C'était une bonne journée pour Alphard Higgs et ce n'était pas peu dire : depuis deux années qu'il étudiait à Hazarvard, il n'avait pas connu une seule nuit de sommeil ni une seule journée paisible. Tout était bien trop difficile pour lui dans cette université élitiste. Tellement difficile que... et bien, il en avait été viré. Mais à peine avait-il reçu sa lettre d'expulsion qu'une deuxième lui avait atterri sur sa tête. Une deuxième lettre le conviant à venir à la WoW University. Il n'avait eu ni à postuler ni à informer ses parents de sa mésaventure. Quelle aubaine !
Il sentait déjà qu'il allait se plaire ici : un campus fantasque s'étendait à perte de vue devant lui, grouillant d'étudiants de tous horizons, toutes formes, certaines pas vraiment humaines. L'endroit était animé, coloré, et les poubelles pleines de cadavres de bouteilles laissaient présager des fêtes d'anthologie. Les balais fusaient au-dessus des têtes.
Quelque chose explosa non loin et il sursauta, aussitôt rassuré par un rastafari blanc aux yeux rougis :
-Non, man, no stress... C'est encore l'amphi de Magie Expérimentale qui a fait boum boum badaboum boum boum !
Laissant l'étudiant à ses élucubrations, Alphad Higgs se dirigea vers un stand où l'attendait une étudiante au sourire béat, qui tournicotait autour de son doigt une mèche de ses cheveux afros :
-Ah la la, salut ! lança-t-elle d'une voix ralentie.
-Bonjour, je suis...
-J'adore les nouvelles rencontres, c'est tellement... nouveau. On sait jamais à quoi s'attendre parce que c'est... nouveau. Tu veux une mutuelle ?
-Non c'est gentil.
-Ah mais en fait t'as pas le choix, il faut choisir.
-Choisir ?
-Choisir une mutuelle pour la WoW.
-Ah oui, j'ai le choix entre quoi et quoi ?
-Ben... t'as... la mutuelle de la WoW. Elle est très chère mais c'est la seule.
-Pourquoi je dois choisir alors ?
La jeune femme le regarda avec des yeux ronds :
-Ben... parce qu'elle est obligatoire ?
Alphard Higgs commençait à regretter un peu l'élitisme d'Hazarvard :
-Je suppose que je vais prendre la mutuelle de la WoW, alors.
-Excellent choix ! l'encouragea l'étudiante en agitant sa baguette.
Un prospectus vola jusqu'au mains du nouveau venu.
-Pour les autre renseignements, c'est là-bas... Sauf si tu veux changer d'avis pour ta... mutuelle.
Elle lui fit un clin d'oeil et Alphard se mit à reculer prudemment :
-Ok, à plus alors !
Il se heurta à un autre stand de la place.
-Tu veux quoi ? lança une voix peu affable.
-Je... Je m'appelle Alphard Higgs. Je viens m'inscrire en deuxième année de Sciences Sociales Sorcières.
-Humpf. J'vois le genre.
Son interlocutrice était une punkette aux cheveux courts et à l'air revêche qui venait de faire éviter un épais dossier devant elle. Elle laissa à sa plume à papote le soin de remplir la dizaine de formulaires qu'il contenait.
-Ça a l'air sympa, par ici... lança le nouveau pour détendre l'atmosphère.
La punkette haussa les épaules :
-Mouais, ça c'est pas mal arrangé, c'est vrai. Notre Doyen actuel est quand même mille fois mieux que le moustachu psychopathe qu'on avait avant. La fac est pas si mal. Si on excepte les zombies, les licornes radioactives, le râteau serial killer et les piliers du stade de Quidditch qui s'effondrent toutes les semaines. Ah, et le TramWoW aussi...
Elle lorgna un wagonnet hors d'âge qui tenait plus de la boîte de conserve que du train et qui fila à une vitesse parfaitement déraisonnable au beau milieu de la place en faisant hurler de terreur les passants.
-MAIS QU'EST-CE QUE C'EST QUE CA ?! paniqua Alphard.
-Le TramWoW. Le moyen de transport le plus rapide et le moins sûr de la fac.
Elle se pencha vers lui :
-J'te déconseille de le prendre... C'est rempli de Lambda Omega Lambda qui essayent de soutirer des gallions pour leurs airs de cornemusedéon, et de Gamma Phi Orties qui font du trafic.
-C'est pas bien, Gamma Phi Orties ?
-Si... Mais si t'en croise un, fais gaffe à tes poches.
Alphard saisit un prospectus :
-Et sinon les Alpha Alpha Alpha, c'est bien ?
-Si tu as besoin d'amis qui te poignardent dans le dos, oui.
-Et les Pi Alpha Fi ?
La punkette désigna un groupe d'étudiants en jogging, filles et garçons confondus, qui bondissait non loin en s'époumonant :
-QUI NE SAUTE PAS N'EST PAS UN PAF ! PAF ! QUI NE SAUTE PAS N'EST PAS UN PAF ! PAF !
La jeune femme leva les yeux en l'air :
-Et imagine, il sont moins ringards que les Pi Omicron Pi.
-Je vois... Il me reste que les Zêta Delta Nu alors ?
-Ouais, tu fais le bon choix.
La punkette posa sa main sur son épaule et sourit :
-Viens, on va se murger.
-Il est 9 heures du matin !!
-Et alors ? grogna l'étudiante.
-Je dois réfléchir ! glapit Alphard avant de prendre ses jambes à son cou.
Il manqua de tomber dans la fontaine avoisinante et se fit rattraper par une main amicale :
-As-tu payé tes frais d'inscription ? demanda son sauveur, un homme trapu, doté de lunettes de soleil et portant un imposant costume noir.
-Quoi ?
-Oui ! Parce que sinon la WoW te propose des systèmes de paiement très avantageux. Il te suffit simplement de signer cette reconnaissance de dette envers notre doyen !
Alphard s'empara du document qu'il lui tendait tandis que l'homme poursuivait, avec un fort accent sicilien :
-C'est simple : le remboursement de la dette n'est pas obligatoire mais est très fortement recommandé. En cas de non remboursement de la dette, le doyen ne garantira plus ni votre sécurité ni votre intégrité physique. Un accident est si vite arrivé...
-QUOI ?
-Ça veut dire que tout mauvais payeur se retrouvera au fond de la rivière avec des chaussures en béton à nourrir le Kelpy pour les siècles des siècles. Alors, tu la prends ma reconnaissance de dette ?
-NON ! hurla l'étudiant.
Il poussa l'homme de main et s'enfuit le plus vite possible de la place principale de l'université :
Sujet: Re: We don't need no education ! Sam 17 Juin 2017 - 21:13
Le soleil vint doucement se refléter dans les fenêtres d’une jolie maisonnette grise, perdue au cœur de Mysteria Lane. Les feuilles bruissaient sous le poids du vent, tandis que les premiers signes de l’automne faisaient leur apparition. Isaac ouvrit un œil, puis l’autre, et elle souffla tout en s’étirant… avant de se mettre à bondir à cause d’une crampe au mollet.
- Bor…DEL ! fit-elle en se cognant le genou contre le bord de son bureau.
La crampe passa, et Isaac regarda autour d’elle. Cela faisait un mois qu’elle avait emménagé dans cette petite maison entourée d’arbres. La maison était ancienne mais cela lui donnait un charme plus que certain. Pour la première fois depuis longtemps, l’Irlandaise souria. Cette maison était le dernier héritage de ses grands-parents qui la louaient à un couple de vieux afin de subvenir à leurs besoins. A leur décès, le notaire avait « oublié » de préciser à la jeune femme qu’il existait une maison qui revenait de droit aux petits-enfants O’Callaghan. Bien sûr, il s’en était soudainement souvenu lorsqu’un poing lui tomba sur le coin de la tronche. Pas de loyer à payer, seulement ses factures d’eau et d’électricité. De plus, ses ventes de Poudracafard lui avait permis de mettre de côté, de pouvoir meubler la maison et surtout de pouvoir régler ses frais de scolarité. Elle était à chaque fin de mois plus que juste, mais elle s'en sortait et ça lui suffisait. Au moins elle vivait ailleurs qu'à Nothing Hill.
Elle descendit au rez-de-chaussée, se servit une bière – à 8h du matin – et bailla tout en se grattant la fesse gauche. Elle regarda l’heure et se hâta d’aller prendre une douche. Douche d’ailleurs qui fut de jour en jour plus agréable maintenant que l’eau ne transformait plus en boue. Elle s’habilla, prépara ses affaires et ferma la porte à clé, son sac en tissu à l’épaule.
Une nouvelle année commençait pour elle.
Alors qu’elle approcha de la fac, elle vit un élève hurler et traverser la cour :
- C’EST DES MALADES ! DES MALADES !
- Tiens, en vlà un qui se rend compte du niveau de la fac… se dit-elle.
Depuis que le doyen avait changé, la fac se portait vraiment mieux et une nouvelle fraternité avait même vu le jour. Elle regarda l’heure sur sa montre, elle avait 30 minutes d’avance pour son cours de magie expérimentale avec l’aut taré d’Odius. Ils pouvaient pas se piffrer, mais c’était justement pour ça qu’Isaac l’appréciait. En attendant son cours, elle s’installa sur un banc dans l’avenue des Champs Z’Allons-y, regardant tout autour d’elle. Oui, depuis le départ précipité de Magouille, tout semblait s’être grandement amélioré.
Isaac soupira. Elle s’alluma alors une cigarette, et croisa les jambes de manière masculine, laissant voir la peau de ses cuisses à travers les trous du jean qui semblait plus être un truc de clodo qu’un jean à la mode. Elle n’avait pas vu Lulu et Titus depuis un bout de temps. Qu’étaient-ils devenus, pendant ces longues vacances ?
Un vieux s’approcha de la jeune femme et s’installa à côté d’elle avec un regard lubrique.
- Aaaah la jeunesse, les études, tout ça me manque ma p’tite dame vous savez… Mais ce que je préfère… préférais quand même, c’était les p’tites étudiantes comme vous, celle qui sont bien faites, et qui savent y faire avec les anciens…
- Euh…. Ouai ? - Vous sauriez y faire vous hein, j’l’e vois dans vot’ regard.
- J’sais pas ce qui me retiens de vous écraser comme une vulgaire citrouille – grogna t-elle.
- Oooooh mais vous z’énervez pas ma p’tite. J’suis qu’un vieux qui cherche du réconfort…
Les flics étant toujours dans un coin, elle ne pouvait pas lui en coller une. Ce serait mal vu de taper un vieux. Surtout quand celui-ci faisait preuve d’une certaine attention sur les nichons de l’irlandaise. D’un coup de baguette, Isaac vint lui flanquer une gerbe d’eau sur la tronche. Le vieux maugréa en bougonnant quelque chose d’incompréhensible. Isaac, rouge de colère se leva et s’en alla vers le laboratoire de magie expérimentale.
- J’taurais bien fait ta fête à ma manière toi hein.
Inventaire : Chocolats Cépamoi (x5)
Essence de dictame (x5),
Lait de poule Miracle du Bon Docteur Magouille (x2),
Philtre de Requinquance (x5),
Potion Miracle du Bon Docteur Magouille (x2),
Potion Tue-loup,
Rapeltout,
Tequila Magouillita,
Potion contraceptive
Sujet: Re: We don't need no education ! Ven 23 Juin 2017 - 23:56
Le campus avait tellement changé et pourtant, tout était encore tellement familier. Le grand portail pointu, qui sentait encore la peinture fraîche. La grande place, et la statue du Doyen Magouille qui avait les mains posées sur les hanches et qui regardait en l’air, le menton bien haut. Il aurait lancé un « pas vu, pas pris » que Malicia n’aurait pas sursauté. Il y avait tellement de monde que la place était toute noire. Elle aimait bien ça. Elle était invisible.
Peut-être trop : un tram plutôt chelou passa à deux centimètres de ses fesses et elle eut juste le temps d’écarquiller grand les yeux en se demandant ce qui lui arrivait. Elle se crispa quelques secondes sur son dossier d’inscription sur lequel était marqué à l’encre noire « Sciences Occultes Troisième Année ». Puis finit par remettre de l’ordre dans ses cheveux au carré et sa frange, sans oser trop bouger. Elle était en vie, enfin… elle croyait ?
Elle avança d’un pas calme parmi les stands. Il y avait Perry Wigworthy, l’ex-chef de Punkettes de son ancienne fraternité qui essayait de faire verser du destop yop dans une bouteille de fnuc cola pendant que sa plume à papote chauffait à force de remplir des documents administratifs beaucoup trop épais. Il y avait aussi Amalia Jones, son faux sosie de première année, qui tournicotait une mèche de ses cheveux en draguant les nouveaux étudiants. Elles ne la reconnaissaient même plus. Elle avait grandi, c’est vrai, elle avait plus du tout l’air d’une gamine maintenant. Elle avait pourtant pas eu l’impression d’avoir autant changé que ça. En même temps, elle avait vu tellement de différentes versions d’elle-même dans son miroir qu’elle ne se rappelait plus vraiment de ce à quoi elle pouvait bien ressemblait avant… le problème. C’était peut-être normal qu’elles ne se souviennent plus d’elle. Et hormis elles, elle reconnaissait personne.
Mais elle savait. Elle savait que tôt ou tard, elle verrait des visages qui lui étaient beaucoup plus chers. Lucrécya était là, quelque part. Elle avait pas encore eu le temps de lui dire qu’elle revenait. Ava était peut-être là, elle aussi ? Elle n’avait pas donné de nouvelles, elle avait été tellement occupée. Elle n’avait parlé qu’à Lulu, quand elle l’avait pu. Et Darius… Elle avait l’impression d’être partie un demi-siècle. Comment elle avait pu partir aussi longtemps que ça ? C’était fou, mais elle… elle se rendait compte seulement maintenant à quel point la WoW lui avait manqué. Elle s’était tellement battue qu’elle n’avait pas eu le temps d’y penser. Elle ne s’était pas donné l’autorisation de penser au passé. Elle avait compris une chose sur elle-même : elle pensait trop. Et ça l’avait rendue malade. Et maintenant, elle était revenue et elle ne savait pas ce qui allait lui tomber dessus.
Malicia sentit la panique monter comme une vague dans sa tête. Elle connaissait bien ce sentiment maintenant. Elle savait ce qu’il pouvait lui faire faire. Elle n’allait pas laisser faire. Elle allait retrouver son calme. Il fallait qu’elle pense à autre chose. Qu’elle imagine quelque chose qui détourne cette vague. Quelque chose d’apaisant… Oui, quelque chose d’apaisant…
Mes pas m’entrainent, sans rancoeur ni colère Vers cet étrange univers J’ai enfin trouvé ma voie J'aim’rais… retrouver ceux qui me sont chers Peut-être est-ce une chimère ? J’y ai pensé tant de fois J'ai beau avoir peur Je ne partirai pas Chacun de mes gestes Chacun de mes pas Me ramène ici Vers une nouvelle vie Une nouvelle ère
Le monde qui s’étend sous mes pas Et m’appelle Ce grand mystère Cache une lumière Oui ce monde qui m’ouvre ses bras Si irréel Si j’ai l’audace Je sais bien que j’y trouverais enfin ma place
Souvent, en repensant à mon histoire Et en réveillant ma mémoire J’y vois trop de temps qui passe Pourtant, cette bien longue échappatoire M’a offert quelques victoires Quand je me regarde dans la glace J’suis enfin en paix Ce que je ressens Ne me ronge plus Même si pourtant Ces visages cachés Veulent se déchaîner Je n’les laisse pas
Le monde qui vit tout au fond de moi Qui sommeille C’est un trésor Que tous ignorent Ce monde fou qui m’a ouvert grand les bras Qui m’émerveille Je veux le croire : Sous ma fine écorce C’est ma plus grande force
Oui, le monde qui s’étend sous mes pas Qui se révèle Je ne le crains pas J’y vais tout droit Cette fois, je ne reculerai pas Cette seconde chance Elle est à moi Elle m’ouvre les bras !
Mali ouvrit les yeux et poussa un soupir d’aise. Oui, ça allait mieux. C’était vraiment apaisant… et aussi un peu ringard. Définitivement crétin même. Voire un peu cul-cul. Beaucoup cul-cul. Mais bon l’essentiel, c’est qu’elle avait retrouvé son…
-C’EST DES MALADES ! DES MALADES !
Un étudiant venait de la bousculer et de faire tomber son dossier d’inscription. Elle se pencha pour le ramasser… mais le TramWoW fusa à deux centimètres de son pif et roula sur les papiers étalés en laissant de grosses traces d’huile noire dessus.
Mali tiqua de l’oeil gauche :
-Bien, bien, bien, bien… fit-elle en décollant une feuille qui s’était collée sur son rouge à lèvres framboise.
Ouais, elle se rendait compte maintenant à quel point la WoW lui avait manqué. A savoir : pas du tout.
Inventaire :
Potion Miracle du Bon Docteur Magouille (x3),
Horloge des Familles,
Pommade Pommadante Grégoire,
Lait de Poule du Bon Docteur Magouille (x2),
Tequila Magouillita (x4)
Potion de Requinquance (x2)
Sujet: Re: We don't need no education ! Ven 30 Juin 2017 - 12:50
C'est à grandes enjambées nerveuses et agacées que Lucrécya traversa le grand portail pointu qui marquait l'entrée de la WoW University.
Elle portait un costume de soubrette noir et blanc, digne des pires cosplays pour fétichistes. Sérieusement, ce n'était pas un uniforme de travail, ça ! Tout juste un mauvais déguisement sexy pour Halloween ! Avec la totale : la toque en dentelle dans les cheveux, un noeunoeud ridicule sur le devant, des chaussettes blanches qui remontaient jusqu'à mi-genou, et une jupe bien trop courte pour être honnête. Okay, Lulu n'aurait pas renié ce genre de jupe, si elle avait choisi de la porter elle-même. Sauf que là, on avait fait le choix pour elle ! Et « on », c'était cet espèce d'otaku chelou, bedonnant et transpirant, qui lui servait de patron, au Starducks. Bref, tout ça n'arrangeait pas son humeur, déjà fort mauvaise.
La jeune femme pesta en voyant la foule qui grouillait sur la place MMM. Les jours de rentrée, c'était vraiment la plaie, entre les étudiants de tout âge qui venaient s'inscrire, les familles des premières années qui s'incrustaient et les vieux pervers qui profitaient de tout ce foutoir pour se trouver une jeunette pas très regardante... Y'avait trop de gens. Et les dieux savaient qu'elle n'aimait pas les gens.
Mais en vérité, ce n'était pas la foule des grands jours qui la gonflait, ni même son uniforme d'héroïne aux mœurs légères de manga, ni même la perspective de reprendre ses cours.
Ce qui mettait ses nerfs à vif, c'était Candice.
C'était quoi, comme nom, Candice ??? Sérieux, qui osait s'appeler comme ça ?! C'était ridicule. Cette fille était ridicule.
Enfin... non. Elle ne l'était pas. Et c'était bien ça le problème.
Si elle avait été petite, maigrichonne, avec de longs cheveux noirs, Lucrécya ne s'en serait pas offusquée. Au contraire : elle aurait pris ça pour un hommage. Mais non : Candice n'avait rien en commun avec l'ex-Serpentard.
Elle était toute ronde, toute rose, et son parfum laissait une agréable impression sucrée. Un vrai marshmallow humain, en somme. Mais un marshmallow plantureux, sexy, avec une cascade de cheveux blonds bouclés qui dansait derrière ses formes terriblement féminines. Un seul coup d’œil avait suffi à Lulu pour être jalouse. Jalouse de ses seins, de ses hanches, de ses cuisses, de sa féminité. De sa voix chaude et mélodieuse. Du regard lumineux, pétillant d'intelligence, qu'elle lançait à Marcus. Du sourire benêt que ce dernier lui rendait...
Pourquoi avait-il fallu que Lucrécya les croise aujourd'hui ?! Dans ce costume Starducks ridicule, qui sentait le café fermenté, et dont le décolleté ne montrait rien à part une fatale absence de nénés ?!
Pff. Lulu s'en fichait de toutes façons. Parce qu'elle avait oublié Marcus. Enfin, pas oublié, nah, mais... surpassé. Ouais. Et c'est pas parce qu'elle avait pas eu de mecs sérieux depuis des siècles que ça voulait dire qu'elle était la perdante de leur rupture ! Alors oui, elle était pauvre, elle puait le café et elle avait des cernes alors que l'année universitaire n'avait pas même commencé ! Et oui, Marcus était radieux, oui, il avait parlé à Lulu comme si de rien était de sa vie qui allait si bien, de son nouveau boulot parfait, de son prochain fastueux mariage avec miss Candice... et oui, pendant toute cette horrible et gênante conversation, Rufus était resté collé tout du long dans les jupes de cette piqueuse de mecs potelée. En regardant Lucrécya comme une étrangère. Comme s'il en avait peur. Elle ! Sa propre mère !...
Bon, ok, elle était la grande perdante de leur rupture. Mais l'admettre ne la fit pas se sentir mieux, loin de là. Rah, elle avait envie d'envoyer un bon coup de batte dans la tronche du premier venu pour tenter de se sentir mieux... mais nan, ça faisait un bon bout de temps qu'elle avait compris que la plus affûtée des battes ne pouvait envoyer valser son mal-être. Hélas.
Putain. Quand elle pensait qu'elle était restée là, au centre du Chemin de Traverse, les bras ballants, empêtré dans son uniforme de merde, engluée dans sa vie de merde, dans sa solitude sentimentale, entendant malgré elle sa voix éraillée et pathétique inventer de toute pièce une bluette parfaite avec un dénommé Brad.... Brad ! Que Marcus et Candice avaient invité derechef à leurs épousailles, comme le parfait petit couple heureux et toujours en accord qu'ils étaient désormais !
Un petit couple parfait, qui avait déjà leur propre mioche. Son mioche à elle. Mais qui n'était plus à elle, désormais, elle le savait...
Sa gorge se serra, et elle préféra couper court ses pensées. Elle serra les poings, et s'engouffra à travers la foule des étudiants.
Sauf que son cerveau ne voulait pas la lâcher, et tentait vainement de trouver des coupables à cette rencontre fortuite.
C'était la faute de son patron, qui l'avait envoyé chercher des donuts à la succursale Starducks du Chemin de Traverse !
NON ! C'était la faute des clients Starducks, qui avaient descendus en une matinée tout le stock de pâtisseries du magasin du mois !
NON ! C'était la faute de ces foutus gens de cette foutue rentrée de cette foutue fac, qui étaient joyeux, insouciants, et qui se permettaient de fêter leur retour à la WoW en s'empiffrant de caféine et de grasseries rondes bien trop sucrées !
NON, C'ETAIT LA FAUTE DES DONUTS ! Foutus donuts... pourquoi c'était à elle d'aller les chercher, bordel ?!
Euh... attends voir... est-ce qu'elle était allée les chercher, en fait ? Ou est-ce qu'elle avait fait directement demi-tour, de rage, après avoir revu son ex ?
-Raaah merde, je savais que j'avais oublié quequ'chose, grommela-t-elle, les épaules avachies.
C'est le moment que choisit un pauvre gars pour la bousculer en hurlant :
Inventaire : Glace à l'Ennemi,
Potion Miracle du Bon Dr Magouille (x6),
Lait de Poule Miracle du Bon Dr Magouille (x3),
Tequila Magouillita (x3),
Manuel du Bon Petit Vétérimage
Sujet: Re: We don't need no education ! Mer 19 Juil 2017 - 0:23
Sur la place Magnus Maximus Magouille, l'ambiance était ce qu'on pouvait appeler "au beau fixe". Enfin non, pas vraiment. Ça n'avait rien de fixe, vu l'agitation qui y régnait, les balais qui fusaient dans le ciel, les explosions dans le ciel et les bâtiments, les chauve-souris diurnes géantes.. Et ça n'était pas non plus beau à voir du coup.
Mais pour Titus Reynolds, qui après presque quatre ans passés dans cet asile de dégénérés en tout genre, qui aurait fait passer la section psychiatrique de Ste Mangouste pour la kermesse annuelle de Pré-Au-Lard, était largement immunisé aux débordements en tout genre, ben l'ambiance était au beau-fixe.
A vrai dire ça n'avait rien à voir avec la rentrée universitaire en elle-même. Le cowboy se tenait assis sur un tabouret de fortune derrière un stand qu'il tenait, et composé de deux poutres mitées soutenant un panneau à l'inscription encore dégoulinante de peinture, d'un cordon pour délimiter une file d'attente inexistante, et d'une planche faisant office de table et sur laquelle le yankee avait négligemment posé ses grolles.
Le soleil qui cognait dur en ce matin de fin d'été lui vrillait le crâne. Il avait beau avoir vécu dans le désert, deux heures à cuire comme un tacos sur un grill, ça commençait à lui coller la migraine. Aussi avait-il enfoncé un vieux stetson sur sa tête et qui lui descendait à présent à mi-front, le sommeil et l'ennui prenant petit à petit le dessus.
De toutes façons y a pas un fléreur dans le coin, songeait-il. Enfin si, y a un paquet de monde. Ils sont juste pas là pour voir mon stand.
Il grommela dans sa transe virant à la sieste prématurée, fermant peu à peu les yeux tant l'ennui le gagnait :
-Rien à foutre de ces glands.. Pas b'soin d'eux de toutes façons... Un partenaire ça me suffit...
-Heuu, salut ?
Titus sursauta, et manqua de tomber de son tabouret en voulant prendre l'air de celui que rien n'avait surpris. Il fallait quand même qu'il pense à son image de marque.
Le ricain se redressa et vira le galurin qui était juché sur sa tête, reprenant contenance.
-Salut l'ami ! Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? lança-t-il en se parant du sourire le plus naturel qu'il pouvait produire.
Le type, un étudiant binoclard au regard un peu perdu, visiblement nouveau, jetait un oeil perplexe au stand de Titus.
-J'aurais voulu savoir si tu pouvais me renseigner.. Je suis bien dans l'allée de présentation des activités de la fac, c'est ça ?
Le yankee tendit les bras et d'un geste ample désigna le reste de la Place :
-Les clubs, les fraternités, toutes les opportunités intéressantes de cette université sont là. Tout dépend de ce que tu cherches, bien sûr.
Puis il se pencha vers son interlocuteur, et sur le ton de la confidence lui glissa :
-Mais entre nous, ce que je propose, c'est le dessus du panier. Tout le monde ne peut pas se targuer de faire partie de mon équipée, tu vois. Faut dire que je laisse pas entrer n'importe qui !
-Je.. je comprend bien, fit le nouveau, intrigué. Mais... heu en fait non, je saisis pas bien. C'est quoi ton activité exactement ?
Le cowboy lui désigna une pile de prospectus. L'étudiant prit un des flyers animés par les soins du cowboy qui avait passé la nuit précédente à préparer son emplacement. Il porta la brochure ensorcelée à hauteur d'yeux et une sorte de clone miniature d'Humphrey Bogart jaillit du papier glacé, animé par saccades et lui lança d'une voix rauque :
-"De l'action, des sensations fortes, des honoraires dignes d'un nabab.. Toi ! Oui, TOI ! Que dirais-tu de t'en laisser pousser une paire et de devenir un défenseur des opprimés, des fléreurs paumés dans les arbres et des taulières trompés par leur régulier ? Un héros quoi ?!.."
Le mini privé en stop motion se colla une clope dans le bec et en souffla la fumée à la figure de l'étudiant qui fut pris d'une quinte de toux, avant de poursuivre :
-.."N'hésite pas à venir nous voir chez Traqueurs Associés, la seule et unique agence de détectives de la WoW !!"
Le nouveau se racla la gorge, manquant de s'étouffer et leva les yeux vers Titus qui ouvrit grand les bras, et le regarda avec un sourire qu'il voulait engageant :
-Franchement, j'ai pas besoin d'en rajouter, non ? Alors t'en dis quoi, hombre ?
Le nouveau-venu cligna des yeux, visiblement perplexe. On pouvait voir derrière ses arcades sourcilières, ses méninges carburer dare dare.
-Mais... finit-il par dire, se décidant à reprendre la parole, ça concerne ni les clubs, ni les cours, ni les fraternités, ton stand..
-Nope, fit Titus en secouant la tête sans se départir de son sourire.
-...c'est un spot de recrutement..
-..pour la meilleure, la seule agence de détectives privés digne de ce nom dans ce campus !
-..tu veux dire la seule agence tout court, non ? répliqua l'étudiant dubitatif.
Le sourcil du cowboy tressailli légèrement.
-..Ouais. Si tu veux.
-Et j'ai entendu dire qu'il y a avait un Bureau de Magipolice dans un des quartiers de la fac...
-Ouais. Et ?
-Et bien, fit l'étudiant après un moment d'hésitation, ton affaire c'est vraiment.. utile ?
Titus secoua la tête en croisant les bras :
-Tu sais que les magipoliciers sont sur le campus, mais est-ce que t'as au moins une idée du genre de spécimens qu'on se coltine ?
Sans laisser à son interlocuteur de répondre, le ricain enchaina :
-Une bande margoulins mous du genou infoutus de se remuer le derche pour aller chopper un nid de doxys dans un putain de grenier.
-Je...
-Des débiles accros aux donuts et au whisky, dont les principaux loisirs se résument à mâcher et avaler !!
-Ok ok, je vois, fit le nouveau en reculant brusquement devant l’énervement du cowboy. Tu proposes des services et des agents plus...compétents je comprend.
-Un peu, ouais, fit Titus en se rallument une clope sur les braises de la précédente.
-C'est...super. Mais tu vois je suis pas sûr que..
-Quoi ?
-Et bien, je suis juste venu m'inscrire dans une fraternité.. Je suis en fac d'arts tu comprend et...
Le yankee exhale sa fumée en soupirant, dépité. Il comprenait, oui.
-Les gonzes que tu cherches c'est les Lambda Omega Lambda. Il sont juste au pied de la Fontaine, là-bas en train de ... de... performer un truc d'art moderne je suppose. Tu peux pas les rater.
Visiblement soulagé d'être libéré du stand du cowboy détective, le type recula précipitamment en bredouillant un vague "merci" et disparut sans demander son reste.Ça rate jamais, songea Titus, tout le monde s'en tape le coquillard de ce que je fais..
Tandis que le gars s'éloignait vers d'autres horizons, Titus se rassit sur son tabouret de guingois, prostré. Il ne regrettait pas une seconde sa decision, il y avait de cela plus d'un an. Dès les premiers jours où il avait posé les pieds à la WoW, il avait senti que quelque chose lui manquait dans sa vie. L'ennui omnipresent, qui le guettait au moindre moment perdu, à la fin des cours ou après une bonne murge, ne le lâchait jamais. Pas collé à lui comme de la glue, non, c'était plus vicelard que ça. Il lui lâchait la bride un moment, en lui faisant croire que son existence merdique avait un but, pour finalement revenir lui mordre les arpions, au moment où il s'y attendait le moins.
Mais ça, cette petite affaire qu'il avait ouverte, en début d'année précédente, ça l'avait sauvé de cet ennui profound et morbide, sauvé de la gnôle, d'une vie morne et engluée. Si tout n'était pas toujours pour le mieux, il se sentait en paix, moins en petard et parfois heureux, pour de vrai.
Seulement voilà, cette année il avait espéré recruter en masse. Ou un peu, à limite.. Certains problèmes rencontrés en chemin lui laissaient penser que les mois à suivre n'allaient pas être de tout repos. Surtout après ce qu'il avait vu l'autre soir, dans cette impasse de Midnight Crescent. Bref du renfort ne serait pas de refus. Et jusque là, les candidats potentiels ne faisaient pas rêver. Quand bien sûr il avait suffisamment de bol pour en voir débarquer à son stand. Comme ces trois filles qui s'approchaient de sa pancarte en gloussant.
Titus se redressa immédiatement.
-Hello les miss ! Est-ce que je peux vous renseign-
Les trois étudiantes passèrent devant sans lui accorder un regard, poursuivant leur chemin vers un autre stand, plus cossu. A l'accueil du stand, une jeune homme blond s'était assoupi, visiblement pas très motivé par sa mission qui semblait l'ennuyer à mourir. Les trois filles lui jetèrent des oeillades pas très furtives et piqué au vif, Titus ramassa un caillou et le balança adroitement sur la pile de prospectus devant le sorcier :
-HE LESTRANGE !! T'AS DE LA VISITE !!!
Sans s'attarder sur la réaction de son pote, il remit de l'ordre dans la maigre paperasse qu'il avait rassemblée à son stand, sortit une plume froissée et un encrier avant de se remettre au travail, rayant des noms de recrues potentielles d'une longue liste, levant juste les yeux de temps en temps, des fois que LA perle rare débarquerait enfin..