Drago shoota dans un caillou qui partit droit sur un hibou blanc qui hululait en rythme avec une musique venue de nulle part, perché sur la volière d'un jardinet de Mysteria Lane. Le malheureux volatile poussa un cri et tomba à la renverse. Cela ne fit même pas sourire Drago, qui était d'une humeur exécrable.

Il avait passé une bonne partie de son cours à essayer d'oublier l'humiliation en place publique que le chef des Alphas lui avait fait subir :

-Je suis Archiwald de Gnagnagna, de gnagna, de gnagna, de gnagnagnagnagna ! singea-t-il, ses yeux lançant des éclairs. Je suis chef des Gnagnagnas !

Il shoota dans un deuxième caillou, qui fonça droit sur le même hibou qui se remettait à peine de ses émotions et qui retomba une deuxième fois de son perchoir. Drago fit la moue : comment cet horrible personnage avait-il osé s'en prendre à lui de la sorte ?! Ce n'était pas parce qu'il provenait de la famille royale, cette bande de dégénérés illégitimes qu'il allait se prosterner devant lui ! Il allait le regretter, foi de Malefoy !

Il n'était pas loin de 18heures. Cela faisait bien une heure que Drago ruminait.

Le cours de Droit Pénal Sorcier avait heureusement fini plus tôt que prévu et il n'avait pas eu à supporter plus que de raison les regards hautains de ce prétentieux Archiwald. Drago ne put s'empêcher d'esquisser un sourire mesquin en se souvenant de la fin du cours...

Maître Sancoeur, qui n'en finissait pas de commenter une loi sans queue ni tête, avait remarqué que l'attention de ses élèves n'était plus au beau fixe :

-Et bien, et bien, chers étudiants, on lambine ?

Il avait recraché sa chique avec mauvaise humeur :

-Le droit ne vous intéresse peut-être pas ? Vous n'avez que faire de la justice ?

Il s'était levé et était parti inspecter les notes d'un étudiant qui s'était mis à transpirer à chaude gouttes :

-Mmh... ce n'est pas avec ces gribouillages que vous aurez vos P.I.A.F.S, jeune homme... , fit-il avant de s'adresser à la classe. Croyez-moi, chers élèves, vous verrez avec le temps que le droit n'est pas aussi ennuyeux que vous le croyez !

Devant l'air bovin de l'assistance, il haussa le ton :

-Vous savez, le droit peut-être trépidant, le droit peut être inquiétant ! Et comme pour moi, le droit... vous changera la vie !

Brusquement sous les yeux de la classe , il bondit sur son estrade et se mit à danser frénétiquement sur une musique endiablée, alors que deux étudiantes à lunettes très coincées le rejoignaient :


Essoufflé et honteux, le malheureux maître Sancoeur avait regardé ses élèves hilares. Puis il avait crié :

-Le cours est terminé pour aujourd'hui ! Sortez de ma classe, jeunes vermines !

Les étudiants ne s'étaient pas faits prier.

Aussi Drago s'était-il retrouvé avec une bonne portion de son après-midi libre. Il en avait profité pour aller vérifier que son ami Marcus n'était pas trop en mauvaise posture. En allant dans l'impasse du Bizut pourfendu, il était passé devant deux Insuffisants qui tentaient de remettre en place la porte du cabanon fait de bric et de broc de leur fraternité.

Il n'avait pas résisté à l'envie de les "aider" un peu et avait agité discrètement sa baguette : les deux malheureux s'étaient aussitôt fait ensevelir sous les planches et la paille.

Le blondinet avait levé les yeux au ciel :

-Dieu qu'ils sont stupides...

Il avait fini par arriver devant le blockhaus des PAF et avait tiré une oreille à rallonge de sa poche, qu'il avait fait passer par l'un des barreaux. Au lieu d'entendre les bruits de coups et les cris qu'il attendait, Drago avait ouvert des yeux ronds en entendant les brutes s'esclaffer en découvrant les vertus d'une crème au bubobulb . Il en avait déduit que Marcus avait, encore une fois, sut tourner la situation à son avantage et s'était mis en chemin vers chez lui.

Il aurait pu transplaner.

Mais au vu de quelques étudiants qui se fracassaient la tête contre les arbres ou atterrissaient dans la rivière sous les yeux ravis du Kelpy qui l'habitait, il ne valait mieux pas abuser de ce pouvoir par les temps qui couraient. Il n'avait pas la moindre idée de comment lui et Marcus allaient démêler le mystère de ce sortilège dansant. Il devait bien avouer qu'il appréciait de voir ses congénères boiter comme des demeurés à travers le campus, ou se ridiculiser en public avec leurs voix de crécelles. Drago, lui n'avait pas grand chose à craindre de tout ça. Après tout, il avait pris dès son plus jeune âge des cours de chant chez Le Callas, le plus grand Ténor du siècle et son goût en musique était des plus raffinés. Il n'était pas du genre à se trémousser sur un boogie woogie de bas étage, lui.

Le seul défaut de ce sort, c'est qu'il avait tendance à lui faire dire tout haut ce qu'il valait mieux qu'il taise. Après tout, il avait eu une éducation parfaite et s'épancher à tout va n'en faisait certainement pas partie. La meilleure chose à faire, en attendant que Marcus sorte de son blockhaus, était de rentrer auprès de sa future femme.

Il grimaça.

Devait-il vraiment rentrer à la minute ? Après tout, il était libre de ses mouvements. Et il avait bien le droit de continuer à se balader dans le quartier résidentiel tout en rêvassant ! Après tout, il ne faisait rien de mal.

Il passa sur un petit pont de bois qui enjambait la rivière, les mains dans les poches.

Oui, il n'y avait rien de mal à rêvasser. Et ce n'était certainement pas sa faute si la rencontre qu'il avait faite au restaurant universitaire plus tôt ce jour repassait en boucle dans sa tête. Ni si quelque chose en lui lui murmurait des choses aussi répréhensibles que délicieuses. Après tout, il ne contrôlait pas ses pensées.
Il commençait même à se dire qu'en fait, tant qu'il se mariait avec Mylénie, ses parents n'iraient certainement pas chercher ce qu'il y avait dans sa tête. Après tout, pour eux, tout était désormais dans une pensine. Et même si sa chère et tendre le surveillait comme une potion sur le feu, elle ne pouvait pas être sur son dos en permanence. Elle baisserait forcément sa garde à un moment ou à un autre.

Drago sourit.

Oui, son cerveau était libre. Et il comptait bien s'en servir pour parvenir à ses fins. Et tant pis si ça n'était pas moralement correct. Il ne portait pas son nom pour rien. Enfin... encore fallait-il que Malicia soit réceptive. Après tout, c'était son ex, quelque chose en elle devait forcément encore avoir un faible pour lui. Il fallait qu'il en sache plus sur elle. Si seulement il...

Drago stoppa.

Il venait de passer devant une maisonnette jaune qui lui semblait, il ne savait pas pourquoi, familière.
Il rebroussa chemin, remonta la petite allée qui menait jusqu'à l'habitation et sourit en regardant la plaque dorée sur la porte :

-Malicia McGuire... lut-il, très satisfait de sa trouvaille.

Il regarda autour de lui et jeta un coup d'œil par la fenêtre. Il recula et regarda à l'étage. L'endroit semblait vide.

Drago croisa les bras en considérant la construction. Il n'allait quand même pas oser ?

-Oh, au diable le protocole et la bienséance ! s'exclama-t-il en sortant sa baguette. Alohomora !

Il ouvrit la porte et fit quelque pas à l'intérieur. Un fléreur vint se frotter à ses jambes et il le chassa en soupirant.

Le salon, coquet, avait des murs jaunes pâles couverts de cadres pleins de bons souvenirs et de bibliothèques remplies de livres épais. Les lieux étaient confortables, chaleureux et bien plus plaisants que le musée de poupées de porcelaine sordide que Mylénie avait fait de son loft.

Au milieu se dressait un canapé moelleux recouvert de gros coussins. A ses pieds gisait une poubelle dans laquelle une tonne de mouchoirs en papiers pleins de larmes avaient été jetés ainsi que le livre "Les sorciers viennent de Mars, les sorcières viennent de Vénus", sur lequel il reconnu sa propre écriture : "Mali, grâce à ce merveilleux ouvrage, je gage que tu arriveras à mieux comprendre le parfait mystère masculin que je suis".

Sous l'œil aimable d'une chouette rose qui, installée sur le rebord de la cheminée de la pièce, entre un bouquet de coquelicots et un tas de magazines féminins, battit des ailes comme si elle le reconnaissait, Drago s'attarda sur les photos, sur lesquelles on pouvait notamment voir la mère de Malicia faire des coucous à sa fille à côté d'un Père à l'air revêche, le visage du frère de Malicia émerger d'un nuage de fumée et sourire en se mettant à chanter, et Rincevent en train de faire la folle sur son balai. Nulle trace de lui. Cependant, il ne put s'empêcher de remarquer que certaines photos des cadres avaient été soigneusement déchirées pour ne laisser que Marcus, Rincevent et la métisse.

Il quitta le salon, jeta un œil dans la cuisine où un plateau de cookies à la nougatine embaumait la pièce, et monta à l'étage. Il parvint à une chambre un peu en désordre où trônait un lit douillet.

Drago s'y assit et considéra un instant la pièce. Il remarqua un flacon de parfum à la fraise, le sentit et sourit en le mettant dans la poche intérieure de son veston. Il avait bien le droit d'emporter avec lui un petit quelque chose. Après tout, il en avait fini avec son passé de kleptomanie et cela ne lui relancerait pas ses vieux démons.

Il ouvrit une commode... et ne put s'empêcher d'y prendre aussi quelque chose. Quel mal y avait-il à se confectionner des souvenirs ? Après ce qu'il avait vécu ce matin, ce n'était que justice.

Il continua sa visite, fouillant partout et prenant par-ci par là des objets.

-Ça, c'est pour moi, ça aussi... oh et ça aussi....

Il regarda à l'intérieur de la bourse dans laquelle il avait mis son butin. Il avait peut-être un peu exagéré... Qu'importe ! Pas vu pas pris !

Brusquement il sursauta : à l'étage inférieur la porte venait de s'ouvrir :

-On s'appelle demain, Curie pour voir où on en est de notre lecture ! fit la voix de Malicia. Courage, on va trouver une solution !

Drago entendit des pas dans l'escalier... et ouvrit des yeux paniqués.

Malicia monta précipitamment les escaliers et balança ses affaires sur son lit avant de se laisser tomber de tout son long sur le matelas. Son fléreur bondit à côté d'elle et vint lui réclamer des câlins:

-Aaaah, Schrödingus, je n'en peux plus, si tu savais : quelle journée ! On n'est pas près de résoudre ce sortilège, je te le dis...

-Mraow ? fit le félin noir en comprenant avec dépit qu'il n'aurait pas ce qu'il voulait.

La métisse se redressa et ôta ses talons, non sans difficulté :

-Je sens plus mes pieds ! On devrait interdire ces instruments de torture...

Elle désigna sa robe et essaya de l'enlever :

-Et cette chose-là, c'est une horreur ! J'ai l'impression de pas avoir respiré de la journée !

Après avoir roulé dans tous les sens, sous le regard amusé de Schrödingus, Malicia parvint à s'extirper de son habit et ôta son soutien-gorge:

-Bon, ben, je vais me mettre en pyjama, et essayer de lire ce grimoire...commença-t-elle. Enfin... si Amalia et Pansy m'ont laissé quelque chose de confortable dans la penderie...

Elle se dirigea vers une grande armoire qui trônait dans la chambre et l'ouvrit.

Elle sursauta en voyant ce qui se trouvait à l'intérieur :

-AAAAAAAAAAH !!!

Drago ouvrit des yeux ronds :

-Je... euh... Bonsoir ? bredouilla ce dernier.

-AAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!! FERME LES YEUX !!!

Le blondinet pencha la tête sur le côté, visiblement ravi de ce qu'il voyait :

-Est-ce vraiment nécessaire ?

- FERME LES YEUX !!!!!!

-D'accord !

Drago s'exécuta à regret.

-C'est bon ! fit Malicia au bout d'un moment.

Le blondinet ouvrit les yeux. La métisse le regardait avec mauvaise humeur, emberlificotée à la va-vite dans un peignoir. Drago sembla mal à l'aise :

-Belle soirée n'est-ce pas ? fit-il, un peu hésitant.

Malicia plissa les yeux :

-Qu'est-ce que tu fabriques ici ?

Sous le regard incrédule de cette dernière, Drago bafouilla :

-Je passais dans le quartier et...

Il leva les yeux au ciel :

-Oh, fort bien, je voulais te revoir et...

-Et donc, le coupa Malicia, tu es entré chez moi sans permission et tu t'es caché dans mon armoire ?

Drago croisa les bras et détourna la tête :

-Tu dis ça comme si j'étais une sorte de pervers, mais j'avais des raisons parfaitement légitimes !

-Lesquelles ?

-Inutile de ressasser le passé ! s'écria le blondinet, mal à l'aise.

Le silence retomba. Soudain Drago s'emballa :

-Oh et puis allons-y, s'il le faut ! s'écria-t-il avant de la pointer du doigt. Si je suis ici, c'est de ta faute !

Malicia ouvrit des yeux outrés :

-Ma faute ?!

-Exactement ! renchérit le blondinet. A-t-on seulement idée de s'habiller comme ça !

-Mais je m'habilles comme je veux ! cria la métisse.

-Et je t'encourage vivement à continuer sur cette voie, ça te va à ravir ! bredouilla Drago.

Après l'avoir regardé quelques secondes avec ahurissement, Malicia tourna les talons :

-Sors d'ici, Drago.

-Non attends !

La métisse se retourna.

-Peux-t-on se revoir ?

-Non, mais dites moi que c'est pas vrai ! s'écria Malicia en tapant du pied.

Une lueur d'incertitude passa furtivement dans ses yeux :

-Si t'étais encore amoureux de moi, pourquoi tu m'as quittée ? demanda-t-elle.

Le blondinet ouvrit des yeux ronds quelques secondes et eut un petit rire :

-...Amoureux ? Moi ? fit-il, à moitié hilare avant de se reprendre. Enfin, oui, d'accord si ça te fait plaisir ! On peux se revoir ?

Des larmes montèrent aux yeux de Malicia qui quitta la chambre. Elle descendit quatre à quatre les escaliers et se laissa tomber sur son canapé pleins de coussins. Drago la rejoignit dans le salon et la regarda sans comprendre :

-Tu es fâchée ?

-SORS D'ICI !

Le blondinet fit quelques pas vers elle et s'agenouilla à côté d'elle :

-J'avoue ne pas vraiment comprendre ce qui te vexes. Les gens ne tombent pas amoureux si facilement, tu sais.

Malicia renifla, releva la tête de son coussin et le regarda droit dans les yeux avec dépit.

-Je veux dire, il faut du temps, je pense. Continua à disserter le blondinet en levant les yeux au ciel. Et je suis quelqu'un d'extrêmement difficile. Il me faut plus qu'un physique, il me faut... de la personnalité. Et soyons honnêtes, il est terriblement difficile de trouver tout cela en même temps chez une personne !

Drago émit un petit rire méprisant :

-Il n'y a qu'à voir ma fiancée. Elle est ravissante, mais honnêtement, tous ceux qui la connaissent savent qu'elle n'est en excellence sorcière que parce que sa tante en est professeur. Elle n'en sortira major que parce que cette dernière lui donne toutes les réponses par légilimancie... Enfin pour en revenir à toi, je doutes très fortement que tu...ARG !

La métisse le saisit par le col de sa chemise et dit d'une voix déformée par la colère :

-Ecoute-moi bien, sale petit blondinet méprisant. J'ai eu mes ASPICS à 16 ans. A 6 ans, je faisais les devoirs de mon grand frère et il a été premier de sa promotion six fois consécutives. Ca veut dire que je vais beaucoup, beaucoup plus vite que toi, qui pensais que les nombres d'expression fractallaires à 3 inconnues existaient. Non seulement, ils n'existent pas, mais je t'ai dit que c'était possible simplement pour que tu ne te sentes pas trop mal. Je ne me suis jamais vantée d'être intelligente, j'ai toujours cherché à aider les autres quand toi tu as toujours essayé de les écrabouiller. Tu es prétentieux, tu es méchant, tu es pathétique. Je te connais mieux que ma poche et tu sais pourquoi ? Je t'ai écouté tous les jours te plaindre de moi et des autres pendant une année entière, et j'estime que j'ai été suffisamment patiente. Tu n'as même pas eu la décence de me laisser vivre en paix alors que tu m'as abandonnée comme un elfe de maison sur le bord de la route et je n'aurai de cesse de te faire payer tout ça jusqu'au dernier jour de ta vie. Et crois-moi tu vas souffrir. Beaucoup. Tous les jours.

Drago fixait les lèvres de Malicia avec un air étrange. Finalement, il lâcha avec un léger sourire :

-Oh, il faut qu'on se revoit. Et vite.

Malicia geignit, ulcérée. Elle repoussa le blondinet et partit à l'autre bout du salon en s'écriant :

-Aaaah ! Mais je rêve !!!

Soudain une musique s'éleva de nulle part et elle se retourna :

-Oh, non pitié... Pas maintenant, pas du disco...

Drago haussa les épaules en dodelinant de la tête. Il lui tendit la main :

-Je trouves que ça ne manque pas de rythme. Accepterais-tu cette danse ?


Malicia et Drago finirent dans les bras l'un de l'autre. Brusquement,cette dernière s'écria :

-Ohmondieuohmondieuohmondieu, mais qu'est-ce qu'on fais ?!

La métisse se dégagea, un peu honteuse. Elle secoua la tête :

-Tout ça, c'est une erreur, une grosse erreur. fit-elle en lui tournant le dos.

Le blondinet haussa les épaules :

-Les erreurs, il n'y a rien de plus commun. badina-t-il en se rapprochant. C'est pour ça que le sort d'Oubliettes existe.

Malicia lui fit face :

-Tu as fait un choix. Et je n'en fais pas partie. Sors, s'il-te-plaît.

Drago la fixa un moment. Finalement, il soupira :

-Fort bien.

Il sortit de la maison en levant les yeux au ciel :

-Fichtre ! Les femmes sont d'un compliqué...


Note de l'admin :
:arrow: Drago part ICI

A peine Drago était-il parti que quelqu'un frappa à la porte.
Malicia, qui s'était laissée tomber sur son canapé moelleux et essayait de retrouver comme elle le pouvait son calme,  leva les yeux au ciel. C'était officiel, la situation devenait vraiment insupportable. Elle savait que le blondinet était souvent d'un entêtement qui frôlait la maladie mentale, mais là, il dépassait vraiment les bornes.

-Je rêve, il n'abandonne jamais ! s'énerva-t-elle.

Elle se rua sur sa porte et l'ouvrit d'un geste brusque :

-Ça suffit maintenant, Drago ! Il faut que tu...

Elle évita de justesse un éclair violet et ouvrit des yeux affolés : la personne qui se tenait en face d'elle n'était pas Drago, mais sa fiancée. Mylénie la fusillait de ses deux énormes yeux bleus, elle la pointa de sa baguette, qu'elle tenait d'une main tremblante de rage. Il n'était guère besoin d'être un génie pour comprendre pourquoi elle était là, et ce qu'elle voulait faire :

-5 ans ! siffla-t-elle.

Malicia recula alors que l'assaillante entrait, résolue dans sa maison :

-Qu.. quoi ? bégaya-t-elle, en jetant un coup d’œil affolé à la recherche de sa baguette.

-J'ai été promise à Drago à 5 ans ! s'écria Mylénie.

La métisse repéra sa baguette qui trônait sur un guéridon du salon et entreprit de se diriger lentement vers elle, tout en ne lâchant pas la furie des yeux.

-Toute ma vie, on m'a dit que je serai sa femme ! hurla cette dernière. J'ai été éduquée dans cette optique, j'ai compté chaque jour en attendant ce moment ! Il était à moi ! Et tu me l'as volé !

Elle releva la tête, pleine de mépris et soupira :

-Mais je sais désormais quoi faire pour le récupérer.

Elle visa Malicia et cria :

-CRACBADABOUM !!!

Malicia fut violemment projetée contre le mur de la pièce et elle tomba tête la première contre le sol.
Elle poussa un cri de douleur et porta sa main à sa tête. Un petit filet de sang coulait le long de sa joue.
Elle tenta de reprendre ses esprits mais elle était trop sonnée pour se relever.

-Et bien, ce fut plus facile que ce que je pensais ! ricana Mylénie, qui remettait de l'ordre dans sa robe en soie noire. On se demande vraiment comment tu as pu réussir à entrer en excellence sorcière.

Malicia détourna la tête. Peu à peu sa vue embuée s'éclaircit : sa baguette avait également été propulsée et se trouvait à portée de sa main. La blonde, qui n'avait rien remarqué, reprit avec une lueur cruelle dans les yeux :

-Enfin, si tu ne comptes même pas te défendre, c'est à l'évidence que tu te sens coupable.  C'est ce que je dis toujours à Miss Charlotte, ma poupée favorite. Il ne faut se rebeller quand on a été vilaine. Et les filles dans ton genre doivent être punies.

Elle pointa à nouveau sa baguette sur son ennemie. Mais avant qu'elle ne prononce quoi que ce soit, Malicia saisit sa baguette, la visa elle aussi et cria :

-Oppugno !

Malicia McGuire a effectué 1 lancé(s) d'un (Dé de duel.) :

3

Mylénie ouvrit des yeux outrés :

-Comment oses-tu ? fit-elle.

Elle s'écria, hors d'elle :

-DIFFINDO !

Darius Lestrange a effectué 1 lancé(s) d'un (Dé de duel.) :

10

Malicia avait mal partout et c'était sans doute pour cela que son sort avait lamentablement échoué. Par contre celui de Mylénie n'eut aucun mal à l'atteindre et lui fit des petites coupures partout sur les bras. La métisse ouvrit des yeux affolés :

-Ohmondieuohmondieuohmondieu...murmura-t-elle.

Elle se releva avec difficulté :

-Je suis désolée que tu sois si fâchée, mais ton histoire, je n'y suis pour rien ! se défendit-elle. Je n'étais au courant de rien et Drago est toujours à toi !

-Vraiment ?! siffla Mylénie. Alors que faisait-il chez toi ? Et pourquoi étais-tu dans cette tenue ?

Elle visa Malicia et cette dernière préféra réagir en premier :

-LOCOMOTOR MORTIS !!!

Malicia McGuire a effectué 1 lancé(s) d'un (Dé de duel.) :

1

Mylénie hurla en même temps que la métisse :

-LEVICORPUS !!!

Darius Lestrange a effectué 1 lancé(s) d'un (Dé de duel.) :

8

Le sort de Malicia paralysa l'aile de sa chouette qui, paniquée, volait au plafond et s'abattit sur le sol.
A sa grande horreur, la malheureuse jeune fille se retrouva suspendue les jambes en l'air, à la merci de son ennemie qui éclata de rire :

-De toute ma vie, je n'ai eu d’adversaire aussi pathétique ! C'est si follement amusant que j'en oublierai presque pourquoi je t'en veux !

Son regard se durcit brutalement :

-Ou pas.

Elle agita sa baguette dans les airs. Aussitôt, Malicia fut projetée dans tous les sens, contre un mur, puis contre un autre en hurlant de terreur et de douleur. Sous les coups, Malicia lâcha sa baguette et poussa un cri strident, les yeux pleins de larmes :

-A L'AIDE !!!

-Crie autant que tu veux ! siffla son adversaire, le regard froid. Personne ne viendra te sauver !

Mylénie exultait :

-Personne ne viendra te sauver ! Tout le monde se fiche de toi, pauvre fille pathéti...

BOOM.

Le coup fut aussi brutal que soudain. L'aristocrate fut projetée en arrière, et Mali, qui n'était plus sous le coup du sortilège de cette dernière, tomba sur le sol de son salon en glapissant.

La jolie blonde se redressa avec peine. Une violente douleur pulsait dans sa mâchoire. Elle porta sa main à son visage, et lorsqu'elle l'en ressortit, elle réalisa avec une horreur mêlée d'incompréhension qu'elle était rouge de sang, et qu'une petite dent blanche comme de la porcelaine trônait au milieu de la paume.

-Mais qu'effe-que...

Elle leva la tête juste à temps pour voir la batte de Lucrécya filer à toute vitesse vers elle.

Le coup fut encore plus précis que le premier. La jeune fille valsa à travers la porte d'entrée, qui était restée ouverte. Elle geignit tel un enfant, et des larmes lui montèrent aux yeux.

Lulu la rejoignit en deux enjambées. Sous l’œil éteint de Saleté de Bourrique, Mylénie se débattit, en gémissant. Elle voulut attraper sa baguette, mais sa main tremblait tant qu'elle ne put rien faire.

-Comment offes-tu... commença-t-elle.

-Comme ça.

Lucrécya leva une troisième fois Séraphine, et asséna un coup de massue sur le crâne de Vilénie, qui sombra dans l'inconscience.

-La prochaine fois que tu t'attaques à ma meilleure amie, je me retiendrai pas, siffla la batteuse, les yeux scintillants de colère.

La petite batteuse tourna les talons, et rentra dans la petite maison jaune à toute vitesse. Elle se rua sur Malicia et la prit dans ses bras.

-Crénom d'un balai ! Ça va ?

La métisse ne lui répondit rien, et pour cause : elle était aussi inconsciente que la blondasse qui l'avait attaquée.
Le boursouflet de Lulu descendit de l'épaule de cette dernière, où il restait constamment, et vint chatouiller le nez de Malicia. Mais la Zeta n'eut aucune réaction.

-Bordel ! jura l'Alpha.

Elle sortit son miroir à double sens et le posta devant son visage :

-Comment il s'appelle déjà l'étudiant en médicomagie ? Rhum Machin... Rhaaa essaye de te souvenir !

Elle fronça les yeux, puis les ouvrit soudain, sous le coup d'une illumination :

-OM RAJESH KAPOOR ! JE VEUX PARLER A OM RAJESH KAPOOR !

-Vois-tu ma douce amie, dès notre rencontre, j'ai senti comme un courant d'énergie karmique nous unir... Comme si, par la grâce de Shiva nous nous connaissions depuis sept générations. Ne vois-tu pas que notre destinée était toute tracée ? Aimons-nous !!! Unissons-nous, mon adorée !!! Je ne puis souffrir plus longtemps de vivre loin de toi !!!

Le petit écureuil auquel Om Rajesh Kapoor déclamait sa poignante sérénade l'observait d'un œil indifférent, en grignotant un morceau de noix. Un bruit soudain le fit vivement tourner la tête, et il disparut dans les fourrés. Le jeune indien qui était accroupi sur un carré d'herbe de Mysteria Lane, non loin de son immeuble, demeura interdit, comme figé sur place.

Soudain, il se leva avec une étrange agilité et partit dans le parc en sautillant, longeant l'immeuble où se trouvait son appartement, tentant de temps en temps une cabriole plus ou moins réussie. S'allongeant dans un des bosquets du petit parc, Om observa les contours de sa main dressée vers le ciel, en riant bêtement.

Ma main... Elle brille de mille feux ! C'est comme un ballet de papillons luminescents s'envolant vers le firmament, vers une sérénité cosmique... Sauf que c'est ma main.
Tiens, les farfadets à tête de gnous ont quitté les lieux... Moi qui pensait qu'ils ne me laisseraient jamais en paix ! Ils étaient tous là à m'observer, ils me voulaient pour leur souverain, moi !!! J'aurai été bon envers mes sujets farfadets.

Du moins, au début...

Jamais je ne me suis senti aussi... libéré ! Je me sens relié à l'univers tout entier !!! Quelle idée lumineuse que d'avoir "séché" mon cours de désaccoutumance au sérum, comme disent les anglais ! Après tout, je n'en avais pas tant besoin que ça...Tout est enfin devenu limpide...

Om sourit à cette idée, en pleine béatitude. Une sensation de vibration vint mettre fin à sa "méditation" hébétée : il regarda avec stupeur et amusement la poche de son manteau, d'où émanait les secousses. Cette dernière émettait en prime un clignotement lumineux, ce qui fit pouffer le jeune indien qui la fouilla avant d'en extraire un miroir au cadre bariolé de motif sanskrits. Om s'adressa à l'objet magique aux couleurs chamarrés, sans se départir de son sourire béat :

-Ouiiii ? Namasteeeee...

-CRÉNOM D'UN BALAI, C'EST PAS TROP TÔT !!!! hurla Lucrécya de l'autre côté du miroir. CA FAIT UN QUART D'HEURE QUE J'T'APPELLE !!!

-Ooooh, Lucrécya Flint, mon amie meilleure d'entre toute ! Quelle joie !! Je suis béni de par ta présence merveilleuse encore une fois ! Es-tu prête pour notre petit rituel ? Tu verras, la magie hindou t'ouvriras des perspectives inouïes...

-Oh ferme-là un peu !!! On verra plus tard pour ton récital de prières débiles ! Mali s'est faite agresser ! Elle est inconsciente, et j'ai besoin d'un médicomage, D'URGENCE !!!

-Mais bien sûr, fit joyeusement Om sans s'émouvoir le moins du monde. Où mes pas doivent-ils me porter ?

-Gné ? Oh, heu... au 17, allée des saules charmeurs, magne-toi !!!

Le miroir magique cessa d'émettre.
Se redressant, Om brandit sa baguette vers la fenêtre de son appartement et s'écria :

-ACCIO QUICK BROOM MURUGAN !!!

La fenêtre se brisa lorsque le balai de Om jaillit hors du deux-pièces et se précipita vers son propriétaire en bas de l'immeuble : c'était un engin fabriqué de bric et de broc par un vendeur indépendant de Bombay, dont les brindilles longues et enchevêtrées lui donnaient un air bancal et peu maniable. Toutefois, l'indien l'enfourcha sans problème et décolla en un éclair dans le ciel étoilé.

Allée de saules charmeurs... C'est à l'autre bout de Mysteria Lane ! J'ai le temps de m'amuser un peu et de courser les étoiles filantes !

Prit d'un fou rire hystérique, Om Rajesh Kapoor partit en vrille et eut le temps d'effectuer tonneaux et loopings à gogo avant d'arriver à destination : au numéro 17, il découvrit avec bonheur une magnifique petite bâtisse jaune dont la porte était grande ouverte. Descendant habilement de son balai, le sorcier indien enjamba sans le voir le corps inanimé d'une jeune fille blonde, à moitié dissimulée dans un parterre de fleurs, pénétra dans la maison et se fit littéralement harponner par la poigne de Lucrécya qui le tira à l'intérieur, le projetant littéralement devant sa "patiente".

-Te voilà enfin ! Vite fais quelque chose ! Elle veut pas se réveiller !

Examinant la pauvre Mali dont le corps était recouvert d'ecchymoses, Om, dont les hallucinations dues à l'excès de sérum s'étaient un peu calmées suite à son bol d'air, en conclut que son état n'était pas spécialement préoccupant. Elle était juste groggy. Sortant précautionneusement sa baguette de sa poche, il exécuta avec celle-ci une série de gestes précis, tout en appliquant la paume de sa main sur le front de la métisse : une intense lumière blanche rayonna du bout de la baguette, puis plus rien.

-Aurais-tu l'extrême bonté de me procurer un linge propre imbibée d'eau, je te prie ? demanda-t-il à Lucrécya avec un sourire qu'il voulait avenant.

S'exécutant, la jeune sorcière attendit que Om éponge le visage de Malicia avant que celui-ci ne la rassure :

-Tout va pour le mieux, mon amie ! Elle n'a absolument rien de cassé, juste quelques contusions mineures ! Il lui faut un bon repos roboratif à présent !

Faisant léviter le corps de la sorcière jusqu'au canapé, il l'y déposa en douceur puis se tourna vers la batteuse en se frottant les mains :

-Parfait ! Maintenant qu'elle se repose, nous avons tout le temps qu'il nous faut pour accomplir notre devoir et retrouver ce vil fripon de Jasper ! Qu'en dis-tu ?

-Heuuu mouais... fit Lulu dubitative. Comment on va faire exactement ??

-Simplissime, consœur ! Assieds-toi en tailleur en face de moi, je te prie !

Voyant qu'elle obtempérait, Om s'assit à son tour et plaça ses deux mains contre le bas de son ventre, ouvertes et paumes vers le haut. Tachant de se concentrer, il ferma les yeux.


Om se figea dans une posture hindouiste, les mains jointes et sa baguette coincée entre elles, à la verticale. Se remettant difficilement de sa quinte de toux, Lucrécya tempêta :

-Non mais t'es malade !!! On chante hyper aigu dans tes chansons à la noix !!

Imperturbable, Om esquissa un sourire.

-Tu trouves ? Pour ma part, j'ai trouvé que cet intermède acoustique nous a rapproché et a renforcé nos liens d'amitiés !

La jeune sorcière le regarda fixement. Elle s'apprêtait à lui mettre sa batte dans la figure, lorsqu'une voix derrière elle retentit :

-Moi, j'ai adoré ! T'as un talent fou Lustucru !!

Se retournant d'un bloc, ils virent Malicia assise dans le canapé, en bien meilleure forme et un petit sourire sur son visage.

Lucrécya se précipita sur son amie :

-Ça va Mali ?

La métisse soupira, visiblement attristée par quelque chose, mais hocha la tête :

-Ça va mieux oui...

La batteuse posa son doigt sur son bras:

-T'as pas mal là ?

Malicia lui sourit :

-Non.

-Et là ?

-Non...

-Et là ?

-Je crois que je suis guérie, Lulu ! la coupa la métisse en rigolant.

Elle se tourna vers Om :

-Merci beaucoup de m'avoir soignée...

L'indien eut l'air ravi :

-C'est avec grand plaisir que j'ai pu expérimenter sur toi quelques techniques médicales qui n'étaient que théoriques jusqu'alors !

La métisse ouvrit des yeux ronds et se tourna vers Lulu, dans les bras de laquelle elle plongea :

-Et merci Lulu ! J'oses même pas imaginer ce qui se serait passé si tu n'étais pas arrivée !

-M'est avis que cette Vilénie, elle est un peu barge quand même... maugréa Lucrécya avant d'aller jeter un coup d’œil dans le jardin. Et... elle s'est barrée. Un de ses domestiques a sûrement dû venir la ramasser, elle et ses dents en moins !

L'Alpha partit d'un rire maléfique. Finalement, elle se tourna vers Om qui disposait à terre quelques objets magiques hindous qu'il avait tiré de sa besace :

-Bon, ben... c'est pas que j'ai vachement envie de le faire, mais va falloir qu'on se mette à ce sort !

Om acquiesça :

-Que Kali nous vienne en aide ! J'espère que nous le retrouverons rapidement !

Malicia se leva péniblement :

-Moi je vais aller dans ma chambre. annonça-t-elle. Je crois qu'un peu de repos ne sera pas de trop. J'en profiterai pour lire le grimoire que Mama Ogg m'a donné aujourd'hui. Selon elle, la solution à nos ennuis serait dedans...

-Bonne chance alors, que Shiva t'accompagne dans ta recherche de savoir ! fit Om en joignant ses mains dans une salutation respectueuse. Et merci de ton hospitalité !

-Ouais, ouais... fit Lulu en le tirant vers le milieu du salon. A plus Mali !

Malicia monta les escaliers lentement et partit s'allonger dans son lit.

Elle soupira à nouveau en regardant son armoire encore ouverte. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à la soirée qu'elle avait passé et cela la rendait terriblement triste. Un hibou se prit la vitre de sa fenêtre et cela la fit sortir de ses pensées. Elle se précipita à la fenêtre et dégagea le volatile de sa jardinière. Il portait un message, qu'elle ouvrit :

-"Lut. On a un gros problème : la formule était bien écrite au tableau en Magie Expérimentale, mais cette siphonnée de Griselda a tout effacé pour écrire un tas de conneries en écriture magique perpétuelle... Bref, on a pas la formule du sortilège. J'ose espérer que ça c'est mieux passé de votre côté, parce que là, on est pas sorti du sable. A plus." lut-elle.

Elle se mordit les lèvres : tout allait décidément de mal en pis. Mais il ne fallait pas se décourager pour autant.

La métisse saisit le grimoire de Mama Ogg et entama sa lecture :

-Formule ou pas formule, il doit bien y avoir là-dedans quelque chose pour nous sortir de ce pétrin... marmonna-t-elle.

Lucrécya rejoignit Om, qui s'était déjà installé en tailleur au milieu de ses objets hindous bizarres.

Elle manqua de marcher sur la statuette d'une gonzesse toute bleue et pesta. Elle s'assit en face de l'indien, lorgna sur la gravure d'un gros gars à tête d'oliphant, ferma les yeux... puis renifla, le nez froncé.

-C'est quoi cette odeur zarbi ? Tu t'es laissé allé ou quoi ?

-C'est du nag champa, mon amie au bras musclé ! De l'encens de mon pays ! Cela favorise la concentration dont tu as grandement besoin !

Lulu grogna :

-Les couches de mon fils sentent meilleures...

Néanmoins, elle se mit en position. Il fallait que ce sort réussisse... même si elle trouvait ça totalement débile comme magie. Tout le monde savait que la seule vraie bonne magie était la magie occidentale ! Mais bon... puisqu'il le fallait...

Elle prit une longue inspiration, et tenta de se calmer. Elle se concentra sur le son de la voix de son coéquipier.

« Oooooooooooooooooooooooooooooom shantiiiiiiii oooooooooooooooooom... »

Un hululement la fit sursauter.

Lulu ouvrit les yeux et manqua de tomber à la renverse : un hibou la fixait de ses énormes yeux jaunes.

-Aaaah saleté d'oiseau ! Crénom d'un balai j'ai cru avoir une crise cardiaque !

Le hibou lui balança à la figure la lettre qu'il tenait dans ses pattes, puis s'envola à travers une fenêtre que Mali avait laissé ouverte.

-Qui nous écrit donc ? s'enquit Om.

Lucrécya ramassa l'enveloppe :

-Titus Reynolds.

Elle décacheta la lettre.
Une musique aux accents country s'éleva, et trois étudiants surgirent derrière elle, chantant le contenu de la missive en même temps qu'elle lisait.


Lucrécya ouvrit des yeux ronds face aux trois étudiants qui venaient de lui chanter la lettre.

-Mais qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous foutez là ?!

-Ben... commença l'un d'eux.

-Je vous reconnais ! lança l'hindou en souriant. N'êtes-vous pas les trois étudiants qui chantaient derrière le grincheux cowboy , au restaurant universitaire ? Pourquoi chantez-vous de la sorte ?

-Je ne sais pas... avoua l'un des pauvres chanteurs, penaud.

Lucrécya, qui commencer à en avoir marre, prit Séraphine en mains :

-Allez, zou, cassez-vous, on doit faire un sortilège hindou, nous, on a pas que ça à faire !

Les trois choristes déguerpirent sans attendre leur reste. La batte de Lulu avait déjà sa propre réputation.

La petite brune se rassit en pestant :

-Allez, recommençons ton truc. Apparemment ça devient urgent de retrouver ce Jasper.

Om hocha la tête, et les deux se remirent en position.

-Écoute mon mantra et répète après moi : Om shanti om, ooooom shanti ooooom... Oooom shaaanti ooooom....

-Om shanti om, répéta Lulu. Om shanti om...

Après de longues, très longues minutes, quelque chose se débloqua en Lucrécya : elle parvint enfin à se concentrer. Ou plutôt, à se connecter. C'était très étrange : tout était blanc dans son esprit, tout était apaisé, comme si elle flottait au dessus d'elle-même. Elle sentait l'encens, elle entendait le marmonnement de Om, et elle était sereine. C'était comme si elle était en communion avec la terre entière, qu'elle en sentait le flux et la magie... Était-ce possible que toute cette connerie marche vraiment ?

Bon, l'important, c'était de ramener Jasper. Il fallait penser à Jasper, et le ramener au centre, dans le cercle créé par Om et elle. Penser à Jasper, et le ramener au centre. Jasper, centre. Jaaaasper, ceeeentre...

Elle sentit un bref mouvement d'air devant elle, et, d'un coup, Lulu sut que ça avait marché. Elle ouvrit les yeux, et...

-Mais qu'est-ce que c'est que ça ?!

Il y avait bel et bien quelqu'un dans le cercle, entre elle et l'indien, mais ce n'était pas Jasper. Premièrement, parce qu'il était horriblement vieux. Deuxièmement, parce qu'il était indubitablement mort. Troisièmement, parce que c'était un fantôme grisâtre, et qu'on pouvait voir à travers.

-Salut les gars, vous m'avez appelé ? Héhé ! fit-il d'une voix caverneuse.

Om ouvrit à son tour les yeux.

-Bonsoir mon ami ! Qui êtes-vous ? demanda-t-il d'un ton poli.

-J'm'appelle Gaspard ! Et chuis un fantôme ! J'étais professeur à la WoW il y a quelques centaines d'années, et PAF ! Chuis mort ! Ah ah !

Lucrécya fronça les sourcils :

-Mais qu'est-ce que vous foutez là, bordel ?!

Le fantôme haussa les épaules :

-Ben, vous m'avez appelé tous les deux, pardi ! J'vous ai entendu dans mon esprit aussi clairement que j'vous entends maintenant ! Gaspard, viens dans l'centre, Gaspard, viens dans l'centre, que vous disiez ! Alors Gaspard il est venu dans le centre !

Lucrécya se leva d'un coup, en grognant. Le calme ressenti par l'étudiante durant la méditation été retombé aussi vite qu'il était venu.

-CASSE-TOI ! ALLEZ, ZOU ! ON T'A PAS SONNÉ ! ET NE REVIENS JAMAIS !

Elle chassa l'esprit en faisant de grands mouvements de bras, et le malheureux Gaspard passa par la fenêtre en soupirant.

-Non mais j'te jure, grommela-t-elle en regardant, à travers la fenêtre, la silhouette transparente s'éloigner. Ils sont sans gêne ces fantômes ! Bon, recommençons, et cette fois j'espère que personne ne va nous déran...

Lucrécya ne finit pas sa phrase, et fronça les sourcils : le soleil venait de se lever à toute vitesse à l'horizon, et alla se coucher tout aussi vite.... pour se revenir encore plus vite.

-Oh la la, regarde ça ! glapit-elle en se tournant vers Om. Le temps déconne encore !

Sans mot dire, Om encaissa la catastrophique annonce de Lucrécya : deux jours de cours envolés disparus à jamais à cause de ce sortilège maudit ! Le sorcier hindou sentit son sang se glacer et son calme s'étioler comme la carcasse d'un vieux taxi moldu en pleine banlieue de Delhi.

-C'est... une catastrophe, peina-t-il à articuler. A ce rythme infernal, je n'ai pas la moindre chance de remporter mes épreuves universitaires de fin d'année ! Trop de données, trop de cours vont m'échapper !
Lucrécya le regarda avec un agacement certain.

-Moi je dis plutôt qu'à ce rythme, il va me falloir un traducteur automatique pour comprendre ce que tu déblatère, mon vieux !

-Peu me chaut, Lucrécya Flint ! Il ne faut pas perdre une seconde : nous devons arrêter cette malédiction temporelle et ces rituels rythmiques intempestifs ! Faisons une autre tentative !

Se rasseyant en tailleur au milieu de ses idoles hindous, Om ferma de nouveau les yeux, plaçant ses mains dans la position appropriée, paumes vers le haut. Soupirant, Lucrécya fit de même et tenta une fois de plus de se concentrer.

"Ooooom... Shanti... Ooooooom..." reprirent-ils en chœur, ouvrant leurs esprits à l'unisson.

Par tous les poils de barbe des brahmines, je n'arrive pas à me détendre, c'est abominable ! Quand je pense à toutes ces heures de révision perdues, je n'en avais nul besoin, pas maintenant !!! Non... ne pensons pas à ça, tachons de nous relaxer. OOOOOm Shantiii Oooom, shantiiiiiiiii.... Shantiiiiiiiiii.....

Un brusque mouvement dans l'air leur annonça que le rituel avait de nouveau fonctionné. Affichant un sourire radieux, Om ouvrit les yeux avec espoir... et poussa un petit cri de surprise et d'effroi : devant eux se trouvait une magnifique jeune fille indienne aux long cheveux noirs cascadant le long de son dos, habillée d'une robe haute couture et parcourant de ses yeux effarés le décor qui l'entourait. Elle semblait en pleine panique.

-Mais...mais... bégaya-t-il en tendant le doigt vers elle, le teint blême.

Donnant un coup de pied dans les idoles hindous à ses pieds, Lucrécya poussa un juron tonitruant.

-Mais c'est pas vrai !!! Encore loupé ! La prochaine fois ce sera quoi, hein ? Un troupeau d'oliphants et une bande d'eunuques ?

Choquée par ces vociférations, la jeune indienne porta son regard effaré sur la batteuse, avant de se tourner vers Om : son regard apeuré se teinta alors de colère et elle hurla à l'adresse du pauvre étudiant en médicomagie.

-RAJEEEEEESH !!!!!

-Mais... mais... continuait à balbutier Om, Sh... Shanti ?

-Attends deux secondes, fit Lucrécya en haussant les sourcils, suspicieuse, tu la connais ?

Alors que la dénommée Shanti vociférait un flot de paroles, probablement injurieuses, dans sa langue natale à l'adresse du jeune sorcier, ce dernier se tourna vers Lulu, consterné :

-C'est... c'est ma sœur.

-DE QUOI ?

-C'est ma sœur, Shanti !

-Shanti ? Shan... Attends une minute... fit Lucrécya en réfléchissant à toute vitesse, Shanti, Om... Om Shanti Om. Ok, c'est bon, j'ai compris ce qui s'est passé... SALETÉ DE RITUEL A LA NOIX !!!

Furibonde, la sœur de Om poursuivait sa vindicte à son encontre, littéralement déchainée. La batteuse, elle, était complètement perdue, ne parlant pas un traitre mot d'indie :

"Comment as-tu osé m'invoquer ici, Rajesh ?? Je devais être à un défilé à Dehli pour 13 heures, imbécile ! Tu as tout gâché ! Et qui c'est cette naine mal fagotée, hein ? Ta future conquête ? Attends un peu que Papa soit au courant, il n'y aura pas un seul endroit sur cette Terre où tu pourras te cacher !!! Quant à effectuer nos rituels ancestraux en présence de ces maudits anglais ! N'as-tu donc pas honte ? Traitre à ta famille !!! Je te jure que..."

"Shanti, shanti shanti !!! Calmes-toi je t'en supplie ! Ce n'est pas ce que tu crois ! Je ne faisais que mon devoir en aidant mes confrères étudiants à conjurer un mauvais sort ! Tout ça n'est qu'une malheureuse erreur de calcul ! Je te promet, je vais te renvoyer à la maison dès que je peux !"

-Dites, vous voudriez pas continuer en anglais ? J'me sens un peu seule, là. grogna Lucrécya de mauvaise humeur.

"Dès que tu peux ?? poursuivit Shanti sans prendre garde à la petite batteuse. Tout de suite, oui !!! Tu sais bien que je n'ai pas mon permis de transplanage ! Trouve-moi un portoloin ou un tapis volant sur le champ !!!"

"Je... je peux pas ! argumenta Om, pas maintenant ! J'ai un travail à accomplir, je te dis ! Mais... tu pourrais peut-être rester ici en attendant, non ? Je m'occuperai de toi dès que possible !"

"Comment ? Rester ici dans ce taudis immonde ?? J'espère que tu plaisante ? "

"Ben... si..."

Sans ajouter un mot, Shanti partit s'assoir à grands pas dans un coin de la pièce, la mine boudeuse, refusant d'adresser la parole à son frère. Om avec un sourire d'excuses se tourna vers Lucrécya en joignant ses mains :

-Je suis terriblement navré... Ma sœur est un peu... vive parfois.

-Mouais, grogna Lulu, ça, j'men suis aperçue, merci !

"Dis à ce petit laidron d'arrêter de parler, asséna Shanti depuis l'autre bout du salon, sa voix de crécelle me colle la migraine !"

-Qu'est-ce qu'elle dit ?

-Elle... elle dit que tu dégage une énergie et une vivacité d'esprit prodigieuses ! assura Om, horriblement gêné.

-C'est ça, siffla la batteuse, sceptique, ben dis-lui qu'elle est mignonne, mais je l'ai pas sonnée.

"Qu'est-ce qu'elle baragouine, cette lilliputienne ? demanda Shanti d'une voix sèche."

"Elle t'assure qu'elle na jamais vu de jeune fille à la beauté aussi resplendissante ! mentit Om nerveusement à l'adresse de sa sœur."

-Bon, asséna Lulu impatiente, c'est bien joli tout ça, mais on fait quoi maintenant, hein ? Et ne me dis pas qu'on recommence tes jérémiades hindous parce que là, je t'assassine sur place, crétin !

-Et bien... fit Om, quelque peu secoué, tu pourrais déjà commencer par demander à Malicia si elle peut héberger ma sœur pour quelque temps... Si ça ne te dérange point, bien sûr !

-TU RIGOLES ? vociféra Lulu, DÉBROUILLE-TOI AVEC ELLE !! C'EST TON PROBLÈME, PAS LE MIEN !!!

-J'en suis conscient, poursuivit le sorcier indien d'une petite voix, mais...

A ce moment précis, quelqu'un apparut dans l'embrasure de la porte :

-Hé ben, fit Curie en entrant dans la maisonnette, qu'est-ce qui s'est passé ici ?

Curie, les yeux écarquillés, contempla la scène. Une Lulu colérique semblait prête à mordre un Om visiblement paniqué, tous deux entourés d'idoles hindoues renversées. Dans un coin, une indienne au regard mauvais observait la scène.

« Vous avez perdu votre langue ? Pourquoi Lulu est dans cet état-là ? C'est quoi cette pagaille ? Et elle, là, qui c'est ? » demanda l'Insu, pointant du doigt la nouvelle venue.

Om, tourmenté par de sombres pensées, ne répondit pas, et ce fut Lucréya qui raconta à Curie leurs derniers exploits.

« [..] et elle n'a pas décoché un sourire depuis son arrivée. »

L'Insu soupira. Cette comédie ne s'arrêterait donc jamais ? Un sortilège musical, un doyen incompétent, une folle sentimentalement dégénérée, une émeute transformée en société des amis du docteur Magouille, des tableaux au langage vulgaire, des Omicron introuvables, et maintenant, la soeur d'Om, invoquée par erreur ?

« Gardons notre sang-froid mes amis. Peut-être que Malicia acceptera d'héberger Shanti, après tout, elle est d'une nature généreuse. J'allais justement la voir, vous savez, pour les livres de Mama Ogg.. je monte et je reviens immédiatement avec sa réponse. En attendant, vous devriez continuer les rituels, on doit absolument questionner Johnson, même si c'est pour découvrir qu'il est totalement innocent ! Peut-être que Shanti peut également vous aider ?

Om grimaça.

-Ahem.. ma soeur n'est point sujette au problèmes universitaires de ce genre.. et.. hum.. son caractère est quelquefois précieux, peut-être trop pour..

Lulu, qui jusque là, s'était contentée de grogner, clama :

- Suffisait pas que Mali l'héberge, fallait aussi qu'elle soit aussi feignasse qu'un gnome en hibernation ? »

Curie adressa un regard compatissant à Om, et laissa le pauvre médicomage se dépêtrer avec les deux demoiselles. Deux demoiselles qui n'étaient pas des moins coriaces. L’Écossaise grimpa l'escalier menant à l'étage, n'ayant aucune idée d'où pouvait bien se trouver la chambre de Malicia. Le volume II de "Antidotes plein de Paradoxes pour Sorts peu Orthodoxes" commençait à peser dans sa besace et elle avait une envie dévorante de le lire. Arrivée devant plusieurs portes, elle appela Malicia. Elle entendit un faible "Entre !" et tourna la poignée de la première porte sur sa gauche.

Malicia s'était assoupie à la dernière page des "Antidotes plein de Paradoxes pour Sorts peu Orthodoxes". Elle n'avait pas pu dormir bien longtemps, mais son sommeil avait été agité. Comme souvent depuis cet été, un rêve était revenu la hanter. Elle se revoyait sur le quai 9 3/4 en train de faire ses adieux à Drago. Le blondinet finissait par s'en aller et disparaissait dans la foule. Et elle se mettait à crier. Parce qu'elle savait que plus rien ne serait comme avant.

La métisse ouvrit les yeux brusquement. Elle courut jusqu'à la salle de bain et se passa de l'eau sur le visage. Elle se recoiffa, enfila un jean et un débardeur, s'assit sur son lit...et explosa en larmes. Elle ne savait vraiment pas ce qu'elle avait pu faire pour que Drago agisse comme ça. Et pourquoi venir chez elle pour lui débiter autant de méchancetés et la traiter comme une vulgaire étrangère ? Malicia prit une profonde inspiration. A ce stade là, toute la glace du monde ne pouvait pas la consoler. Elle ne supportait vraiment plus cette situation et il fallait qu'elle arrive à tirer un trait sur tout ça. Après tout, il y avait des choses bien plus importantes à régler que sa vie amoureuse catastrophique. Elle saisit le grimoire et le feuilleta. Elle devait se concentrer sur la résolution du sort. Juste sur la résolution du sort. Si seulement, elle avait la formule qui était à son origine.

Quelqu'un l'appela. Reconnaissant la voix de Curie, Malicia sécha vite fait ses larmes et émit un faible "Entre".

-Salut ! fit l'Insuffisante.

La métisse lui sourit et lui fit signe de s'installer à côté d'elle. Curie s'assit et regarda Malicia :

-Alors, quoi de neuf depuis... ?

Elle regarda sa sablomontre.

-Depuis 2 jours et pas mal d'heures. Nom d'un scroutt, je hais ce sort et son auteur. Ça va ? T'as une petite mine !

Malicia hocha la tête :

- Ça doit être le manque de sommeil, comme tout le monde. Mentit-elle avant de se forcer à rire. Je crois que je n'ai pas pu vraiment me reposer depuis la nuit de Dimanche !

-Ouais, pareil. acquiesça l'Insuffisante. Je crois que ça rend les gens dingues. Tout à l'heure, sans le vouloir, j'ai participé à une émeute sur la Place MMM. Tout le monde criait et envoyait des sorts à la tête du doyen. Magouille a dépassé les bornes du laxisme. Et grâce à mes connaissances journalistes, je vais m'assurer que cela ne passe pas inaperçu.

Elle regarda le livre que la métisse tenait dans ses mains :

-Alors t'as trouvé quelque chose d'intéressant ?

-Rien qui ne puisse servir sans formule, malheureusement... répondit Malicia. Heureusement, le sortilège semble ne pas s'étendre hors de l'université. Il y a bien là-dedans quelques enchantements qui pourraient ralentir son évolution, mais ça ne sera que temporaire. Si on ne peux pas voir la formule qui a généré tout ça, on ne pourra jamais comprendre ce qui a cloché dans ce sort et on ne pourra jamais le réparer. Mais Titus et son équipe ont joué de malchance...

Curie ouvrit le Tome 2 du grimoire :

-Ce sort dure depuis trop longtemps, Mali. Faut qu'on trouve quelque chose.

Sa camarade hocha la tête avec un large sourire :

-Tu as raison, Curie ! Il ne faut pas renoncer ! On va y arriver !

Les deux filles se mirent à lire avec application.

Un peu plus tard, du bruit se fit entendre dans le salon et elles relevèrent la tête :

-Qu'est ce que c'est ? demanda Malicia.

-Ca doit être Lucrécya qui en est venue aux mains avec la sœur très pénible de Om... répondit Curie.

-La sœur de Om ?

-A ce que j'ai compris, lui et Lulu ont du mal à faire leur sortilège pour retrouver Jasper. Sans faire exprès, ils ont téléporté sa sœur dans ton salon. Visiblement, Om veut que tu l'héberges, ou un truc du genre...

Malicia la regarda avec des yeux ronds :

-Bien, bien, bien, bien, bien... bredouilla-t-elle de sa voix aigüe.

Le raffut s'amplifia à l'étage inférieur. On aurait cru que quelqu'un applaudissait.

-Tu crois que Om applaudit Lulu pour avoir assommé sa sœur ? fit l'Insuffisante, circonspecte.

-Leur relation fraternelle serait bien étrange... supputa Malicia.

Brusquement, quelqu'un monta les escaliers et Om se précipita dans la chambre de la métisse :

-LES FILLES, KRISHNA A ENTENDU NOS PRIÈRES !!! LES GAMMAS ONT TROUVE LA FORMULE, QUE VISHNOU LES BÉNISSE !

Il leur tendit avec une joie non contenue un parchemin. Curie le saisit :

-Mais c'est horriblement long ! Et c'est totalement incompréhensible ! Qu'est ce qu'on va faire de ça ?

Malicia regarda par-dessus son épaule :

-Ohmondieuohmondieuohmondieu... Mais c'est bien sûr ! Regardez, la subsonique factorisée par la transsonique néglige la compressibilité de l'air pour les nombres de Mach inférieurs à 0,36564 environ et produit l' accroissement des sphères de perturbation qu'elle crée à chaque microseconde ! C'est totalement diabolique !

-Mais tu comprends quelque chose ? fit Curie avec des yeux ronds.

La métisse rougit :

-Je ne suis pas spécialiste mais je me débrouille en arithmancie sonique appliquée. fit-elle avant de feuilleter les "Antidotes plein de Paradoxes pour Sorts peu Orthodoxes". Et dans le grimoire, je suis sûre d'avoir lu quelque chose qui pourrait nous aider...

Curie lut avec elle et finit par pointer du doigt un chapitre :

-Là ! Théories des Précipités pour l'Inversion des Phénomènes Magiques !

Malicia hocha la tête en continuant à lire :

-Oui ! Ça vaut le coup d'essayer !

Elle se tourna vers l'indien :

- Om, je crois que l'on enseigne l'Art des Antidotes en Médicomagie ? Je sais que tu es occupé, mais peux-tu nous donner un coup de pouce pour nous lancer ? Au moins cinq petites minutes ?

Ce dernier hocha la tête :

-Je pense que oui, mes amies ! De toute façon, nous piétinons pour le sortilège de retrouvailles de Jasper et une petite pause fera sûrement du bien à Lucrécya. Qu'as-tu en tête, chère Malicia ?

La métisse tourna sur elle-même, entraînée par un air de piano qui venait de débuter...


Les trois sorciers regardèrent le chaudron bouillir avec appréhension.

-J'espère que ça va marcher... fit Curie.

-J'espère que je ne me suis pas trompée dans mes calculs, ajouta Malicia. Sinon, on fera autant d'essais qu'il faudra...

Le chaudron se mit à vrombir et à émettre une étrange mélodie syncopée. Les trois sursautèrent.

-Que Ganesh nous protège... fit Om.

-RAJEEEEEEEEEEESH !!! TU M'AS ABANDONNÉE AVEC CES BRITANNIQUES SINISTRES, FRÈRE INDIGNE ! QU'AS-TU DONC A FAIRE DE PLUS IMPORTANT QUE DE T'OCCUPER DE TA FAMILLE ?!

-J'ARRIVE, SHANTI ! NE TE FÂCHE PAS S'IL-TE-PLAIT !

Om salua ses deux consœurs :

-Je vais me remettre à faire mon sort. Un peu de renfort ne sera pas superflu. Peut-être que les Gammas voudront bien m'aider.

Il descendit.

Un son strident sortit du chaudron et Malicia et Curie se retournèrent vers lui.

-Y'a définitivement quelque chose qui est en train de se faire... commença Curie.

Malicia contempla la décoction qu'elles avaient préparée. La chose clapotait sur un rythme étrange et changeait de couleur chaque seconde. Il était clair que, si elles avaient réussi leur coup, la décoction était loin d'être stabilisée.

-Tu crois que ça va prendre longtemps ? demanda l'Insuffisante.

Malicia fronça les sourcils et reprit le grimoire :

-Si je me fie à ce qui est écrit ici, la potion finie doit être violet clair... et vu l'instabilité de la formule de base... ça pourrait bien prendre un certain temps avant qu'elle ne soit vraiment finie...

-Combien de temps ? C'est que je commence à avoir les tympans qui font mal avec toutes ces chansons.

La métisse calcula rapidement dans sa tête :

-Euh... 48 heures, au moins. Si ce n'est plus.

-Quoi ?!

Malicia se tourna vers sa camarade :

-Va falloir être patientes.

Elle appela sa chouette qui voleta dans la pièce quelques secondes plus tard et la serra dans ses bras :

-Ma chouquinette d'amour que j'aime ! Tu vois cette potion ? Elle est très très très importante ! Est-ce que tu veux bien la surveiller pendant qu'on s’absente ?

La chouette hulula et partit se percher sur l'armoire de la pièce. La métisse se tourna vers Curie :

-Allons aider Om, Lulu et les autres. A nous tous, je suis sûre qu'on pourra retrouver Jasper !

L’insuffisante hocha la tête et suivit son amie qui dévalait déjà les escaliers.

Griselda avait suivi les Gamma chez Malicia, un sourire bienheureux aux lèvres. Elle ne savait pas exactement pourquoi elle était là, elle s'était contenté de suivre sa coloc adorée et son grand poilu d'amoureux. D'ailleurs, d'après ce que lui murmurait doucement son Lethifold, elle avait eu raison, puisqu'elle allait se faire une toute nouvelle meilleure amie de la vie pour toujours. Et son Lethifold ne mentait jamais !

Lorsque Kim, Titus et elle toquèrent à la porte de la maisonnette jaune, ce furent pourtant des cris qui les accueillirent.

-Comment veux-tu que je me calme avec cette bimbo qui baragouine en me fixant ?! En plus il est nul ton sort de méditation ! criailla une voix éraillée bien connue.

-Rajesh ! Si tu ne me ramènes pas de suite à New Dehli, je te jure, je fais un scandale ! rétorqua dans une langue étrangère une voix féminine que personne ne reconnut.

Le cowboy grommela :

-Eh ben, je sens qu'on va encore s'amuser.

-En même temps, fallait pas s'attendre à mieux avec Rincevent, soupira Kim, pas ravie de revoir sa rivale de toujours.

Les Gamma ouvrirent la porte, et entrèrent sans demander l'autorisation.

Le malheureux Om les accueillit avec un plaisir non dissimulé, les bras ouverts :

-Mes amis ! Je requiers votre bienveillante aide ! Le désordre et la colère se sont invités au sein de la pièce à vivre de notre amie Malicia !

Titus balaya la scène du regard : Lucrécya, assise en tailleur par terre, boudait en grommelant, tandis qu'une jolie jeune femme à la peau dorée faisait de même sur le canapé, à l'autre bout de la pièce. Il réfléchit un moment, et décréta que ça ne l'intéressait pas.

-On a ENFIN la formule du sortilège musical expérimental, soupira-il en tendant un bout de parchemin griffonné.

L'Irlandaise agrippa le bras de l'américain, qui laissa échapper un vilain juron.

-Oui, grâce à moi moi moi ! lança-t-elle, fière d'elle.

-Grâce à Myo, corrigea Kimberlie, en réprimant un bâillement.

-Oui oui oui, mais qui c'est qui a fait accio sur la pensine, hein hein hein ? C'est bibi !

Griselda commença à s'applaudir, bienheureuse. Om l'imita, tellement il était ravi :

-Voilà une excellente nouvelle ! Nous allons pouvoir circonscrire ce sortilège ! Que Vishnu vous bénisse !

-MAIS QUI SONT TOUS CES GENS ?! Ils sont plus hideux les uns que les autres ! Les britaniques n'ont donc aucun sens esthétique ?! s'énerva soudain Shanti, qui n'avait aucune envie d'être là et qui comptait bien le montrer.

-Wouaaah ! s'exclama Griselda, en l'apercevant.

Elle laissa les autres discuter entre eux, et s'approcha de la sœur de Om, qui fulminait sur le canapé du salon.

-Wouah, tu es super jolie ! Tu veux bien être mon amie ?

-Et toi tu es d'une laideur ma pauvre ! Aucune forme ! Une peau cadavérique ! Et c'est quoi ces yeux exorbités ? Et ces cheveux gras et sales ?!

-Mais j'ai des yeux de braise ! fit fièrement Gri en regardant fixement son interlocutrice, de son regard si dérangeant.

Shanti plissa les yeux, méprisante :

-De quel droit me parles-tu ? pesta-t-elle. Je suis un mannequin sorcier de renommée nationale !

D'un coup elle fronça ses sourcils fins :

-Et depuis quand les sales anglais parlent-ils l'hindi ?

-Ah, mais je ne suis pas anglaise anglaise anglaise ! Je suis Irlandaise, on aime pas non plus les anglais, on a quand même beaucoup plus de classe qu'eux! s'exclama la folle aux Lethifolds, en se grattant l'espace entre ses dents de devant avec l'ongle de son auriculaire. Et je connais toutes les langues du monde, ahah.

-Tu te fiches de moi en plus ?! Rajesh ?! RAJESH REVIENS DE SUITE !

Mais le frangin ne répondit rien : il était monté à l'étage de la petite maison, d'où une musique jazzy se faisait entendre.

-Mais non je suis sérieuse ! Quand j'avais quinze ans à Poudlard j'ai élaboré une potion expérimentale à base de poisson-babel pour tenter de parler à mon hibou, et depuis je peux parler tous les dialectes du monde entier !... mais j'ai jamais pu parler à mon hibou, étrangement. Il était peut-être muet ?

-Mais laisse-moi tranquille ! Tu me dégoûtes !

-Ouiiiii, tu es mon amie ! Fais un bisou à mon Lethi !

Elle se jeta au cou de l'indienne, son chiffon sale en première ligne. L'indienne recula d'un bond en hurlant, et appela son frère à la rescousse.

-RAJEEEEEEEEEEESH !!! TU M'AS ABANDONNÉE AVEC CES BRITANNIQUES SINISTRES, FRÈRE INDIGNE ! QU'AS-TU DONC A FAIRE DE PLUS IMPORTANT QUE DE T'OCCUPER DE TA FAMILLE ?!

Om parti au deuxième étage et Griselda en train d'enquiquiner la désagréable Shanti, Lucrécya en profita pour se tourner vers Titus :

-Tiens, tant que t'es là, toi, grogna-t-elle.

Elle traîna le cowboy jusqu'au dehors, et lui désigna son hippogriffe. Celui-ci tentait de picorer d'un geste horriblement lent le parterre de fleurs devant la maisonnette, dans un râle asthmatique.

-Regarde ! siffla la petite batteuse.

L'américain grogna :

-Quoi !

-Ben, mon hippogriffe !

-Ah oui, il a l'air d'aller mieux.

Lulu leva les yeux vers l'étudiant, un sourire béat aux lèvres :

-C'est vrai ?

-EVIDEMMENT QU'NON, TRIPLE BUSE, IL VA CLAMSER TON CANASSON ! répliqua du tac au tac Titus, une veine palpitant sur son front.

-Et alors tu comptes faire quoi ?! Tu m'avais promis !

-Tu m'lâches les roubignoles ? J'ai pas eu le temps !

-PAS LE TEMPS ?! EN DEUX JOURS ?!

La veine de Titus palpita de plus belle :

-Tu te fous de moi ?! Ça fait que quelques heures ! Ce foutu sortilège a fait passé le temps !

-Pas remarqué, mentit Lulu avec mauvaise foi.

Le cowboy la fixa avec haine :

-Écoute, tu sais où tu peux le carrer ta Saleté de Bourrique ?

Il fit demi-tour et fit mine de retourner à l'intérieur de la maison.
Lucrécya le rattrapa, du désespoir au fond des yeux :

-Non, pitié ! J'veux pas qu'il meure ! Sauve mon hippo !

-Hein ?

Une musique déchaînée s'éleva dans les airs, et Lulu bondit partout en faisant de larges mouvements de tête, balançant ses longs cheveux noirs devant elle. Son boursoufflet, qui avait sauté sur son crâne, y bondissait en rythme.


-Alors ? Tu vas le sauver ? fit-elle d'une toute petite voix.

-J'verrai ce que j'peux faire une fois qu'on aura libéré le sort. Mais si j'le soigne, ça sera pas pour toi mais parce que j'ai pitié de ce pauvre animal, persifla Titus, avant de rejoindre Kim et Om qui venait de revenir dans le salon.

Lucrécya jeta un oeil à sa... monture, qui crachait ses poumons dans un sifflement inquiétant.

-Bah, c'est déjà ça, fit-elle en retournant à son tour dans la maison.

En entendant les cris venant de son salon, Malicia accéléra le pas, entra dans son salon et... resta bouche bée : elle ne l'avait pas remarqué tout à l'heure, car elle était trop sonnée, mais Mylénie avait ravagé son salon.

Et la venue d'invités surprise n'avait pas amélioré son état.

Malicia considéra l'étendue des dégâts : il y avait des trous dans les murs, son plafond était fissuré, sa table basse brisée, ses bibliothèques s'étaient effondrées, les cadres auparavant accrochés étaient brisés au sol.

Au milieu de ce champ de bataille, Lucrécya et Kim hurlaient à qui mieux mieux, sous l’œil blasé de Titus.

-Admet-le Lulu, t'es finie ! fit la métisse aux cheveux bouclés. Y'a pas de place en compèt pour les jeunes mamans !

-Ah ouais ?

-Ouais !

-Ah ouais ?!

-Ouais !!!

Om tentait de soigner une personne, à l'évidence sa sœur, qui avait deux coquards :

-Ma soeur, je suis désolée, mes amies n'ont certainement pas voulu te blesser !

-Tu veux rire, j'espère ! Ces anglais n'ont aucune tenue !

Seule Griselda semblait ravie. Elle tapotait avec ravissement une affreuse bestiole à moitié moisie, que Malicia dévisagea avec des yeux ronds avant de reconnaître ce qui semblait être un hippogriffe, et qui broutait son tapis en tremblant de tous ses membres. Visiblement attachée à la bête, l'irlandaise chantonnait un petit air de chez elle :

-Maman, les p'tits hippos qui font des courses ont-ils des aiiiileuh !!! ♫

-Je sais pas qui a fait ta déco, mais tu devrais le virer. ironisa Curie.

Elle partit s'asseoir sur le canapé de la pièce, après avoir un peu essuyé sa place.

-Mais oui, mon gros bêta, s'ils n'en avaient pas ils n'en auraient pas ! ♪

-Je veux partir de cette maison de fous, Rajesh ! Et tu vas me payer le billet de retour !

-Mais Shanti, tu sais bien que Baba m'a coupé les vivres !

-Tu sais quoi ? T'es même pas une vraie batteuse ! T'as toujours été minable au quidditch ! s'écria Lucrécya en pointant du doigt Kim.

Cette dernière fronça les sourcils avec mauvaise humeur :

-Ah ouais ?

-Ouais !

-Ah ouais ?!

-Ouais !!!

Kim croisa les bras et émit un petit rire sarcastique :

-Moi au moins, j'ai jamais eu à faire des choses avec le Capitaine pour entrer dans l'équipe !!!

Lucrécya ouvrit des yeux furibonds :

-Ah ouais ?

-Ouais !

-Ah ouais ?!

-Ouais !!!

-La ferme, bandes de débiles ! s'écria Titus qui avait foncé entre les deux filles pour les séparer.

-Maman, les p'tits hippos qui font des courses ont-ils des bec-queuh !!! ♫ reprit Griselda. Mais oui, mon gros bêta, s'ils n'en avaient pas ils ne tueraient paaas ! ♪

Malicia eut un petit sourire nerveux. Elle fit voler à elle son plateau de cookies depuis la cuisine et mordit dans l'un d'eux avant de bredouiller :

-Bien, bien, bien, bien, bien....

C'était officiel : ils allaient avoir beaucoup de mal à faire le sort pour retrouver Jasper dans cette ambiance-là.

Myosotis parvint à la petite maison jaune, qui se trouvait à l’adresse que lui avait laissé Titus. Des cris de rage se firent entendre au moment où la jeune femme allait poser sa main sur la poignée de la porte, et elle hésita.

Mais lorsqu’elle reconnut la voix de son amie Kim parmi les éclats, elle se précipita à l’intérieur :

-Mais qu’est-ce qui se passe ici ? fit-elle de sa voix ronde.

Malicia mangeait cookies sur cookies en ne cessant de répéter « bien bien bien bien bien » d’une voix suraiguë, à côté d’une Curie qui contemplait le salon avec un sourire entre l’effarement et l’amusement.

Titus engueulait Kimberlie qui engueulait Lulu, qui, pour sa part, hurlait sur tout le monde.

Griselda était grimpé sur la croupe d’un vieil hyppogriffe déplumé qui tenait plus de la carpette mitée que de l’animal, et chantait à tue-tête une comptine enfantine insipide.

Et, dans un coin, Om baragouinait dans sa langue à lui, devant une jeune femme à la même couleur de peau que lui, qui aurait pu être belle si elle n’avait pas eu le visage violacé par les coups.

Et tout ça dans un salon digne d’un champs de bataille.

Myosotis croisa le regard de Malicia, et fut un peu gênée. Elle aurait voulu se jeter sur elle pour lui parler, la consoler, lui dire qu’elle-même était en peine à cause d’un amour déçu… mais qu’est-ce qu’elle aurait bien pu lui dire, au fond ? « Eh, salut, tiens, j’ai vu les souvenirs que ton ex avait de toi ! Tu sais, ceux dont il a préféré se débarrasser en les mettant dans une pensine qu’il a ensuite jeté à la poubelle ! Vous aviez l’air heureux à l’époque, dis-moi ! »
Myo soupira. Ce n’était pas sûr que la jolie métisse le prenne bien. Même en y mettant les formes.

Surtout que la hippie était toujours un petit peu mal à l’aise de cette intrusion dans la vie privée d’autrui. Mais bon, elle n’avait pas fait exprès de tomber dans cette pensine ! Et elle avait eu un mal de chien à s’en extirper !

Enfin, valait mieux mettre tout ça de côté pour le moment, et se concentrer sur le maléfice musical.
Myosotis agita sa baguette, et l’appartement commença à se ranger tout seul.

-Bon, qu’est-ce qui se passe ?! demanda-t-elle.

Dans le chaos ambiant, personne ne daigna lui répondre.

-EH OH QU’EST-CE QUI SE PASSE ICI ?!

Tous se turent et se tournèrent vers Myo, stupéfaits tant il était inhabituel de voir la jeune fille aux cheveux verts hausser le ton.

-C’est elle qu’à commencé ! firent en même temps Kimberlie et Lucrécya, en pointant chacune l’autre du doigt.

Om baissa la tête, penaud :

-C’est ma faute, ma très grande faute, je le crains, mon incantation a emmené ma sœur Shanti dans le lieu de vie de mon amie meilleure d’entre toutes, Mali !

-Parlons-en de ton incantation à la mords-moi-la-baguette, pesta Lucrécya.

-Mais c’est notre seule piste pour le moment pour trouver Jasper, commença Curie.

- Maman, les p'tits hippos qui font des courses ont-ils des grifffeeeuh !!! ♫

-Oh toi on t’a pas sonné !

-Mais vous allez arrêter de vous chamailler comme ça ?

-SILENCE ! cria Myosotis, exédée.

Les étudiants présents se tournèrent une nouvelle fois vers la fille chlorophylle.
Cette dernière était trop fatiguée, trop déprimée pour tenter d’être aussi diplomate qu’habituellement. Mais bon, songea-t-elle, tant pis.

-Bon, tout le monde va se calmer, intima-t-elle. Om, explique-moi ton rituel.

-C’est d’une facilité déconcertante, ô mon amie à la chevelure végétale. Il suffit de se mettre en cercle, et de répéter ce mantra : « Om, Shanti, Om, Shanti… ».

-Vous avez entendu ? Que tout le monde se mette en cercle !

Comme hypnotisé par la nouvelle personnalité un poil plus cassante de Myo, les Gammas s’exécutèrent sans protester. Gri, Curie, Mali et Lulu firent de même, même si cette dernière ne put s’empêcher de ronchonner.

Une fois que tout ce beau monde fut assis en tailleur, et en cercle, Om s’exclama, sous le regard méprisant de sa soeur installée sur le canapé :

-Fermez les yeux, et essayez de vous calmer le plus possible, mes amis.

-Ca, ça va pas être possible de me calmer en présence de McComique ! pesta Lucrécya.

-Parce que tu crois que ça me fait plaisir de voir ta trogne de naine plate comme une planche ? siffla Kim.

Titus grogna :

-Vous allez pas recommencer !

Myo ouvrit des yeux ronds :

-Oh, mais je sais comment tous nous calmer ! Après on sera si détendu que n’importe quel rituel hindou sera à notre portée.

Elle farfouilla dans ses poches, et en sortit en souriant une bonne réserve de Ganja Myosotiana, une herbe magique de sa composition.

-Oooom shanti oom shanti ooom…

Nageant dans une fumée opaque, la fine équipe de sorciers avait finie par se détendre. A tel point qu’ils souriaient et rigolaient sans aucune raison.

Même Shanti, la sœur d’Om, s’était calmée et avait rejoint le groupe, qui formait un cercle au milieu du salon.

-Oooom shanti oom shanti ooom… répétèrent-ils tous en chœur.

Brusquement, une bourrasque ébouriffa toute la troupe, et Saleté-de-Bourrique poussa un hennissement chevrotant avant de tomber à terre.

Tous ouvrirent les yeux, et découvrirent Jasper J. Johnson, qui venait de se matérialiser au milieu du cercle.

-Oui maman ne t’inquiète pas, faisait-il en parlant dans le combiné d’un téléphone moldu. Là où je suis, ils ne me retrouveront jamais, et….

Il jeta un coup d’œil à l’assistance qui le fixait, et lança :

-… je te rappelle…

Il se recroquevilla sur lui-même et couina d’une voix suraiguë :

-Ne me faites pas de mal c’est pas moi je le jure !

Titus se leva et le pointa de sa baguette :

-C’est marrant, pied tendre, on a des indices qui nous disent tout le contraire !

-Je vous jure que j’ai rien fait ! J’ai été forcé !

-On a vu le message de menace dans ta chambre ! Qui t’a fait chanter ?! intima Kimberlie.

Jasper eut l’air effrayé :

-C’était un mec chelou qui arrêtait pas de dire qu’il avait vaincu le Maître des Ténèbres ! Il avait une cicatrice en éclair sur le front et des petites lunettes rondes !

-Harry Potter ! s’exclama Malicia.

-Je vous l’avais dit ! Je vous l’avais bien dit que c’était Potter ! pesta Lulu.

-C’est vrai, se rappela Curie. Tu l’avais évoqué.

Myo fit un geste de main pour calmer ses camarades :

-Laissons-le parler ! Raconte-nous ce qui s’est passé, Jasper.

Johnson baissa la tête, penaud :

-J’ai rencontré ce mec chez le docteur Froud, après une séance. On a parlé de la chorale : lui il était énervé de pas être le soliste officiel, et moi je venais de me faire humilier par Schneider. Alors il m’a proposé de lancer un sort expérimental pour le faire mieux chanter, mieux danser, être plus charismatique, plus drôle, plus souple et j’en passe, lorsqu’il se trouvait dans la chorale. J’ai refusé, mais il m’a…

Ses lèvres tremblèrent :

-Il m’a volé mes Rubik’s cubes !

-Le monstre ! Tuons-le ! s’exclama Griselda, le poing en l’air.

-Donc j’ai créé cette formule, dans mon labo de Magie Expérimentale. Mais au moment de la lancer, il s’est passé quelque chose.

-Quoi donc, quoi donc ? fit Om.

-Quelqu’un a éteint la lumière.

-C’est tout ? lâcha Lulu, déçue.

-Oui, mais j’ai réalisé que c’était le moment ou jamais pour moi de m’enfuir. Je suppose que Harry a jeté le sort tout seul, avec les conséquences que l’on sait.

-Mais tu as l’air particulièrement doué en Magie Expérimentale ! Comment as-tu pu faire une formule avec tant d’erreurs ? demanda Malicia.

Elle lui tendit le bout de parchemin que les Gammas avaient ramené. Jasper le parcourut un moment, puis fronça les sourcils :

-Mais ce n’est pas ma formule ! Enfin si, mais, quelqu’un l’a modifié ! La formule que j’ai créée était parfaite !

-Maintenant que tu le dis, fit Titus, la prof de Magie Expérimentale nous avait dit qu’il y avait deux écritures différentes sur le tableau où se trouvait la formule.

-Sabotage ! Quelqu’un a saboté ma formule ! Mais ça ne peut pas être Potter : il n’aurait pas eu le temps ni l’intelligence de faire ça ! glapit Jasper.

-Ni l’intérêt de le faire, puisque ta formule était censé le rendre meilleur, fit remarquer Curie.

-Mais alors, qui… ? lança Om.

Le silence retomba dans le salon de Malicia.

C'est le moment que choisirent Marcus et Drago pour pousser la porte de la maisonnette jaune, l'air particulièrement satisfaits.

-Qui, oui qui en effet pourrait être à l'origine de ce sort ? fit le blondinet en croisant les bras.

-Ouais, qui ? fit Marcus. Heureusement qu'on est là.

Il se laissa tomber sur le canapé de Malicia sous l’œil effaré de l'assistance. Drago fit quelques pas dans le salon :

-Marcus et moi, nous nous sommes permis de faire notre petite enquête. Et nous sommes ravis de vous annoncer que nous avons trouvé le coupable. fit Drago en se regardant les ongles. En combien de temps, déjà, Flint ?

-Oh, deux heures, deux heures et demi... max.

Marcus se tourna vers Lucrécya et lui fit un sourire charmeur. Son camarade reprit :

-Rassurez-vous, on ne va pas vous faire supplier pour la réponse. Je vous donne le nom du coupable en mille : Harry Potter.

Alors que le groupe de sorciers lui jetaient une œillade blasée, Drago émit un petit rire :

-Non, inutile de nous remercier. Ce n'est rien. Après tout, nous enquêtons depuis que nous savons marcher. Nous avions l'avantage de l'expérience.

Sous l'œil étonné de Drago et de Marcus, l'assistance éclata de rire. Dans l'hilarité générale, Lucrécya les pointa du doigt :

-Rho, les nuls, ils en sont encore là !

Elle s'écroula en arrière. Kim se leva, hilare :

-Alors, là Malefoy t'as fait fort !

Le blondinet ouvrit des yeux intrigués :

-Vous saviez déjà ?! Mais comment ?

Un grand éclat de rire lui fit office de réponse . C'est alors qu'il remarqua la présence de Jasper Johnson qui se gondolait de rire bras dessus bras dessous avec deux indiens. Le Pi Omicron Pi avait dû tout leur dire...

Marcus murmura à son oreille, les yeux ronds :

-Je crois que c'est râpé pour l'accueil triomphal.

-J'ai remarqué, Flint.

Le blondinet croisa les bras :

-Par contre, je n'avais jamais remarqué à quel point il était désagréable d'être moqué de la sorte.

Il jeta un regard inquiet en direction de Malicia, qui contrairement aux autres personnes présentes, ne souriait pas. Au contraire, la métisse baissa la tête et quitta la pièce. Elle monta ses escaliers lentement, entra dans sa chambre et referma la porte derrière elle.

Dieu qu'elle se sentait bête d'avoir laissé Drago entrer dans sa vie ! Quand il était entouré de personnes, il était si insupportable, si imbu de lui-même ! Pourquoi avait-il toujours besoin de montrer qu'il était mieux que les autres ?

Des milliers de questions lui défilaient à toute vitesse dans la tête. Comment osait-il revenir dans sa maison pour se pavaner, après toutes les horreurs qu'il lui avait faites ? Il était clair que renoncer à son mariage ne lui était jamais passé par l'esprit. Alors dans ce cas, que voulait-il ? Pourquoi ne restait-il pas auprès de sa Vilénie ?

Vu qu'il avait clairement dit qu'il ne l'aimait pas, et que visiblement il ne l'avait jamais aimée, à quoi jouait-il ?

-Peut-être que ça l'amuse... murmura-t-elle tristement pour elle-même.

Après tout, Drago pouvait être très cruel quand il le voulait. Mais jamais il ne l'avait été avec elle... du moins, nettement moins qu'avec les autres. Que pouvait-il bien lui vouloir ? Et comment devait-elle agir ? Lucrécya lui aurait probablement conseillé de le mettre dehors... Mais elle ne s'en sentait pas capable. Ou si ?

-Ohmondieuohmondieuohmondieu... fit-elle en se laissant glisser le long de la porte, les yeux pleins de grosses larmes.