tout hasard, lança à la vieille femme toute ridée qui se tenait devant :
-Un sushi s'il vous plaît !
-煮牛肚 ! piailla la vieillarde. 好熟牛肚 ! 只 两个硬币 !
-Ouais, exactement, un sushi !
Une brochette se tendit vers lui, et il la prit en main, en levant un sourcil circonspect. Ca n'avait pas l'air d'un sushi. Ca avait l'air d'un morceau de viande douteux, maltraité, trop bouilli, et à l'odeur suspecte. Mais bon, Marcus n'était pas la moitié d'un crétin : il savait bien que les produits locaux des pays exotiques ne ressemblaient pas toujours à la version qu'on trouvait en Angleterre !
Il hocha la tête, satisfait, et reprit :
-Ou est-ce que j'en étais ? Ah ouais. La comme unication c'est la vie ! Surtout si ta bourgeoise est de mauvaise humeur ou bizarre et que tu sais pas pourquoi ! C'est ce qui s'est passé avec Luluchou l'autre jour, tu sais, le jour du match contre les Gammas !
-Tu m'en diras tant, grommela Malefoy, en grimaçant devant l'odeur incommodante de la brochette de son ami.
-Ouais Luluchou était en rogne mais genre, vraiment, et dans ses cas là faut rien dire, rien demander, juste laisser passer ! La comme unication doit venir de ta blonde ! Et j'ai eu raison, tu vois, parce que le soir elle est rentrée, et elle était carrément de meilleur humeur !
-Tu m'en vois ravi, ironisa le blondinet.
-Et même si j'étais complètement bourré, j'ai fait preuve de comme unication et je l'ai écouté raconter sa p'tite journée ! Comment elle a enfin sorti Bouftout de son coma, avec un sortilège pour rentrer dans sa tête, et qui les a fait blablater comme des gonzesses, un truc du genre ! Et hop, papa Flint a eu droit à sa dose d'amour !
Drago fronça le nez :
-Flint, je t'en prie, je n'ai aucune envie d'avoir d'images mentales de Rincevent et toi en train de...
Il stoppa en pleine phrase, puis tiqua :
-Attends voir... quel coma ?!
-Ben, tu sais bien ! badina Flint, en faisant un geste distrait de la main. Malicia était dans le coma depuis son anniversaire ! En même temps avec ce qu'elle a pris dans la tronche...
-QUOI ? manqua de s'étrangler son pote.
Ce qui étonna le Pi Alpha Fi :
-T'étais pas au courant ?!
-AI-JE L'AIR DE QUELQU'UN AU COURANT ?!
Marcus fronça intensément les sourcils, et dévisagea Drago :
-Euuuuh... Je dirais... euuuuh... non ?
-Pourquoi ne m'as-tu rien dit plus tôt ?!
Le musculeux étudiant haussa les épaules :
-Ben je pensais que tu savais ! Et vu que Bouftout va mieux maintenant, j'voyais pas l’intérêt d'en reparler !
Il réalisa quelque chose et rajouta, narquois :
-T'es son gars et elle t'a pas raconté ? Ouh la la, le problème de comme unication de fifou...
-On s'en contrefout, Flint ! gronda son interlocuteur. Raconte-moi ce qui lui est arrivé !
Marcus se frotta le menton, en pleine réflexion :
-Je sais pas tout, mais selon ce que Lulu m'a dit, c'est l'ex de Reynolds qu'a voulu se venger de Malicia et elle lui a pourri son annif ! Elle lui a filé de la drogue boostée à la magie noire, des trucs comme ça, qui ont fait que HOP ! Malicia est tombée dans le coma pendant plusieurs jours ! Mais Lulu a fini par trouver un sortilège pour la sortir de là.
Drago mit quelques secondes à assimiler l'information. Puis, il articula :
-L'ex de Reynolds ? Grandiflore ?
-Ben ouais, la grande verte ! T'en connais d'autres ?
Le regard de l'Alpha s'assombrit, et il persifla entre ses dents :
-Grandiflore...
Marcus acquiesça. Puis il mordit à pleines dents dans sa brochette de viande bouillie, et eut aussitôt un haut le cœur. Il se tourna vers la petite vieille, et cria :
-Hé, Mémé, c'est le sushi le plus dégueu que j'ai jamais mangé !
-警告!在你身后!
-Mouais, c'était vraiment immonde ! Et...
Un combattant tout de noir vêtu sembla tomber du ciel, et se planta devant le PAF. Un deuxième, puis un troisième, virent le rejoindre. Ils se mirent à pousser des cris suraigus qui se voulaient menaçant, tout en prenant des pauses en levant le bras, ou le pied, voire même, les deux à la fois.
Marcus poussa un profond soupir. Il serra le poing, et fila un violent uppercut dans le menton du premier gus. Ce qui le fit vaciller, et, par un effet domino, fit tomber les trois gaillards en noir, les uns derrière les autres, sur le stand de viande bouilli qui s'effondra.
Le PAF soupira devant le spectacle, puis se tourna vers son pote :
-Franchement, ils sont pas ouverts aux critiques, les restaurateurs, ici... Tu crois pas ?
Mais Malefoy, qui ruminait à ses côtés, ne prit pas la peine de répondre. Flint haussa les épaules, et les deux reprirent leur chemin, comme si rien ne s'était passé.
Inventaire : Glace à l'Ennemi,
Potion Miracle du Bon Dr Magouille (x6),
Lait de Poule Miracle du Bon Dr Magouille (x3),
Tequila Magouillita (x3),
Manuel du Bon Petit Vétérimage
-Rien compris, mais on s’en fout. Tirez-vous… Pardon !
A coups de jurons pressés, de coups de coude et de bousculade, Titus se frayait comme il le pouvait un chemin à travers la foule grouillante du marché. Suivant la procession menée par le dragon rugissant et bariolé, il gardait en tête les vagues instructions de Malefoy. Il avait l’impression d’être plongé dans un bordel ambiant, nageant dans un océan incompréhensible de dialectes exotiques depuis qu’il avait atterri au sens propre du terme dans cette foutue cité reculée. Ce que lui avait nonchalamment montré l’Alpha en lui désignant le dragon était pour l’instant la seule chose qui faisait sens et le seul espoir auquel il pouvait se raccrocher pour terminer sa bon dieu de mission à la con et retourner dans ses pénates.
Aussi s’efforçait-il de poursuivre cette mascotte géante comme un détective à la petite semaine, espérant l’atteindre avant qu’il ne soit trop tard et qu’il manque son « rendez-vous ». Lancé sur son objectif, il n’avait même pas vérifié si les deux couillons qui étaient censés l’aider au nom du pacte des bros l’avaient suivi.
Malgré tout, quelque chose en lui ne détestait pas l’ambiance, les cris dans les étals dans une langue inconnue, la chaleur étouffante et moite, les visages étrangers qui l’entouraient, et qui tous pouvaient se révéler être un ennemi potentiel, le fait d’être largué au beau milieu de nulle part… Sans compter le fait d’être à la recherche d’un mystérieux personnage caché je-ne-sais-où… qui sait, dans un ancien temple maudit ? En haute montagne, en plein territoire des trolls ?
Non, c’est vrai, songeait-il, c’est pas si mal. En tout cas, ça le changeait de son quotidien et lui stimulait ses neurones grillés par l’abus d’alcool.
Alors qu’il tentait d’accélérer le mouvement, son esprit à moitié perdu dans ses pensées, il put de mieux en mieux discerner la gueule béante du dragon qui au rythme de la procession, crachait des geysers de véritables flammes par un maléfice qui lui était inconnu. Alors qu’il suivait du regard les flammèches s’évanouir dans l’air ambiant et sous les cris enthousiastes de la foule, il leva machinalement les yeux vers le ciel.
C’est alors qu’il l’aperçut. Monté au sommet d’une arche faite d’une pierre bleue turquoise et sous laquelle le cortège était prêt à passer, se trouvait l’effigie d’un grand oiseau à long bec, figée dans une posture d’envol, les pattes ployées, son long cou tendu.
-J’suis pas un grand spécialiste des piafs en tout genre, murmura pour lui-même le cowboy, mais j’suis prêt à parier que ça… c’est une grue.
Il contourna les mouvements amples et dangereux du dragon et alla se poster contre une des colonnes de l’édifice, scrutant avec attention son environnement. Le monstre de papier de soie ensorcelé le dépassa, suivi de près par la foule en liesse dans un vacarme de percussions et de chants traditionnels. Et alors que les dernières flammes magiques disparaissaient, Titus remarqua alors dans la foule un détail qui lui sauta aux yeux : tranchant nettement par la couleur sombre de ses vêtements, un jeune homme à la chevelure lisse et nouée en une longue natte l’observait de l’autre côté de l’allée du marché. Leurs regards se croisèrent quelques instants tandis que les silhouettes des badauds passaient devant eux, indifférents à la scène. Finalement le jeune chinois s’empressa de rejoindre le yankee qui tenait toujours serré contre lui la cage en osier de plus en plus remuante :
-Alors… ?
-Ben alors… Euh… Quoi alors ? fit Titus d’un air interdit.
-Et ben alors… C’est vous ?
-Et alors, c’est moi quoi bordel, tu vas la cracher ta pastille ?
-Chut !!! Pas si fort ! C’est vous qui avez le paquet ?
Titus haussa un sourcil et jeta un œil circonspect à l’objet de sa livraison.
-Non, j’passais dans le coin, j’ai trouvé ce panier pourri et j’l’ai rempli de rats pour que ça remue un peu.
-Que… ?
-Ben oui, c’est moi pauvre gland ! On va pas y passer la journée !
Le contact leva des mains apaisantes tout en regard autour de lui, visiblement inquiet :
-Mais baissez d’un ton, bon sang ! Je ne suis pas censé être là ! Et ce que je vais vous dire risque de mettre un terme au souffle de mon existence.
-Ouais, ouais, ouais… L’est où « Futal » ?
-Le Vénérable Maître Fu Tong se situe dans un lieu ancestral ! s’indigna son interlocuteur. Un temple immaculé où nul orteil profane n’a touché le sol de marbre depuis…
-C’est où bon dieu ?! Enquille !!!
-Dans la salle de la fontaine millénaire, au cœur de la Grande Muraille ! Une salle que seule la clé de la Pierre de Lune peut ouvrir !
-La clé de la Pierre de … ?
-Lune ! Enfermée depuis des siècles dans la caverne du vieil ermite du Yang Sé Tyang ! Vous devrez passer les Cent Enigmes de la Douleur pour pouvoir espérer accéder à… ah attendez !
Le chinois fouilla dans son sac :
-Ah ! Ah ben non, ils me l’ont donnée, c’est votre jour de chance !
Titus roula les yeux dans ses orbites en soufflant bruyamment. Tous ces gus lui couraient sur le râble et il n’avait pas pensé à se racheter un paquet de clopes avant de partir. Il s’impatienta :
-Bon, là, honnêtement j’ai les nerfs qui commencent à vriller. Alors filez-moi votre machin et dites ce que je dois en foutre.
-C’est très simple : il suffit de marcher jusqu’au… Ahrg !
Les traits du contact de Titus s’étaient crispés et ses yeux s’étaient agrandis sous le choc. Il se tourna lentement et ostensiblement devant le cowboy, tétanisé par la douleur : dans son dos, un shuriken d’une taille imposante et exagérée s’était fiché, lui coupant le souffle. Au moment où Titus se rendait compte de ce qu’il se passait, il dut retenir le jeune homme qui tombait à terre.
Ce dernier, mourant, leva des yeux angoissés vers le sorcier ricain qui avait déjà mis la main à sa baguette et la lèvre tremblante, se mit à balbutier :
-M-M-maitr… Fu… T-Tong…
Alors que le Gamma regardait autour de lui à la recherche du tireur, il remarqua alors pour la première fois les affiches et les portraits propagandistes du leader local, un certain Nong Mai Di Dong, qui étaient placardés un peu partout. Et tandis que la foule poursuivait son chemin et vaquait à ses occupations sans s’inquiéter de la scène, Titus remarqua avec angoisse que les yeux du ministre Di Dong sur chacun de ses portraits, s’étaient tournés dans sa direction. Comme pris d’un doute, le ricain tira son contact mourant derrière une des alcôves de l’arche, à l’abri des regards.
-V-vous… devez tr-trouver… Maitre…
-Oui oui je sais hombre ! Faut que t’économise tes forces !
-L-l’entrée …
-Oui..?
-Elle… se trouve dans…
Un spasme saisit le jeune asiatique et il bascula la tête en arrière les yeux révulsés et la langue tirée, raide mort.
-Merde…
Muet, le sorcier yankee reposa doucement le corps inerte du type tout en regardant sa main serrée : elle se cramponnait, raide comme la justice sur un cylindre lisse de pierre grisâtre parcourue de kanjis multicolores. Alors qu’il la regardait, circonspect, une ombre le recouvrit brièvement. Aussitôt il se retourna, la clé en main et sa baguette brandie : en un saut parfaitement silencieux, une espèce de ninja dont seul le regard perçant était visible derrière sa capuche et son masque avait atterri derrière le cowboy et s’était prestement saisi de la cage d’osier. Avant que Titus ne puisse esquisser un geste, le tueur sauta avec agilité au-dessus d’un étal et entreprit de s’enfuir à travers la foule.
-REVIENS ICI, FUMIER !!! vociféra le ricain en se lançant à sa poursuite.
Un autochtone chargé de paquets bouscula Drago dans la foule compacte et ce dernier poussa un grognement mécontent, avant de lever ses yeux translucides en direction de son agresseur. Comme il s’en était fortement douté, l’importun avait déjà disparu, se mêlant à la population du marché qui assistait, en liesse, à la procession du Grand Boutefeu Chinois. En son for intérieur, l’Alpha se maudit de l’avoir perdu de vue si vite : il aurait énormément apprécié lui déboiter la clavicule pour lui apprendre les bonnes manières. Il ne lui restait malheureusement plus que la nicotine pour apaiser ses nerfs.
Il porta la main à sa poche de pantalon.
Avant même qu’il ne puisse en extirper une cigarette, une affiche poisseuse à l’effigie du dictateur local se plaqua sur son visage. Drago saisit le parchemin avec hargne, le froissa et le jeta par terre avant de pointer sa baguette dessus. Le papier s’embrasa, à plusieurs reprises.
-J’en connais un qui aurait bien fait de s’payer des sushis.
Drago lança un regard meurtrier à Flint : ce dernier ne se lassait à l’évidence pas de mâchonner sa brochette probablement avariée depuis des mois, à en juger par sa couleur peu recommandable.
-Ne peux-tu donc pas finir ton repas et mourir en silence ? Siffla Drago. Ta crise de dysenterie ne devrait plus trop se faire attendre.
-Ça veut dire « ta gueule », c’est ça ? ricana Marcus.
-D’après toi, Flint ?
Le Pi Alpha Fi, habitué à sa mauvaise humeur perpétuelle, haussa les épaules, débonnaire :
-T’en serais pas là si t’avais suivi les conseils de Papa Flint !
-Je n’ai aucun besoin des recommandations d’une personne qui confond du poisson avec…
L’Alpha considéra une fraction de seconde la pitance insalubre de son ami :
-Seigneur, je ne sais même pas ce que tu manges. Grimaça-t-il.
Une rombière ridée, aussi courbée que laide, l’agrippa de ses doigts décharnés et se mit à vociférer à ses oreilles, tout en lui agitant sous le nez une breloque rutilante. Drago s’extirpa avec force de son emprise et reprit sa route, tandis que la grand-mère basculait en arrière dans un étal, et en renversait le contenu en jurant.
Au fur et à mesure de la journée, le marché bondé avait pris des allures de purgatoire. L’air de la grande place était saturé d’effluves nauséabonds. Les lanternes clinquantes des boutiques clignotaient sans relâche en cette fin de journée, dans l’espoir à peine dissimulé d’aveugler suffisamment les clients pour leur vendre un maximum de babioles. La chaleur moite et suffocante avait dépassé depuis longtemps les limites du supportable. Sa colère n’arrangeait bien sûr en rien les choses.
Drago jeta un regard noir à la foule toujours plus dense, passant lentement sur les visages anonymes qui l’entouraient, rougeauds et grimaçants. A nouveau la colère bouillonna ses veines : il en savait autant sur la personne qui partageait sa vie que sur les inconnus qui peuplaient ce marché. Malicia lui était devenue aussi étrangère que toutes ces personnes et même s’il lui en coûtait de l’admettre, Flint avait entièrement raison.
L’Alpha lança un coup d’œil torve à son ami : ce dernier avait troqué sa brochette faisandée contre un vase ming. En termes de vase, il s’agissait plutôt d’une calebasse en terre cuite sur laquelle avait été grossièrement gravé « MING ». Il l'agitait sous le regard interdit d'un vendeur :
-Bah tu me le remplis ou pas mon pichet ?!
Drago soupira. Oui, même Flint était plus clairvoyant que lui. Tout rustre qu’il était, le capitaine n’avait jamais poussé le mauvais goût à harceler de ses assiduités une personne qui venait juste de se réveiller d’un coma. Et il n’aurait jamais laissé repartir indemne Grandiflore. L’espace d’un instant, il se maudit de ne pas l’avoir noyée quand il en avait eu l’occasion. Ses mâchoires se serrèrent. Elle ne perdait rien pour attendre…
Quelqu’un déversa sur ses chaussures une cagette de fruits gâtés et gluants et s’éloigna comme si de rien était. Drago ferma lentement les yeux, la main serrée sur sa baguette.
-Tu sais ce qui te ferait du bien ? Décréta Marcus. Un bien beau monument bien typique.
L’Alpha eut soudainement envie de faire sauter tous les plombages de la bouche du Capitaine de Quidditch. Il réalisa que cela aurait probablement grandement amélioré le faciès de son ami et se retint. Ce qui laissa à son confrère tout le loisir de se précipiter sur un étal rempli à ras bord de portoloins et d’invectiver le marchand qui le tenait en agitant un sac de gallions sous son nez :
-T’as entendu mon gaillard ? On veut aller au Taj Mahal ! T.A.J.E.M.A.H.A.L.L.E.U !
Alors que Drago levait les yeux au ciel d’exaspération, un troisième badaud se rua droit sur lui et manqua de lui déboiter l’épaule avant de se précipiter à toute vitesse dans la foule. L’Alpha fulmina :
-Assez. Siffla-t-il froidement.
Il se lança à la poursuite de son assaillant, un individu tout de noir vêtu et encagoulé qui fonçait avec agilité au milieu de la cohue. Sans hésiter, l’Alpha accéléra, jouant des coudes à tout va, les yeux rivés sur l’importun dont il pointa le dos de sa baguette :
-Serpensortia ! s’écria-t-il avec rage.
Un monstrueux crotale fusa sur l’homme et s’enroula aussitôt autour de son cou. Le souffle coupé, l’inconnu s’ébroua avec panique avant de tomber par terre. Drago marcha droit sur lui, et le considéra avec mépris avant de le rouer de coups de pieds :
-ON-NE-ME-BOUSCULE-PAS ! Finit-il par hurler.
Il prit une profonde inspiration, et enfin calmé, remit de l’ordre dans ses vêtements.
-Arrête toi ou j’te fume, enfoiré ! vociféra une voix proche.
Titus Reynolds arriva peu après, essoufflé et remarqua avec surprise l’homme qui gisait à terre en gémissant, encore aux prises avec le serpent. Il saisit la cage en osier que le malheureux avait laissé échapper, et se tourna en souriant vers Drago :
-Bien joué pied-tendre !
L’Alpha observa la foule d’un œil mauvais :
-Je n’aime pas être bousculé, lâcha-t-il.
-Si tu le dis. Tu veux pas le débarrasser de son crotale ?
Drago haussa les épaules :
-Non.
-Mes gaillards !
Marcus s’avança d’un air triomphant, tenant trois grands chapeaux pointus à larges bords au bout d’un long bambou :
-On va au Taj Mahal !
Le cowboy se pinça l’arête du nez :
-Mais on s’en fout du Taj Mahal, pauvre gland ! Faut qu’on aille à la Grande Muraille de Chine ! Y a urgence !
Il se prit un coup de bâton sur le sommet du crâne :
-J’ai dit, on va au Taj Mahal. Ordonna le Pi Alpha Fi, une expression intimidante sur le visage.
Sans leur laisser le temps de réagir, il leur flanqua d’un coup de baguette les chapeaux sur le crâne. Tous trois disparurent sans remarquer la silhouette élancée d’une demoiselle aux allures revêches qui venait d’apparaitre aux côtés du blessé. Après avoir conversé avec son miroir à double sens, elle considéra l’homme avec cruauté et l’assomma d’un coup de talon avant de s’éloigner tranquillement.
Un bon millier de kilomètres plus loin, Drago et ses collègues apparurent devant un grand édifice et tombèrent sans ménagement au sol. Leurs chapeaux toujours vissés sur la tête, ils considérèrent avec surprise ce qui se tenait devant eux : c’était un antique rempart élevé au beau milieu de nulle part et qui semblait n’avoir ni début ni fin. La muraille se dressait, majestueuse et millénaire, sous le soleil couchant.
Marcus se gratta la barbe, circonspect :
-C’est ça le Taj Mahal ? J‘voyais pas ça comme ça...
Inventaire : Glace à l'Ennemi,
Potion Miracle du Bon Dr Magouille (x6),
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Manuel du Bon Petit Vétérimage
Le crissement des semelles du yankee se faisait entendre le long des antiques murs, alors qu’il arpentait la même section du monument pour la dixième fois consécutive. La luminosité déclinait, et ils allaient bientôt devoir sortir les lumos, songea-t-il en se grattant la barbe, dépité. Ils avaient eu de la chance jusque-là de remonter autant la piste du commanditaire. Mais là, fallait bien avouer qu’ils séchaient. Enfin, lui, il séchait et les deux autres clampins…
L’air plus renfrogné que jamais, Titus tourna la tête vers ses deux « co-enquêteurs » : si Flint semblait toujours aussi content de l’avoir accompagné, son chapeau pointu de débilos toujours vissé sur le crâne, Malefoy, lui, fixait le ricain d’un regard plein de reproches, les bras croisés et adossé contre les vieilles pierres de l’enceinte.
Les yeux plissés et l’expression muette de l’Alpha finirent par taper sur les nerfs du Gamma, qui après avoir jeté un œil à un caillou qui trainait par-là, jeta ce dernier avec rage par terre avant de fulminer :
-QUOI, MERDE ?
-Encore une fausse piste ?
-Ouais ben… ouais. confessa Titus à contrecœur.
-Comme c’est étonnant.
Ce fut Titus qui plissa à son tour les yeux alors qu’il faisait un pas vers l’Alpha, sa patience largement éprouvée :
-Ça veut dire quoi ça ?
Drago considéra ses ongles avec nonchalance :
-Que cela fait dix kilomètres que nous longeons cet amoncellement de briques stériles. La nuit est presque sur nous. Mais je t’en prie : continue donc à poursuivre tes chimères.
Alors que les épaules du cowboy s’affaissaient, le crépitement d’un appareil photo moldu se fit entendre alors que Marcus poursuivait son tourisme de bas-étage :
-Regardez-moi toutes ces collines ! C’est de ben belles collines où je m’y connais pas ! C’est aut’chose que le muret derrière !
Saisi par le ridicule de la situation, le ricain shoota dans un caillou. Il avait été persuadé après une marche interminable d’avoir aperçu l’image d’une grue dessinée avec des caillasses au bord de la section où ils se trouvaient. Pris d’un espoir à la con, il s’était dit qu’il tenait quelque chose. Mais fallait bien croire que son esprit lui avait joué des tours et à présent qu’ils se trouvaient là, tous les trois au milieu de nulle part, il commençait à s’interroger sur le bien fondé de la situation.
Le constat était pas glorieux : il avait traîné ses deux bros à l’autre bout du monde sorcier dans une chasse au dahu ridicule, et si le PAF semblait trouver son bonheur, il sentait de plus en plus le regard haineux de l’Alpha sur lui.
-Bon les gars, commença Titus en se passant la main dans les cheveux. Faut que je vous dise… Ça vient un peu tard mais bon. Voilà quoi… j’suis désolé…
Devant l’attitude muette de l’Alpha et le désintérêt du PAF, le cowboy se sentit obligé de poursuivre :
-Enfin, voilà quoi, Malefoy j’suis désolé de t’avoir planté ton plan avec ta régulière, et Flint… j’suis désolé d’avoir gâché ta… douche.
Un silence gênant s’installa quelques instants alors que les deux potes de Titus se jetaient un regard. Contre toute attente, Flint se dirigea à grand pas vers lui et lui asséna une grande claque sur l’épaule, son sourire tout en dents épanoui sur son visage
-C’est bien d’avouer que tu la jouais perso, les bros doivent tout se dire ! Mais t’en fais pas : j’ai une autre douche de prévue la semaine prochaine !
Il indiqua son ami d’un signe de tête :
-Et pour ce qui est de Malefoy, j’crois que c’est pas plus mal au fond que t’ai interrompu les réjouissances. Même s’il veut pas l’avouer ! Hein, Malefoy ?
Le sorcier blond, l’air interdit, détourna la tête et fit un geste agacé de la main :
-Et si nous poursuivions notre excursion ?
Soulagé d’un poids, Titus se reconcentra de plus belle. Il fallait qu’il rassemble ses esprits. Il était complètement désorienté depuis le début de l’escapade, nageant dans l’inconnu. Ce genre de mésaventure, c’était avec ses Gammas qu’il les subissait, d’habitude : sa bizut Kim, et bien entendu, Myo, dont il n’avait pas reçu la moindre nouvelle depuis une semaine. Il s’était refusé à y penser toute la journée, mais tout ça le peinait : si même alors qu’ils étaient redevenus amis, il ne pouvait plus compter sur sa présence comme au bon vieux temps, alors quelque chose semblait définitivement mort et l’inquiétude lui prenait les tripes. Il avait toujours été plus ou moins seul, et maintenant, il se rendait compte que cet état l’horripilait.
Le ricain s’asséna une claque mentale. Allez, reprends-toi, bon sang de bois et concentre-toi sur ce que tu dois faire maintenant, songea-t-il. Le yankee avait repris sa marche, suivi par ses deux comparses. La Grande Muraille s’étendait à l’infini et ses pans se ressemblaient tous. L’évidence était là : ils ne pouvaient pas trouver d’indice comme ça. Mais comment bon dieu, comment ?!! La voix trainante de Malefoy se fit alors entendre derrière lui :
-Au risque de paraitre pénible, est-ce encore loin ?
-Mes gaillards ! gueula Marcus. On s’défonce les arpions pour rien, là ! C’est pas d’l’organisation, ça !
Le Capitaine PAF bouscula ses deux bros et se planta devant eux, les poings sur les hanches façon coach :
-C’qui nous faudrait, décréta-t-il, c’est un putain de guide touristique ! Le genre vieux sage hindou à moitié aveugle qui nous… bah qui nous guiderait, quoi !
Titus se frotta les tempes avec énergie, les yeux fermés, tâchant de ne pas s’énerver une fois de plus lorsqu’il se figea : mais oui, cette andouille de Flint avait mis le doigt dessus ! C’était ça la solution, un guide ! Ce fut au tour du cowboy de filer l’accolade au Pi Alpha Fi :
-Bien joué, pendejo !
Il se tourna aussitôt vers la Grande Muraille : comment faire pour trouver un pécore de guide local au milieu du plus grand monument au monde ? songea-t-il. La réponse lui vint au même moment que la question. Levant sa baguette devant lui, il prononça :
-Hominum Revelio !
Comme à chaque fois, le décor qui s’étalait sous les yeux du yankee se nimba d’une couleur nuit et fantomatique, alors que la vraie nuit était quasiment sur eux désormais. Il se mit en quête des habituelles silhouettes orangées attestant de la présence d’êtres humains dans les parages, mais force était de constater qu’il n’y avait pas foule ce soir-là… Déterminé, le Gamma d’un pas rapide sur près de cinquante mètres le long de la muraille, furetant dans tous les coins jusqu’à ce que finalement, il trouve son bonheur : dans une ancienne tour de guet à sept mètres au-dessus d’eux, il y avait un homme affairé dans une petite pièce qu’aucune fenêtre ne perçait. Ça ne coutait rien d’essayer…
Titus avisa une entrée dans la muraille et monta quatre à quatre les antiques marches menant au sommet de l’ancien corps de garde. Ouvrant la porte à la volée, il tomba nez à nez avec un vieux chinois rabougri dans un poussiéreux uniforme d’un rouge délavé. Devant lui s’étalait un amoncellement de miniatures de bouddha et de soldats en terre cuite animés par magie. Posant la vieille théière en fonte qu’il tenait à l’instant, il fit un signe du menton interrogatif en direction des trois sorciers qui venaient de faire irruption. Avant que le ricain ne puisse dire quoi que ce soit, Marcus s’avança et parla lentement et fort au vieil homme :
-Ouais, vu qu’chuis pas encore sourdingue, jeune crétin.
-He- ah ? Tu parles not’langue ? Bon ben…
Tandis que Drago levait les yeux au ciel devant ce simulacre d’interrogatoire, Titus repassa devant Flint et se planta devant l’employé du monument, posant brusquement sa cage en osier qui remua de plus belle :
-La salle de la Fontaine Millénaire, grand-père ! Ça te dit quelque chose ? Ou c’est juste encore une légende bidon pour les touristes !?
Le vieux guide haussa un sourcil gris et broussailleux avant de sourire, goguenard :
-P’tit, si j’avais voulu te refiler un souvenir bidon pour touriste, j’t’aurais aiguillé vers une de ces saletés.
Il désigna alors d’un geste les soldats miniatures qui insultaient en chinois les trois bros en levant leurs épées en signe de provocation.
-C’est la dernière trouvaille attrape-couillon : tu l’embarques chez toi, il t’égorge dans ton sommeil. Ça t’intéresse ?
Les trois étudiants se regardèrent quelques instants.
-C’est très tentant, mais nous nous en passerons, fit Drago. Quid de cette fameuse fontaine ?
-Ben, marmonna le guide en se grattant la mâchoire, y a bien ce mythe comme quoi le vieux Boutefeu de la dynastie Qin aurait tracé le chemin de la Grande Muraille pour guider les hommes…
Il se servit une bonne rasade de thé fumant avant de poursuivre :
-La fortification aurait comme qui dirait été élevée sur les traces de son passage, et la salle de ta fontaine là, ben c’est là qu’il s’est arrêté avant de r’partir dans les entrailles de la terre. Paraitrait que devant la beauté de la muraille, il aurait chialé soixante jours et soixante nuits et que ses larmes auraient donné naissance à la fontaine qui coule éternellement…
Devant le regard circonspect des visiteurs, il prit le temps de la réflexion :
-… mais y a une autre version qui dit qu’il aurait pleuré de dépit devant la connerie des ouvriers parce qu’ils ont élevé un mur alors que lui voulait un jardinet. Les avis des historiens divergent.
Titus se frotta les yeux, la fatigue commençant à le gagner :
-Ouais, tout ça c’est super, sinon, elle est où cette fontaine ?
-T’as rien écouté ?! s’impatienta le vieux guide. Personne ne sait ! Y a que des ragots qui circulent comme quoi ça s’rait près de la salle aux bas-reliefs de Tian Wang que l’entrée ancestrale s’trouverait ! Mais il est tard les gamins, là, j’vais fermer.
-Allez quoi ! s’emporta Titus. On touchera à rien, promis !
Le vieux réfléchit un instant et regarda les bros :
-Très bien, j’vous y emmène…
-Aaaaaah ! s’exclama Marcus dont la soif de tourisme n’avait pas été apaisée pour autant.
-… si vous m’embarquez une dizaine de mes p’tits soldats.
-Heuu…
-C’est-à-dire…
-Nous ne roulons pas sur les gallions. Finit par asséner Drago.
-Ouais ! affirma Flint. ‘Puis, faut ajouter que…
-… ben qu’ils sont hyper moches tes grigris, acheva Titus.
Un silence gêné s’installa, le guide les observant, la mine résolue. Puis tout trois poussèrent un soupir las.
Quelques minutes plus tard, ils se trouvaient tous sur les remparts derrière la tour de garde. Flint avait les bras chargés d’une dizaine de petits soldats de terre cuite remuant et vociférant, dont la plupart tentaient de lui taillader le visage de leurs minuscules épées. Devant eux, le guide chinois tenait dans sa main une poignée de poudre scintillante.
-Prêts les gamins ?
Titus soupira :
-Quand faut y aller…
Il resserra son étreinte sur sa cagette agitée de soubresauts et le vieil homme lança dans un ricanement la poudre au sol qui explosa en fumée. Avec l’horrible impression d’être vidé de l’intérieur, le cowboy se sentit aspirer à l’intérieur du nuage et les trois bros disparurent en poussant un cri terrifié.
Marcus Flynn
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Situation Amoureuse : tout va bien ! Ma femme va revenir, que j'vous dis !
Alors que son corps venait de se faire téléporter à toute vitesse jusqu'à une destination inconnue qui ressemblait foutrement à l'endroit qu'ils venaient de quitter, Marcus commençait à songer qu'il y avait p't'être bien quelque chose de bizarre avec tout ce voyage en Chine. Entre les murets partout, les sushis qu'avaient même pas le goût de sushis, le guide hindou à moitié aveugle qui les avait même pas suivi pour les guider, et Reynolds qui semblait rechercher frénétiquement quelque chose dans la pénombre de la nuit... y'avait définitivement là dedans un truc qui faisait pas vacances pour une noise. Les bras toujours chargés des remuantes répliques de soldats, il se tourna vers ses potes, et lança, l'air ahuri :
-Hey les gars...
-Qu'est-ce qu'y a Flint ? fit Titus tout en scrutant autour de lui les pierres anciennes de la muraille.
-J'ai bien réfléchi....
-Je te félicite de cet exploit ! lança Drago, avant de rire sous cape, fier de sa vanne.
-Oh, merci mon gaillard, c'est gentil ! répondit le PAF, sans déceler le sarcasme. J'disais donc, j'ai réfléchi... et en fait j'crois que le tourisme c'est foutu : j'vais vous laisser sur le cul avec mes révélations alors tenez-vous bien ! Mais en fait, j'crois bien QU'ON EST SUR UNE QUETE !!!
Le regard quelque peu dépité de ses deux camarades se posa sur lui.
-Non, sans dec' ? grogna Reynolds. Et t'as trouvé ça tout seul alors que ça fait une journée que je crapahute partout à vous demander de m'aider à retrouver Machin-Tong ?
-Ouaip, tout seul ! acquiesça Marcus en bombant fièrement le torse. Et j'crois même qu'on a été transporté ici pour trouver l'entrée secrète d'une fontaine millionnaire !
-Millénaire ? corrigea le blondinet.
-Ouais, c'est c'que j'ai dit ! Et vous savez comment j'ai deviné tout ça ?
-Parce que j'arrête pas de dire que je cherche la salle de cette foutue fontaine ? soupira le cowboy.
-Parce que j'ai du pif ! lança le musculeux étudiant sans rien écouter.
-Ben tiens...
Marcus hocha la tête, satisfait. Il sentait que ses deux amis étaient un peu largués ; heureusement, il était Pi Alpha Fi. Et Capitaine de Quidditch avant tout. Et il savait comment remotiver ses troupes : par un super discours rempli d'amitié virile et d'esprit d'équipe !!!
Il ferma les yeux, inspirés, et soupira :
-Écoutez-moi bien les gaillards : maintenant faut qu'on enquête, et ça sera pas facile. Mais des fois la vie, c'est pas facile, vous savez ! Y'a des hauts enivrants, des bas terrifiants, des milieux bien moelleux... et quand c'est difficile faut pas reculer devant l'adversité, ok mes mignons ? Parce qu'on est une équipe ! Une équipe qu'en a dans le slibard ! Et c'est main dans la main, tous ensemble, qu'on sera plus fort ! Et plus soudés ! Et plus fort ! Et plus... ah non ça je l'ai dit. Merde j'en étais où ? Ah ouais, faut qu'on se serre les coudes et c'est comme ça qu'on attrapera le souaffle ! Ou le vif d'or pour toi Malefoy !...enfin, pas vraiment, hein, c'est une métaphore de Capitaine de Quidditch où le souaffle et le vif d'or symbolisent autre chose, comme la foutue fontaine millionnaire et tout ça. Parce que maintenant on a une quête ! Et ça sera p't'être pas facile, mais si on reste main dans la main on sera plus fort et plus soudés, et euh... voilà ! C'est clair, Non ? J'vous ai remotivé à bloc, non ?!
Devant le silence qui lui répondit, Marcus cligna des yeux, réalisant soudain qu'il était tout seul sur la large corniche de la muraille.
-Euh... les gars ? répéta-t-il, peu assuré. LES GARS ?!
Une tête émergea d'un renforcement, au loin :
-On est là, Flint ! héla Titus.
En quelques enjambées, non sans perdre quelques uns de ces soldats miniatures au passage, le PAF rejoignit ses potes, qui scrutaient un pan de mur avec fébrilité.
-Z'avez rien écouté à mon discours de motivation de bros ! geignit-il.
-Absolument rien, avoua Drago sans avoir l'air de s'en vouloir le moins du monde.
-Mais c'était pour la bonne cause ! affirma le cowboy plus diplomate. Malefoy m'a fait remarquer que la clé que m'a filé l'autre clampin qui a clamsé au marché et que j'avais accroché à ma ceinture luisait dans le noir ! Tu sais, la clé de la Pierre de Lune dont je vous ai parlé tout à l'heure !
-La quoi ?
-La clé de la Pierre de Lune !
-Première fois qu'j'en entends causer.
Titus soupira, mais ne perdit pas plus de temps :
-Ouais, bon, bref, on m'a filé une clé, et elle luit dans le noir !
-Et nous avons remarqué que plus nous nous approchions de cet endroit, plus elle irradiait, renchérit Drago.
-Ce qui veut sans doute dire qu'elle réagit à la serrure, qui doit se trouver dans le coin !
-Ça me coûte de le dire, mais je trouve cela diablement excitant ! admit Malefoy, les yeux brillants de curiosité.
Marcus avait suivi l'échange entre les deux avec un regard vide de bovin. Sans y comprendre grand chose, il regarda le cowboy approcher sa clé brillante du mur, qui s'illumina lui aussi, révélant une minuscule serrure ciselée, qui jusque là leur était invisible. D'une main fébrile, il y entra son machin de lune... et une lumière aveugla quelques secondes les trois potes.
Lorsqu'ils recouvrèrent la vue, quelques secondes plus tard, ce fut pour réaliser que le mur devant eux avait laissé place à un grand et magnifique escalier impérial, en bois laqué de rouge. Sans une seconde d'hésitation, les trois s'élancèrent sur les marches, s'enfonçant dans le passage secret révélé.
Marcus émit un sifflement d'admiration :
-Ah ben y'a pas à dire : y'en a qui ont les moyens d'se la péter !
Il libéra une de ses mains, faisant tomber au passage la moitié des figurines animées qu'il tenait, et prit son appareil pour photographier les lieux. Le flash crépita dans le silence pesant de la grande salle, faisant étinceler la fontaine qui leur faisait face.
A vrai dire, ce n'était pas une simple fontaine. C'était une gigantesque, titanesque fontaine, aux multiples jets d'eau, bouillonnements et autres cascades. Ca se mêlait, s'entremêlait et se croisait dans un ballet aquatique, qui ignorait purement et simplement la loi de la gravité. Aux alentours de l'oeuvre, une sorte de rivière souterraine s'était formée, hérissée de caillebottis et de nombreux ponts de bois, aux rampes sculptées en dragons asiatiques ou en cigognes graciles.
Mais le plus impressionnant était sans nul doute possible la statue, au centre de la fontaine : elle représentait un petit gros à la figure bonhomme, assis en tailleur. Elle était en or massif, et son éclat seul suffisait à éclairer la vaste pièce.
-Vous pensez à c'que je pense ? murmura le cowboy, interdit.
-Ouaip, acquiesça Marcus. Tous ces bruits de flotte, ça donne envie de pisser !
-Mais non ! C'est la fontaine millénaire ! lança Titus, d'une voix surexcitée. On a trouvé cette putain de fontaine ! Bordel j'y croyais plus.
-Regardez, nous ne sommes pas seul, fit remarquer Malefoy. Quelqu'un médite au pied du Bouddha.
Les bros s'avancèrent pour mieux voir : effectivement, niché contre la fontaine, entre deux jets qui semblaient l'éviter sciemment, un vieil homme était assis en lotus, dans une position similaire à celle de la statue dorée. Il avait les yeux clos, et n'avait sans doute pas pris conscience de la présence des bros.
-C'est Fu-Tong ! s'enthousiasma le ricain. C'est forcément lui ! HEY ! FU-TONG ! REVEILLE-TOI, PENDEJO ! J'AI UN COLIS POUR TOI !
Mais malgré les cris de Reynolds, le vieux sage fit mine de ne rien entendre, et ne bougea pas le moindre muscle.
-Et maintenant ? soupira Drago.
-Je vais lui refiler son putain de paquet, qu'il le veuille ou non !
Reynolds fit un pas vers le premier petit pont de bois, suivi par Drago et Marcus. Ce dernier ne pigeait rien de rien. Mais au moins, il trouvait la balade sympa. C'était joli comme tout dans ce patelin. Et très pittoresque. Quoique ça puisse vouloir dire, pittoresque.
Il en était là de ses pensées, lorsqu'un bruit lui fit tourner la tête vers la gauche : un groupe de gars tout de noir vêtus, dans des combinaisons de pseudo-ninjas qui ne laissaient paraitre que leurs yeux bridés, venait de surgir comme de nulle part. Tous s'avançaient lentement mais surement vers les trois potes, dans des postures agressives, bras en avant et pieds en l'air.
-Bah ? lâcha Marcus, les sourcils froncés. Ils nous veulent quoi ces gaillards ? J'vous préviens, j'achète plus de souvenirs de merde à personne, moi !
-住手!不要前 !!! fit une voix énervée de l'autre côté.
Les étudiants tournèrent la tête comme un seul sorcier : à leur droite, un escadron de ce qui semblaient être de modestes hommes d'entretien, venaient d'apparaître, balais moldus à la main. Ils tendirent tous en rythme leurs outils, et s'en servirent pour exécuter une impressionnante chorégraphie kung fu parfaitement millimétrée.
Les deux groupes se rapprochant dangereusement de nos amis, ceux-ci furent très rapidement encerclés. Alors que Titus, son paquet toujours dans les mains, lâchait une bordée d'injures, Marcus se tourna vers Drago, dont la mine était redevenue sombre :
-Et maintenant, tu trouves toujours ça diablement excitant ? ricana-t-il.
Une déferlante de cris retentit autour de la Fontaine Millénaire et sa légendaire quiétude se troubla. En quelques secondes à peine, l'antique place fut assiégée par deux groupes de guerriers asiatiques aussi belliqueux que bondissants.
Encagoulés et tout de noir vêtus, les premiers ressemblaient à s'y méprendre au quidam que Drago avait rossé sur le marché de Shanghai et arboraient le même regard meurtrier. Parfaitement maitrisée, leur chorégraphie était davantage l'œuvre d'un maître de danse maniaque que d'un maître d'armes, et semblait avoir été répétée durant de longs et fastidieux mois. Aussi majestueuse que chargée en mouvements inutiles, elle n'avait à l'évidence aucun objectif martial concret.
Leurs adversaires n'avaient également pas été chiches quant à leur stratégie d'intimidation. Entièrement habillés de blanc, ces derniers y allaient aussi de leurs cris de guerre tout en agitant les balais qui leur servaient d'armes, avec autant de véhémence qu'un troupeau de majorettes poursuivies par des doxys enragés.
Titus, Marcus et Drago regardaient pourtant cette démonstration de force exubérante d'un œil saisi.
-Rappelle-moi qui sont ces hommes en noir ? demanda l'Alpha Alpha Alpha, intrigué, sans parvenir à quitter la scène des yeux.
-J'en sais rien... balbutia le Gamma Phi Orties, médusé, son étrange colis dans les bras.
-Et les lopettes en blanc ? s'enquit à son tour le Pi Alpha Fi.
Il pencha autant qu'il le pouvait la tête de côté afin de ne pas perdre une miette du spectacle.
-J'en sais rien... répondit le cowboy d'une voix interloquée.
Le groupe vêtu de blanc projeta ses "armes" en l'air et les rattrapa avec brio après quantité d'embardées et de roulades inutiles. Aussitôt, les trois comparses applaudirent, appréciateurs. Drago lui-même en avait oublié ses mésaventures de la journée. Après de longues heures passées à ruminer ses déconvenues du moment, il avait conclu qu’il devait prendre son mal en patience : ce n’était pas aux confins de l’Empire du Milieu qu’il allait parvenir à résoudre ses problèmes. Il s’était donc résolu à prêter une oreille attentive aux déboires de Reynolds et s’était surpris à les trouver dignes d’intérêt.
-Que diable font tous ces gens ici ? reprit le blondinet.
-Je... J'en sais rien...
-S'agit-il d’acrobates itinérants ou avons-nous à faire à des combattants de l’ombre nécessiteux ? insista Drago.
-J’en sais rien…
L'Alpha reprit, le regard admiratif :
-Ces pauvres hères mériteraient amplement un pourboire… murmura-t-il.
Comme pour confirmer ses dires, les guerriers asiatiques redoublèrent de vivacité en enchainant sauts périlleux et lancers d’armes tranchantes. En arrière-plan, celui qu’on nommait Fu Tong demeurait immobile, les paupières close et le visage mutique, muré dans une vague expression de béatitude transie.
-Ce vieux... Il est pas un peu... crevé ? demanda Marcus, sans l'ombre d'une inquiétude.
-J'en sais...
Flint décocha un méchant coup à l'arrière du crâne de Reynolds et ce dernier s'extirpa de sa torpeur :
-Hé ho ! Ça va bien, non ? Tu veux mon poing sur la gueule ?!
-C'est quoi ce bordel, mon gaillard ?! s'exclama le capitaine de Quidditch, mécontent. Tu nous amènes ici et tu sais même pas ce qui se passe ?!
-Et comment j'pourrais savoir quelque chose ?! J'suis que le livreur moi ! répondit Reynolds avec un désarroi manifeste. On m'a filé une adresse et c'est tout ! Et encore... Au départ, j'avais même pas la queue d'une adresse....
Drago lui infligea à son tour une claque derrière la tête et le cowboy s'agita de plus belle :
-NON MAIS SÉRIEUX ! FAUDRAIT PEUT-ÊTRE SONGER A ARRÊTER LA !
-Soyons clair, Reynolds. répliqua l'Alpha, croisant lentement les bras, en tournant à nouveau son regard vers les combattants virevoltants. On t'a sommé de livrer un mystérieux colis ensorcelé à l'autre bout du monde, nous avons à l'évidence été suivis par des assassins et tu veux nous faire croire que tu ne sais rien ?
-Ouais, c'est toi qu'on charge de la mission et tu partages pas les infos ! déplora Flint.
Alors que la démonstration de force se poursuivait sans faiblir à quelques mètres d'eux, il leva un index aussi paternaliste que menaçant en direction du Gamma Phi Orties éberlué :
-Tu retombes dans tes vieux démons, mon gaillard, tu la joues encore perso ! C'est pas joli, joli tout ça ! Hein, Malefoy ?
-Je pourrais même dire que c'est très décevant, approuva ce dernier sur un ton dépréciateur.
L'attention de Drago fut brièvement détournée, et il se frotta le menton, pensif :
-Fichtre. Je crois bien que tu avais raison, Flint. Ce vieillard m'a bel et bien l'air décédé...
-FU TONG ! scanda soudain une voix féminine et autoritaire.
Une chinoise longiligne à la figure aussi émaciée que revêche, et qui semblait diriger le groupe en blanc, s’avança auprès du vieux sage :
-Je suis Ming Xhao, Grande Prêtresse du Clan du Héron Immaculé. Annonça-t-elle sèchement. L’heure est venue pour toi de te soumettre : remets-nous ton trésor et il ne te sera fait aucun mal.
-Le Vénérable Fu Tong ne se soumettra jamais à un clan déchu, reconverti en balayeurs de rue ! la coupa une voix de stentor.
Les rangs des ninjas s'écartèrent et un homme d’une cinquantaine d’années, cerné et grave, en émergea. Il posa le pied sur la première marche qui le séparait du vieillard caduc et prit la parole avec force, s'adressant autant à ce dernier qu'aux hommes rassemblés sur la place envahie :
-Mais il courbera l’échine devant la colère du Clan du Tigre Impassible ! Trop longtemps, nous avons dû revêtir la misérable défroque des blanchisseurs en attendant notre heure !
-Excusez-moi.
Intrigués, les deux groupes se tournèrent vers Drago qui venait de prendre la parole :
-Je ne suis sur cette affaire que depuis quelques minutes, aussi pardonnez la naïveté apparente de cette question, mais : si vous êtes blanchisseurs, comment expliquez-vous que vous soyez vêtus de noir ? N'est-ce pas un mauvais calcul pour votre image publique ?
A ses côtés, Marcus arqua les sourcils, approbateur :
-Pas con. lâcha-t-il.
-J’avais pas remarqué, ajouta Titus en se grattant la tête, mais maintenant que tu le dis…
Le leader du clan du Tigre fulmina :
-NOUS SOMMES EN NOIR DEPUIS QUE CES DAMNES HÉRONS ONT VOLE NOS COULEURS A LA BATAILLE DE 通过红卷心菜 !
-IL SUFFIT ! hurla la guerrière au visage acerbe.
Elle confronta de nouveau le vieil asiatique en méditation :
-Fu Tong ! Ton emprise sur les biens de nos ancêtres s’achève ce soir. Et ne pense pas que nous nous contenterons de ton Trésor. Voilà des années que nous avons œuvré pour retrouver ta trace et l’accès à notre ancien Domaine ! La Fontaine Millénaire est nôtre.
-Mensonges ! s’emporta le chef des blanchisseurs. Elle a toujours été notre propriété !
Il pointa du doigt la cagette en osier de Reynolds :
-Et la légendaire arme secrète du Clan du Dragon de Jade également !
-Arme secrète ? Bredouilla Reynolds en écarquillant les yeux d'horreur.
Il lança un regard plein d'appréhension au colis qui s'agitait furieusement dans ses bras. Ce qui n'empêcha pas Drago de prendre à nouveau la parole :
-Veuillez m'excuser à nouveau.
-QUOI ?! demandèrent les deux leaders en chœur.
L'Alpha les confronta, impassible :
-Votre litige m’importe somme toute assez peu, mais afin de rester cohérent, je me dois de vous poser une nouvelle question : l’un de vous possède-t-il un quelconque document attestant de l’ancienneté de votre mainmise sur cette salle millénaire et le Trésor qu'elle contient ?
Un silence embarrassé suivit cette remarque ainsi que quantité de regards fuyants, et l’Alpha se pinça l’arête du nez :
-C’est bien ce que je pensais, soupira-t-il.
Il croisa les bras et annonça avec aplomb :
-Dans ce cas, il ne vous reste plus qu’une seule solution : l’Ordalie.
Un nouveau silence accueillit cette proposition pour le moins mystérieuse.
-Le… le quoi ? finit par demander Ming Xhao, dont la surprise avait momentanément rendu l'expression moins fière.
Un mince sourire se dessina sur le visage de l'Alpha :
-Le Jugement Divin. Battez-vous à mort. Le dernier debout obtient gain de cause et sera déclaré propriétaire légitime de ce point d’eau décoratif et du butin de Fu Tong.
Devant le regard stupéfait de ses interlocuteurs, il poursuivit :
-Autre hypothèse : vous pourriez également attendre que le pauvre homme meure de vieillesse afin de récupérer illégitimement son magot.
Il lança un regard vide de toute compassion à l'ancêtre :
-M’est-avis qu'il ne s'agit-là que d'une question de minutes...
Reynolds se pencha vers lui et murmura :
-Mais… tu te rends compte que tu fous plus la merde qu’autre chose, pendejo ?
Une étincelle de pure malveillance se mit à luire dans le regard bleu acier de Drago :
-Exactement. Susurra-t-il, avec un sourire mauvais.
-IL A RAISON ! Hurla brusquement l'un des ninjas. TUONS FU TONG !
Il se tourna vers le Clan du Héron :
-ET ENSUITE, TUONS CES MAUDITS BALAYEURS !
-PAS SI VITE ! Hurla une voix inconnue.
Une dizaine de cordes jaillirent du haut du plafond et une cohorte de soldats vêtus de rouge les saisirent, avant de se réceptionner avec vivacité sur le sol dallé. Ils firent barrage autour du vieux sage :
-Le Clan du Dragon de Jade est bien plus puissant que vous ne l’imaginez ! Nous ne vous laisserons pas toucher à notre Maitre.
Ming Xhao les toisa avec morgue :
-Vous arrivez bien tard pour des disciples aussi dévoués. Qu’est-ce qui vous a retenu ?
-Nous devions attendre 21 heures pour fermer nos épiceries.
Un rire gras et moqueur les tira de leur dispute et ils se tournèrent à nouveau vers les trois comparses : Flint se tenait les côtes en proie à une hilarité soudaine.
-Oh, les mauvais ! Des blanchisseurs, des balayeurs et des épiciers, maintenant ! Il en prend un coup le folklore thaïlandais !
La remarque ne parut pas plaire à la prêtresse qui coupa court à l'affront :
-A MORT FU TONG ! Hurla-t-elle.
Brisant son balai, elle en tira deux sabres affutés et s'envola littéralement, se jetant sur le vieillard. Son embardée fut aussitôt bloquée par des nuées d'hommes en rouge. Les balayeurs se jetèrent corps et âme dans le combat, suivis de près par les ninjas blanchisseurs. Levant leurs baguettes au ciel, ces derniers invoquèrent une nuée de draps blanc, qui se révélèrent être une meute de moremplis affamés. Les cris redoublèrent d'intensité, alors que le fracas des armes et des explosions rythmaient cette bataille enragée.
Après avoir regardé, non sans circonspection, cette escalade de violence, Reynolds se décida à bouger. Marchant en crabe, il partit déposer le paquet que lui avait confié San Sou Si sur le rebord de la Fontaine Millénaire. Puis, il reprit avec discrétion sa place auprès de Drago et Marcus.
-Ouais... commença-t-il.
-Ouaip ouaip ouaip, lui répondit Flint, sans cesser de regarder le combat, les yeux ronds.
-Absolument, confirma l'Alpha.
-Voilà, le colis est livré, maintenant. On pourrait en profiter pour se tirer, suggéra Reynolds.
-Oui, on pourrait… confirma le capitaine de Quidditch.
Il reprit, après un moment d'hésitation :
-D’un autre côté, ça serait dommage de louper un peu d’action, fit-il, le regard avide.
-Ouais, vraiment dommage... renchérit le cowboy.
L’œil brillant et rivé sur les armes, Drago confessa, après un bref silence :
-J'en parle peu, mais j’ai toujours rêvé de faire des arts martiaux… Père trouvait que c’était indigne de mon rang.
Un nouveau silence s'installa entre les trois sorciers.
-On y va ? Demanda le Gamma.
N'y tenant plus, tous trois levèrent leurs baguettes et se jetèrent dans la mêlée, mimant les cris stridents de leurs adversaires.
Inventaire : Glace à l'Ennemi,
Potion Miracle du Bon Dr Magouille (x6),
Lait de Poule Miracle du Bon Dr Magouille (x3),
Tequila Magouillita (x3),
Manuel du Bon Petit Vétérimage
Dans un ballet mortel ininterrompu, les lames volaient, coupaient et s’entrechoquaient. Les lumières et les éclairs crépitaient, fauchant au hasard un combattant qui mordait la poussière, s’écroulant au sol après une brève et spectaculaire voltige. Au cœur de la mêlée, des types se roulaient par terre en hurlant, pris au piège par les moremplis blancs qui les dévoraient sur place, s’enroulant autour d’eux comme des anacondas de tissu. Et les cris, les cris stridents de peur, de douleur, de guerre ne s’arrêtaient pas. Mais en cet instant, Titus s’en foutait.
Il exultait. C’était mieux que la dernière bataille des fraternités, mieux que le tournoi de duel de l’année passée et mieux que lorsque ses potes et lui avaient vaincu les PAFs devant le Potiron. Bordel de dieu, il se battait contre des guerriers chinois adeptes de kung fu ! S’il s’était imaginé un truc pareil en se levant ce matin avec sa gueule de bois carabinée, il aurait cru à un rêve éveillé dû à la binouze ! Devant lui, un des blanchisseurs tout de noir vêtu esquiva l’ample coup de balai d’un de ses adversaires, en courant sur un mur avant de partir en saut périlleux arrière et atterrir derrière lui, prêt à nouveau à en découdre. Perdu dans la bataille rangée, le yankee balançait sortilège sur sortilège sans reposer le bras, faisant de son mieux pour garder ses bros en vue.
Flint avait érigé devant lui un immense bouclier avec lequel il donnait de temps en temps des coups de boutoir sur ses adversaires, l’utilisant pour en faire passer un par-dessus lui à l’occasion, lorsque les guerriers tentaient de l’attaquer par la voie des airs. Et puis le PAF cognait, stupéfixait et déviait tout en se défendant de son mieux face à des combattants rompus aux arts martiaux. Quant à Malefoy, il s’avançait nonchalamment au milieu du chaos, lançant quelques éclairs de-ci de-là avec une froide précision. Alors que Titus se battait en duel face à deux lanceurs de sorts vêtus de rouge, il vit soudain un des balayeurs projeter son arme changée en lance, droit sur l’Alpha. Mais avant que le ricain ne l’avertisse, ce dernier virevolta et tout en esquivant le projectile, le changea en pierre : l’instrument de mort fonça quelques mètres plus loin, assommer un ninja qui s’écroula K.O. Reculant sous une avalanche de coups de pied retournés, le PAF arriva à la hauteur de Drago et repoussa ses adversaires d’une série de sortilèges d’uppercut.
Voyant que les deux sorciers ne semblaient pas en reste, le cowboy reporta son attention sur ses adversaires : il fit un pas de côté pour éviter un sort de lacération, fit tourner sa baguette entre ses doigts comme autour d’une gâchette et la braqua en s’écriant :
-REPULSO !
L’explosion de lumière blanche illumina la scène un bref instant et un des deux combattants épiciers fut projeté, percutant au passage son acolyte. Titus souffla la fumée qui émanait de sa baguette et entreprit de rejoindre ses potes. Il se baissa à mi-chemin, laissant passer au-dessus de lui un blanchisseur qui volait littéralement, le pied tendu en avant et poussant un cri strident, puis se mit dos-à-dos avec l’Alpha et le PAF :
-Alors ? C’est pas l’éclate ?
-Tout à fait, Reynolds, confirma Drago.
-‘Tain, et dire qu’on perdait notre temps à bouffer des sushis ! s’extasiait Flint.
-Au fait, on a pas décidé : on essaie de protéger le vieux, ou on s’en fout ? demanda Titus
-Franchement, est-ce d’une grande importance ? répliqua l’Alpha.
Le Gamma prit le temps de réfléchir :
-Nope, t’as raison. STUPEFIX !!!
Le ricain cloua ainsi sur place un guerrier furibard qui leur fonçait dessus en faisant tournoyer sa hallebarde, et il jeta un coup d’œil au vieux Fu Tong : ce dernier n’avait toujours pas bougé, l’air paisible d’un cadavre embaumé affiché sur son visage ridé, semblant absolument insensible au chaos ambiant. La cagette en osier qui lui était destinée remuait de plus belle et demeurait intacte à ses côtés, posée sur le rebord de la fontaine. Il nous prépare un rituel apocalyptique, le grand-père, songea Titus, ou il est juste en phase terminale ? Alors que ces pensées lui traversaient l’esprit, il vit une troupe de guerriers rouges se faire repousser brutalement par un commando mené par Ming Xhao, lequel se rapprocha dangereusement du vieillard.
Pris d’un remord, le yankee voulut se précipiter à leur rencontre pour protéger le vieux sage, lorsqu’il aperçut du coin de l’œil un groupe de ninjas blanchisseurs qui brandissaient des poignées de projectiles tranchants dans sa direction.
Il se figea, et tous lui lancèrent leurs armes en même temps. Mais avant même qu’il ne lève sa baguette, Malefoy s’avança et prononça :
-Immobilius.
Aussitôt, la salve de lames volantes que les guerriers venaient de projeter se figea dans les airs, en suspension à moins de deux mètres du ricain. Ce dernier en profita et les renvoya vers leurs propriétaires d’un sort de répulsion. Les assaillants se baissèrent en pleine panique, se couvrant la tête de leurs bras. Lorsqu’ils les relevèrent une fois le danger passé, ce fut pour avoir la vision d’un Marcus Flint déchainé qui leur sautait littéralement dessus en gueulant un immense cri de guerre, avant de s’acharner sur eux à coups de poing. Profitant de la diversion qui lui était donnée par le tabassage en règle de ses adversaires, le Gamma fonça droit sur le groupe de Xhao et lança une bordée d’éclairs devant eux dans l’espoir de protéger Fu Tong de leurs assauts. Furieuse, la prêtresse du Clan du Héron se jeta sur le cowboy, ses deux épées en avant en hurlant :
-NE VOUS MELEZ PAS DE CA, BANDE DE CHIENS !!! CE VIEUX FOU EST A NOUS !!
Devant un tel déchainement de violence, Titus manqua de faire tomber sa baguette et recula précipitamment, manquant de trébucher dans la fontaine :
-Whooo !!! Doucement la squaw ! On peut discuter, non ?!!
Dans sa hâte, il donna un coup de talon à la cagette qu’il avait livrée à Fu Tong et cette dernière bascula dans la fontaine. Au moment où son contenu, une petite forme vivante couverte d’une fourrure duveteuse, tombait à l’eau, la totalité des combattants à l’exception des trois bros se figèrent, une expression d’effroi leur crispant les traits.
-Pauvre idiot ! se lamenta Ming Xhao. Il ne faut surtout pas le mettre en contact avec l’eau !
-Heing ? Mais de quoi vous par-
Un sifflement strident retentit alors dans la salle ancestrale, et l’eau de la fontaine se mit aussitôt à bouillonner. Changeant de couleur et virant au rouge sombre, de la fumée épaisse en sortit alors que les guerriers, toutes sectes confondues, faisaient face à ce phénomène soudain, leurs armes brandies. Marcus et Drago rejoignirent aussitôt le Gamma, fixant de leurs yeux ronds l’écume qui n’en finissait pas de s’élever de la vasque :
-Heu, t’as foutu quoi, là mon gaillard ?
-Ben j’en s-
-Reynolds, le coupa Malefoy avec une inquiétude grandissante dans la voix, si tu nous répète que tu n’en sais rien, je t’endolorise.
Titus commença à prudemment reculer tout en réfléchissant à toute vitesse. Bon dieu ce vieux con de San Sou Si m’a fait transporter une arme secrète vivante sans m’avertir de rien, ni me dire ce qu’elle faisait réellement ! songeait-il avec fureur, alors que la panique commençait à monter en lui. Le ricain fronça les sourcils, en proie à un doute. Qu’est-ce que le vieux chinois lui avait dit avant de partir ce matin, déjà ? « … les eaux du lac ne doivent pas être troublés par la présence de la sautillante loutre. »
Le yankee écarquilla les yeux :
-PUTAIN !!! CE VIEIL ENFOIRE ME L’AVAIT DIT DE PAS MOUILLER CETTE SALOPERIE !!!
-Comment ça ?! s’indigna Drago. Sans Sou Si t’avais averti et tu ne nous a rien dit ?!!
-Ouah la tanche !! s’esclaffa le Capitaine Flint.
-MAIS VOUS M’EMMERDEZ TOUS LES DEUX !!!! explosa le cowboy. A QUOI CA AURAIT SERVI DE VOUS DIRE QUOI QUE CE SOIT, VOUS PIGEZ PAS UN BROC A CE QUI SE PASSE DEPUIS QU’ON A DEBAR-
RrrrRRRRRRRRRHOOOOOOOOAAAAAA !!!!!!!!!!!
Dans une explosion d’écume bouillonnante, une forme gigantesque et décharnée sortit des eaux de la Fontaine comme un épouvantard d’un placard à balai : le monstre était absolument hideux, couvert d’écailles noires et brunes, doté d’une immense paire d’oreilles semblables à celles d’une chauve-souris. Ses longs bras musclés se terminaient par des mains simiesques bardées de longues griffes aussi tranchantes que semblaient l’être les dents dont ses immenses mâchoires étaient pourvues… Faisant bien dans les quatre mètres de haut, le mastard sortit dégoulinant de la grande vasque et parcourut l’assistance de ses yeux rouges.
-Il a l’air sympa en fait ! s’extasia Marcus.
-« Sympa » ? répéta Malefoy incrédule.
-Bah ouais, il a pas encore attaqué !
A ce moment précis, la foule de combattants hurla un immense cri de guerre et se retourna contre le monstre qui rugit et se défendit comme il pouvait, visiblement incapable de comprendre où il se trouvait. Merde, songea le Gamma, j’en ai ras le balai de toute cette histoire !
-Ils vont finir par nous l’énerver ces cons ! grogna Titus.
-Oui, et quand ça sera le cas, cette monstruosité va semer la mort et la destruction partout sur son passage, signala l’Alpha.
Un temps de pause s’ensuivit alors que la bataille reprenait de plus belle, la plupart des combattants s’acharnant comme ils pouvaient sur le monstre qui battait l’air de ses immenses pattes.
-Chais pas pour vous, fit le PAF d’un ton badin, mais ils me lourdent un peu, ces japs.
-Et comment suggères-tu que nous nous en débarrassions, Flint ? fit Drago en levant les yeux au ciel. Ils sont au moins une centaine.
-Compadres, j’crois que j’ai une idée !
Les deux sorciers se tournèrent vers Titus et celui-ci poursuivit :
-Les gars, en cours j’ai appris un super truc de magizoologie ! Je peux projeter mon esprit dans le corps d’un animal magique ! Vous voyez c’que je veux dire ?
Il pointa d’un coup de menton la monstrueuse arme secrète du Clan du Dragon de Jade, puis jeta un coup d’œil entendu à ses camarades. Marcus secoua la tête sceptique :
-Bro, ça va te prendre des lustres pour apprivoiser un truc pareil ! Remarque ça nous laissera le temps à Malefoy et à moi de finir notre visite tranquilous pendant que tu t’amuses…
-Tu as déjà effectué un sort comme ça ? demanda Drago sans faire attention à son ami PAF.
Titus se gratta la barbe, pensif :
-Ben, ouais, enfin quelques fois… Sur un hippogriffe à moitié crevé…
Il réfléchit encore quelques instants.
-… et des rats.
Malefoy poussa un profond soupir et se tourna vers le cœur de la bataille qui faisait toujours rage.
-Je suppose que ça ne coûte rien d’essayer. De quoi as-tu besoin ?
Titus fixa intensément le monstre aux larges oreilles qui faisait face à une armée entière :
-Occupez-les un peu, et faites-moi de la place.
Flint haussa les épaules et les trois sorciers marchèrent côte-à-côte vers la fontaine où la créature rugissait de plus belle. Ils passèrent à côté des guerriers chinois qui agitaient leurs armes dans sa direction tout en croisant le fer avec leurs ennemis, et une fois arrivés au pied de la sculpture millénaire, Drago et Marcus firent volte-face et érigèrent un bouclier pour repousser leurs assaillants. Titus chercha les yeux du géant écailleux et plongea alors son regard dans le sien…
Titus utilise son pouvoir de possession animale.
Les pupilles du cowboy se teintèrent d’un rouge sang strié de jaune et il bascula en arrière. Mal.
J’ai mal !!! Ces hommes me blessent ! Bon dieu ça fait mal !!! ARRETEZ CA !!!
Poussant un rugissement, le Gamma étira les bras immenses du monstre et frappa soudainement au hasard dans l’armée de ses tortionnaires. Un mouvement de panique démarra au sein des groupes de combattants qui commencèrent à s’éparpiller dans la salle, cherchant à gagner la sortie. Un certain nombre d’entre eux, plus déterminés, voulurent s’acharner, mais Titus coordonna le corps titanesque du monstre et en envoya plusieurs dans le décor d’un coup de griffes. Seule Ming Xhao restait, jouant de ses deux épées enchantées qui voletaient autour d’elle comme un bouclier de protection.
Finalement, elle voulut se jeter à la figure de la créature commandée par Titus et s’envola littéralement vers lui. Le monstre, sous les ordres mentaux du cowboy sembla se recroqueviller face à l’attaque imminente… pour se détendre tout à coup et saisir au vol la prêtresse fanatique. Cette dernière se débattit du mieux qu’elle put mais la créature déchainée prit son élan et la projeta au loin sur le groupe de guerriers, blanchisseurs et balayeurs confondus et tous quittèrent les lieux en pleine panique, battant définitivement en retraite.
J’ai réussi. Bordel de dieu, j’ai réussi !!! Who… whhooooOOOOOO !!! Il VEUT PLUS S’ARRETER CE CON !!!
Titus réintégra en vitesse son corps, pour découvrir que la bête à présent déchainée n’avait plus qu’une envie : détruire. Réduisant en morceaux le dallage millénaire de la salle, elle finit par apercevoir les trois sorciers qui la fixaient, terrifiés. Elle rugit soudainement avant de foncer droit sur eux.
-ET MAINTENANT MON GAILLARD, ON FAIT QUOI ?!! gueula Marcus alors que tous trois s’apprêtaient à prendre la fuite à leur tour.
Mais ce qui se passa fut différent. En arrivant à la hauteur du vieux Fu Tong, ce dernier tout à coup en pleine possession de ses moyens se leva tranquillement, s’étira, et toucha du bout des doigts la patte arrière du montre… qui s’arrêta dans sa course avant de s’assoir tranquillement, les oreilles baissées en signe de soumission. Devant les trois bros décontenancés, le vieux chinois s’avança d’un pas paisible et s’inclina :
-Je vois que mon vieil ami sait toujours aussi bien choisir ses garçons de course.
Les sorciers le fixèrent interdits.
-Mais j’croyais qu’il était mort celui-là ?! lança Marcus.
-Soyez infiniment remerciés honorables guerriers pour avoir veillé sur mon sanctuaire pendant ma sieste.
-Votre… SIESTE ?! s’étrangla Titus.
Sans faire attention à la stupeur du cowboy, Fu Tong se tourna vers la créature qui ronronna à son approche.
-Mon frère de clan avait senti qu’il pourrait m’arriver quelques désagréments sous peu. Aussi m’a-t-il envoyé notre vénérable gardien ici présent pour me protéger. Mais je dois dire que vous avez fait un travail autrement plus admirable. Vous devez avoir hâte de rentrer chez vous à présent, n’est-ce pas ?
-Bah, on est pas forcément press- commença Flint d’un air guilleret.
-Si, on a carrément hâte. le coupa Titus.
-Absolument, renchérit Drago.
Fu Tong sourit, montrant une dentition jaunie, et s’approcha des trois sorciers : sans avertissement, il saisit d’un geste étonnamment rapide l’avant-bras droit du Gamma et le força à ouvrir la main. A l’intérieur, nota mentalement le yankee, le kanji avait déjà pris une teinte plus terne. Le sage de la secte du Dragon de Jade le toucha du bout de son long index décharné, et Titus sentit une vague de chaleur cuisante lui irradier la paume.
En quelques secondes, le signe magique qui lui avait pourri l’existence durant des mois avait disparu.
-Vous voilà libéré de vos obligations envers mon vieil ami, jeune homme.
-Ben, je… merci. Je crois…
Fu Tong s’inclina une dernière fois et fit quelques gestes compliqués dans leur direction, semblant amasser une masse de puissance magique inconnue. Alors que son antique sorcellerie opérait, l’air se chargeant d’éclairs d’énergie lumineuse : un éclair jaillit soudain dans la salle, et les trois sorciers commencèrent à se dématérialiser, s’apprêtant à parcourir à la vitesse de la lumière les milliers de kilomètres qui les séparaient de leurs pénates.
-Z’allez voir, lança Titus à ses potes alors que leurs corps disparaissaient peu à peu, chuis sûr que le vieux San Sou Si va nous filer une récompense de malade pour tout ça ! On a abattu un sacré boulot ! Croyez-moi les gars, vous allez pas regretter de m’avoir suivi !