Alors qu’il se dirigeait tranquillement vers Mysteria Lane, en espérant pouvoir rejoindre son taudis à deux pièces pour un peu de repos bien mérité, la poche intérieure du manteau de Titus vibra de manière erratique : son miroir carré et vieux comme Mathusalem que lui avait refilé son aïeul n’était plus en très grande forme…

Poussant un long soupir, il le sortit et gronda à son adresse :

-Si tu viens encore me taxer des feuilles à rouler, Shak, tu peux aller te rendormir ! Moi c’est ce que je vais faire en tout cas !

-Ti-Titus ? fit une toute petite voix entrecoupée de sanglots, tu me re-çois ?

Le cowboy déglutit en entendant la voix de Myosotis qui semblait minée par le chagrin.

-Ben, Myo, qu’est-ce qui t’arrive, ma grande ? T’as encore perdu une douzaine de boutures de ganja ?

-Naon… renifla-t-elle, c’est-c’est juste que… J’ai besoin de te par-ler, là maintenant, tout de suite. Ca va vraiment pas fort…

Chiotte, songea le ricain, ça sent pas bon… Cette fois-ci, elle a vraiment pas l’air au mieux de sa forme.

Titus serra les poings :

Si cette baltringue de Magouille a quelque chose à voir là-dedans, je lui fais passer son haut-de-forme par le fondement !!! Respirant à fond pour se calmer, le jeune sorcier répondit à son amie en pleine dépression :

-Ok, ok. Tu me retrouves au Potiron ? J’arrive tout de suite.

-Merci…

Après avoir raccroché et rangé son miroir, Titus s’interrogea : où se trouvait le QG des Gammas par rapport à celui des POP ? Ah ouais, se rappela-t-il, il faut que je tourne à gauche et que je remonte le sentier jusqu’à la grande clairière…

Arrivé devant la majestueuse citrouille, il s’approcha en tirant sa baguette, s’apprêtant à signifier au grand végétal sa présence pour qu’il le laisse entrer, lorsque l’ombre fluette d’une jeune fille se profila sous une des feuilles géantes qui pendait du Cucurbitacée.

-Myo, c’est toi ? demanda-t-il la baguette levée.

La jeune fille aux cheveux verts-car c’était bien elle- courut alors vers le cowboy et se jeta dans ses bras en sanglotant bruyamment :

-Ma-ma vie est fichue, Titus, t’endends ?? C’EST TERMINE, T…E…R…M…INE !!!! OUUIIIIIINNN !!!

La tapotant dans le dos d’une manière qu’il voulait réconfortante, le ricain tacha de la regarder dans les yeux.

-Hey, du calme, ma grande, du calme. Explique-moi un peu ce qui t’arrive.

-C’-snif….c’est….

-Oui ?

-C-c’est l-le…

-Oui…? articula Titus qui commençait déjà à s’énerver.

-C’est le-le Docteur…

-J’EN ÉTAIS SUR !!!!! BON DIEU DE BORDEL DE CHIOTTE, QU’EST-CE QUE CET INSUPPORTABLE SALOPARD A ENCORE FAIT !!!!

Effrayée par ce brusque accès de colère, Myo recula d’un coup en tremblant, les yeux exorbités.

-Hahem, reprit le cowboy d’une voix plus calme, contrit. Désolé, excuse-moi. Qu’est-ce qui s’est passé avec Magouille ?

-Ilaunemaitresse… fit Myo tout-à-trac.

-De quoi ?

-Il a une maitresse ! Tu te rends compte ?! Je sais bien que j’avais vraiment aucune chance avec un homme comme lui, mais… mais….

Myo refondit en larmes sur l’épaule du ricain, incapable de se contrôler. Levant les yeux au ciel, Titus passa un bras autour de ses épaules, et l’accompagna devant la langue du Potiron qui s’étirait lentement devant eux, les invitant à entrer.

-Tu m’en diras tant… soupira-t-il. Allez, tu vas tout me raconter en détail, et moi je vais tacher de t’écouter, du moment qu’on peut s’enfiler une grande bouteille de Holly Grenade Rhum. Je crois que Screwface en a gardé une dans sa cambuse…

Sur ce, les deux amis s’engouffrèrent par la bouche de la citrouille géante, dont la langue s’enroula après leur passage, la bouche du végétal se refermant mollement.

Myosotis était attablée en face de son ami, le bras autour d'une bonne vieille bouteille de tequila pimentée qu'elle avait laissé fermenter depuis des mois, pour une bonne occasion.

L'occasion était assez bonne à son goût.

Le Holly Grenade Rhum était fini depuis belle lurette. Les quelques fonds de vodka et de gin, ainsi que les dizaines de bières qu'ils avaient trouvé en retournant la grande citrouille aussi.

Y'avait pas à dire, la jeune fille avait une bonne descente, particulièrement pendant ses baisses de moral. Titus en était impressionné.

-Et... et tu sais l'pire ? hoqueta-t-elle. C'est que j'ai enquêté jusque là bas juste pour prouver son innocence aux autres ! A ce vécrara... véraca... vréca... heu... à ce salaud !

Elle prit sa tequila, se servit un shot et le but d'un trait.

-Innocent, mes fesses ! Quand on va dans un troquet qui s'appelle « les Vélanes Courtisanes » tenue par une Lola Lèche-Lolo obèse, on est pas innocent !

Elle voulut taper son poing sur la table pour appuyer ses dires, mais la loupa et faillit perdre l'équilibre.

Titus hocha la tête, et finit cul sec son verre de Wizardscotch. Il commençait vraiment à être déphasé par l'abus d'alcool. Il oscillait doucement de droite à gauche, tout en gardant une oreille attentive aux plaintes de son amie. Mais, y'avait pas à dire, il préférait l'entendre grommeler sur Magouille plutôt que lui en vanter les mérites, comme elle le faisait habituellement.

Myo but un nouveau shot, et essuya sa bouche d'un revers de bras.

-Et... et tu sais l'pire ? fit-elle tristement.

-Tu viens pas d'me le dire ?

-Ouais mais tu sais l'pire que le pire ? C'est que je l'aime quand même ! Quelle idiote, j'te jure, mais quelle idiote ! Des fois j'ai presque l'impression d'être sous l'effet d'un sort tellement je suis attachée à lui...

L'americain grimaça, mal à l'aise. Tout le monde chez les Gammas savait qu'elle était effectivement sous l'effet d'un philtre qui avait mal tourné. Tout le monde, à part elle et les rares bizuts qui n'étaient pas là l'an dernier. Et personne n'osait lui dire, craignant la réaction de la hippie, qui était si sensible...

Mais peut-être qu'il était temps de lui dire la vérité ?

-Eh bien maintenant que tu en parles... commença le cowboy en se resservant une bonne rasade d'alcool.

-Je suis une cruche ! le coupa d'une voix geignarde Myo. Est-ce que je suis si repoussante pour qu'il ne veuille pas de moi ?

La jeune fille fondit en larmes sous le regard désespéré du cowboy.

-Mais non, pas du tout ! T'es pas laide !

-C'est... c'est parce que j'ai les cheveux verts et qu'ils brillent dans le noir comme s'ils étaient radioactifs ? couina-t-elle entre deux sanglots.

-C'est vrai que ça peut en déconcerter certains, commença Titus, qui se demandait comment il allait bien pouvoir finir cette phrase pour arrêter les larmes de son amie.

Il fut sauvé par Shakulu, qui entra dans la petite cuisine des Gammas, où les deux buveurs s'étaient installés.

-Hey, man, t'aurais pas des feuilles ? Oh sister qu'est-ce qui t'arrive, t'as encore perdu des boutures ?

Myo geignit quelque chose d'incompréhensible d'une voix rendue suraigue par le chagrin. Elle attrapa sa bouteille de tequila au piment, et en but une gorgée généreuse à même le goulot.

-Bon, ok. Maintenant ça suffit, on arrête le tir. trancha Titus en confisquant la bouteille de Myo d'une main ferme.

-Maaaaais !!! Laisse -moi ça, tu vois pas que j'en ai besoin ? fit-elle d'une voix geignarde.

-J'ai dit STOP ! Il faut se reprendre, tu comprends ? On a toujours un boulot à finir, et c'est pas prêt de s'arranger, alors il faut qu'on se bouge.

Le jeune sorcière hoqueta, puis regarda son ami d'un œil vitreux, ne semblant pas comprendre :

-Attends, qu'est-ce que tu veux dire par "c'est pas prêt de s'arranger" ?

-Je vais faire simple : on a pas la formule. Il est impossible de la récupérer au Bâtiment de Magie Expérimentale, maintenant. On a bien croisé Schneider au R.U- un sacré coup de bol d'ailleurs-mais même lui n'a pas bien vu la tronche de Jasper lorsqu'il l'a surpris au club de chorale !

Au fur et à mesure que le cowboy faisait son rapport à Myo, cette dernière semblait reprendre confiance en elle, dessoûlant à vue d'œil.

-Pour finir, on a fouillé la chambre de ce coyote chez les Pi Omicron Pi, et devine ce qu'on a trouvé ?

-Des posters de picturines moldues ? Des figurines d'aurors célèbres dans des vitrines ??

-Tu marques un point pour les posters, mais on a bien mieux que ça : Un message de menace !! annonça le ricain de manière théâtrale.

-T'es sérieux, là ? fit le jeune fille chlorophyllée, estomaquée.

-Un peu, ouais ! Ca venait d'un type -ou une femme, sait-on jamais ?- qui lui donnait rendez-vous dimanche matin en salle 206 du Bâtiment de M.E ! Ce foie jaune devait le faire chanter, et bien comme il faut !

-Ben mon vieux... Et Kim où est-elle ?

-Elle est restée sur place pour demander des infos supplémentaires à son frangin, des fois que... J'espère que ça ira pour elle.

-Comment ça ?

-Ben, à vrai dire, il était plutôt en pétard quand j'suis parti. Remarque, moi aussi je le serais si un type débarquait au Potiron sans dire bonjour ni merde et défonçait une porte à coup de tatanes...

Myo secoua la tête, blasée : Titus ne loupait jamais une occasion de brusquer les gens, sans aucune gêne. Les deux amis étaient penchés sur leur table à présent, au bord de leurs chaises, les godets et bouteilles vides poussés de côté. Si forte était leur concentration, qu'ils n'avaient même remarqué les deux levers et couchers de soleil successifs, dus au passage forcé du temps.

-Mais... si on a pas la formule, s'inquiéta Myosotis, qu'est-ce qui nous dit que Johnson va la retrouver tout seul ? C'est un sortilège expérimental après tout !

Titus s'affaissa sur son siège en soupirant.

-Tu viens de mettre le doigt sur le problème... Sans ça, Malicia et Curie ne pourront pas élaborer d'antidote, et tout ça risque de dégénérer encore plus que maintenant !

Myo demeura songeuse. Se passant les mains sur le visage, Titus réfléchit intensément :

-Mais comment on va faire pour retrouver cette bon dieu de formule, hein ?

Myo lorgna sur la bouteille que lui avait confisqué son ami... mais après tout, ce dernier avait raison. Elle se morfondrait dans la drogue douce et la boisson une fois que le sortilège aurait laissé leur université tranquille.

Elle soupira longuement, et réfléchit un moment au problème que Titus lui avait exposé...
Vu comme ça, ça avait l'air insoluble. La formule avait disparu pour toujours, il n'y avait plus qu'à espérer que ce pauvre Jasper puisse la refaire. Enfin, si on le retrouvait un jour, lui aussi. Myo espérait que son amie Kim en apprendrait plus de ce côté là. Ou alors que l'indien à l'accent fleuri parviendrait à réaliser son sort exotique pour le faire apparaître devant lui. Bizarrement, la fille aux cheveux verts n'y croyait pas trop.

Bref, les enquêteurs étaient dans la mélasse.

Et le pire dans tout ça, c'est que Kimberlie, Titus et elle l'avaient déjà vu, cette foutue formule !

Cette pensée lui fit l'effet un électrochoc, et elle s'exclama :

-Hey.. Mais... on l'a déjà vu, la formule, au fond !

Le cowboy jeta sur elle des yeux blasés :

-Parce que t'es capable de la recopier de tête, peut-être ? pesta-t-il. Moi j'me rappelle juste d'une suite de bidules et de trucs incompréhensibles. Rha, si je retombe sur cette foutue irlandaise dérangée, j'te jure, j'lui arrache sa tête de schizophrène mal coiffée !

La fille chlorophylle haussa les épaules, habituée à la mauvaise humeur de son ami :

-C'est sûr, mais... on est des sorciers, après tout ! On pourrait utiliser de la magie !

Titus leva un sourcil.

-Tu penses à quoi ?

-Heu... C'est peut-être une bêtise, mais... Si on avait une... comment ça s'appelle, déjà ? Le truc où on mets ses souvenirs ?

-Une pensine ?!

-Ouais ! Si on avait une pensine, il suffirait qu'on se replonge dans notre mémoire et qu'on recopie la formule, non ?

Titus considéra un long moment la proposition.

-C'est pas con, finit-il par avouer. Enfin, à un détail près.

-Lequel ?

-T'as une pensine, toi ?

-Ben, non...

-Moi non plus, et je mettrai ma baguette au feu que Kim n'en a pas non plus. Ni aucun gars de notre fraternité. C'est super rare ! Et ça doit valoir dans les 9000 gallions, si c'est pas plus !

Le silence retomba à la table des deux Gammas, pesamment.
L'étudiante le brisa d'une voix douce :

-Peut-être qu'on pourrait aller demander au docteur Mag...

-Oublie ça, la coupa froidement Titus.

Myosotis baissa la tête, particulièrement déçue.

Les deux Gammas se replongèrent dans le silence. Presque aussitôt, deux rires gras s'élevèrent au dehors.

Piqués par la curiosité, nos deux amis regardèrent par la fenêtre :

-Mais qu'est-ce que... ? Fit Myo en voyant le soleil briller.

-Mais qu'est-ce que... s'exclama Titus à ses côtés.

Il désigna deux gros insuffisants à l'air benêt, qui jouaient à mettre du sable dans une pensive à l'aide d'une petite pelle de plage.

-Héééé Crabbe, c'est un bien beau bol, que t'as là !

-Hééé Goyle, oui, je viens de le trouver dans la poubelle ! C'est mon bol !

-Hééé donne le moi !

-Non c'est à moi !

-Non donne-le moi !

-Non c'est à moi !

-Non donne-le moi !

-Non c'est à moi !

-Non donne-le moi !

-Non c'est à moi !

-Non donne-le moi !

-Non c'est à moi !

-Non donne-le moi !

Titus sauta à travers la fenêtre, suivie de Myo.

-Bande de crétins, donnez-moi cette pensine !

-Non c'est mon bol ! S'écria Crabbe, avant de s'enfuir en courant.

-Non c'est le mien ! Hurla Goyle en le suivant.

Titus pesta, et les deux Gammas s'élancèrent à leur poursuite.

-Bon, qui est partant pour un plongeon dans un de ses souvenirs ? demanda Titus.

-Moi moi moi moi ! glapit Griselda, surexcitée.

-Nan, pas toi, trancha sèchement le cowboy. Kimberlie ?

-Ben... fit Kim, c'est pas que je suis pas chaude pour un énième trip, mais je manque de sommeil, j'ai mal au crâne, et la course-poursuite n'a rien arrangé !

-Moi je veux bien, décréta Myo, qui venait enfin de reprendre son souffle. Quelqu'un a un parchemin et une plume ?

-Ouip ! aquiescça la métisse, en lui passant ce qu'elle venait de demander.

Myosotis ferma les yeux, et se concentra sur le moment où ils étaient dans la salle de la formule, quelques jours plus tôt. Elle tendit sa baguette vers sa tempe, et une sorte de flux scintillant argenté fit le voyage entre sa tête et le récipient.

-Bon, quand faut y aller... souffla-t-elle.

Elle se pencha au dessus de la vasque, et eut l'horrible impression de tomber du haut d'une falaise. Elle émit un couinement apeuré, puis ferma les yeux.

Lorsqu'elle les rouvrit, elle était dans la pièce de Magie Expérimentale.
Un tourbillon de paillettes virevoltait en son centre de la pièce. Myosotis vit son double en saisir une, et la porter à sa bouche. Comme c'était étrange de se voir soi-même, sous toutes les coutures ! Ses cheveux avaient l'air encore plus verts vu d'ici.

-Beurk. C'est bien les mêmes paillettes, fit Myo du passé.

Myo du présent fronça les sourcils s'entendant elle-même :

-J'ai vraiment cette horrible voix de greluche ?!

Elle eut très vite la confirmation que oui : elle regarda son double lever son bras au plafond, et entonner d'une voix digne d'une héroïne naïve de dessin animé moldu :

-Coooonfesser mon amour au doyeeen ! ♪ Pour..

-Myo, j't'aime bien, la coupa Titus, mais vraiment : FERME-LA ! Parce que tes chansons à la mords-moi le nœud sur ton amour pour Magouille...

Un trio de Gamma venu de nulle part entourèrent le cowboy, et chantèrent à l'unisson :

-Ça l'énèèèèèèrve ! ♪

L'americain sursauta et se tourna, mais les trois étudiants avaient déjà disparu.

-Laissez tomber, je ne suis pas mon frèèèère ! ♪ commença à entonner Kimberlie.

-Ah non, pas toi aussi ! pesta Titus.

-Mais c'est pas ma faute, fit la batteuse, le sortilège a l'air plus puissant que jamais ici !

-Ben qu'est-ce qu'elles ont mes chansons sur le Dr Magouille ? bredouilla la deuxième Myo, l'air surpris.

La Myo du présent sourit en voyant l'échange entre les trois Gammas. Comme elle avait sortit ce souvenir de son esprit, elle ne se rappelait pas du tout de cette scène !... Mais très vite, elle se reprit.

-Allez, ne perds pas de temps, ma fille, fit-elle à elle même.

Elle s'avança vers le tableau de la formule, sortit la plume et le parchemin, et entreprit de recopier le tout, ce qui n'était pas une mince affaire puisqu'elle ne comprenait pas un traître mot de ce qu'elle esquissait.

Une fois qu'elle eut fini, elle baissa ses paupières, et se concentra pour revenir en arrière.
Elle rouvrit les yeux, et vit Titus, Kim et Griselda qui la fixaient d'un air intéressé.

-Aloooors ?

-J'ai la formule !

Myosotis secoua le bout de parchemin, qui désormais était noir d'écritures.
Titus le saisit, et en fit aussitôt un duplicata avec sa baguette :

-On a tellement bataillé pour l'avoir, j'ai pas envie qu'une folle furieuse nous la perde encore une fois !

Il jeta un regard lourd de sens vers Griselda, qui ne se rendit compte de rien.

-Qu'est-ce qu'on va faire de la pensine ? demanda Kim, en soupesant le luxueux objet. La rendre à Crabbe et Goyle ?

-Ça va pas ? pesta l'américain avec mauvaise humeur. Ils ont dit qu'ils l'avaient trouvé dans une poubelle ! Ça serait un pur gâchis !

-On pourrait la revendre et acheter des Lethifolds avec l'argent ? proposa l'Irlandaise en frottant son visage contre le chiffon sale. Non Lethifold ? Tu aimerais avoir un petit frère ou une petite sœur ?

Myo, qui était restée muette, en pleine réflexion, poussa un long soupir. Elle venait d'avoir une idée...

-Dites... ça vous dérange si je vous l'emprunte un moment ? demanda-t-elle de sa voix douce, étrangement triste tout à coup.

Les deux Gammas la dévisagèrent un moment.

-Euh... non, pas du tout, finit par dire Kim.

La hippie hocha la tête, et prit la pensine en mains.

-Myo, t'es sûre que ça va ? demanda Titus, en plissant les yeux.

-Oui, oui, tout baigne ! déclara la jeune fille aux cheveux verts en forçant un sourire. Vous devriez aller rejoindre les autres et leur donner la formule ! Moi je vous rejoins plus tard ! J'ai... un truc à faire !

-Se rassembler à midi, fit Titus interloqué. On va directement les trouver, ouais !!! Maintenant qu'on a enfin cette saloperie de formule, on va la refiler aux autres fissa et on va se grouiller de faire ce bon dieu d'antidote !!!

-Ok, ok répondit Kim précipitamment. C'est bien Curie et Malicia qui devaient se charger de l'élaborer, non ?

-Yep, le souci c'est que je sais pas trop où elles habitent, moi...

-Ben, à Mysteria Lane comme tout le monde ! lança joyeusement Griselda en bondissant entre les deux Gammas. C'que tu es bête, mon namoureux !

-Ah ouais, grogna le cowboy dont les tics nerveux avaient réapparu dès l'irruption de l'irlandaise, et tu saurais pas où exactement ?

Griselda éclata de rire :

-Mais je viens de te le dire ! Tu me fais marcher, hein ? C'que t'es drôle !

-Oui, bon ça va ! s'impatienta Kim. Si on de nouveau besoin de ton avis éclairé, on te sonnera !

Le cowboy soupira et sortit son vieux miroir :

"Malicia McGuire !" l'objet magique brilla d'une pale lumière blanche... Mais rien ne se passa.

-Elle l'a pas sur elle ? demanda Kimberly.

-On dirait que non. Super, on fait quoi, maintenant ?

-J'en sais rien, fit la bizut, dépitée. Et Om, l'hindou ? Il en est où avec son rituel bouddhiste, ou je sais plus trop quoi ?

-Ouiiiiii !!! s'exclama Griseldu, appelons mon meilleur ami Omiiii !!

Avant que les Gammas ne disent quoi que ce soit, la Pi Omicron Pi siphonnée se jeta sur le miroir de Titus et hurla :

"OM RAJESH KAPOOR !!!"

La lumière blanchâtre émanant du miroir scintilla de nouveau. Ulcéré, le sorcier ricain s'apprêtait à stupéfixer sur place la folle au Lethifold lorsqu'une voix au ton désemparé se fit entendre :

-Na...namaste...

-Om, demanda le cowboy, c'est toi ?

-Bien sûr que c'est moi... J'aurais pensé que l'apparition de mon faciès sur la glace de ton miroir t'en aurais donné confirmation.

-HO ! On se calme, mon vieux ! s'énerva Titus. T'en es où de ton rituel, là ?

- Lucrécya et moi-même avons bien fait quelques tentatives, mais elles furent loin d'être probantes...

"RAJEEEESH !!! hurla une voix dans une langue bizarre, en fond sonore. A QUI PARLES-TU ENCORE ?!"

-Veux-tu bien m'excuser un instant, mon ami ?

Sans attendre la réponse de Titus, l'hindou se tourna, le teint livide :

"UN CAMARADE UNIVERSITAIRE, MA SŒUR !!! IL VIENT M'AIDER POUR MON ENQUÊTE !!!"

Il se retourna vers le cowboy, le visage plein d'espoir :

-Tu viens bien m'aider, n'est-ce pas ?

-Mouais, marmonna Titus, on arrive... Où es-tu exactement ?

-Chez notre douce amie Malicia McGuire, au 17 allée des Saules charmeurs : Curie Campbell et elle sont à l'étage en train d'étudier de précieux manuscrits en vue de l'élaboration du contre-sortilège !

-Génial ! s'exclama Kim. Ils sont quasiment tous au même endroit ! Ça va nous faciliter la vie !

Titus observa l'endroit où lui et son "équipe" se trouvaient à l'heure actuelle. Il réfléchit deux secondes, puis se tourna vers ses comparses, un sourire en coin :

-Et à force de courir après les deux abrutis, on s'est rapproché du quartier résidentiel ! On est grosso modo à dix minutes de chez elle, en bourrant bien !

-Que dis-tu, demanda Om, perplexe.

-On arrive, pied-tendre ! Comptes un quart d'heure max avant notre arrivée ! Et on a la formule avec nous !!!

-Shiva en soit louée ! s'écria l'hindou, soulagé. A tantôt, dans ce cas !

La lumière du miroir magique s'estompa alors que le ricain le rangeait dans sa poche.

Titus, Griselda et Kimberly se dirigent vers :arrow: "Les dessous de l'histoire" à MYSTERIA LANE

Myosotis avait trouvé refuge dans la chambre qui était désormais la sienne, au premier étage de la Grande Citrouille. Assise en tailleur sur son lit, elle fixait la jolie pensine gravée, qu'elle avait posé sur sa couette moelleuse, devant elle.

C'était là, la solution. Avec ça, finies les attentes déçues, finies les souffrances, finies les larmes amères. C'était si simple ! Penser au docteur Magouille ne lui avait jamais rien amené de bon, et pourtant, elle n'arrivait pas à faire un trait sur lui. Elle était accroc à lui encore plus sûrement qu'elle l'était à l'herbe magique, elle en avait mal au ventre tellement elle était amoureuse de lui... et tout ça pour finir toujours seule dans le noir, en pleurant le soir, entourée de photos de son idole fixées sur le mur par un sortilège.

Il fallait que ça cesse. Il fallait qu'elle l'oublie.

Elle était à un coup de baguette d'y parvenir, songea-t-elle, alors qu'elle pointait l'instrument contre sa propre tempe... Mais pourquoi il fallait que sa main tremble ainsi ?!

Myo lâcha sa baguette en hoquetant. Des larmes brûlantes lui brouillait la vue. Elle se pencha vers la pensine, et une larme tomba dans le fond de la vasque magique.

La jeune femme leva un sourcil : la larme fit des ridules dans le fond du récipient qui miroita un moment dans une lueur argentée. Il y avait des souvenirs dans cette pensine, qu'elle croyait pourtant vide ! Elle avait déjà réintégré le souvenir de la formule... alors à qui appartenait ceux-là ?

La Gamma se pencha en avant, piquée par la curiosité... et, perdant l'équilibre, elle tomba la tête la première dans l'objet magique. Aussitôt, elle eut à nouveau cette horrible impression de tomber de haut, et elle ferma les yeux sous la terreur.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle se trouvait dans un endroit qu'elle n'avait jamais vu. C'était, semblait-il, la pièce d'un vieux château aux lourds murs de pierre. De nombreux lits blancs s'alignaient, les uns à côté des autres. Quelques potions médicales ainsi qu'une grosse seringue posée sur une table finirent par convaincre la fille-chlorophylle qu'elle était dans une infirmerie.

Elle avança de quelques pas, et vit Drago Malefoy allongé sur un lit, un de ses bras en écharpe. Il portait un uniforme scolaire sombre, où la seule touche de couleur venait de sa cravate verte.

En face de lui, Lucrécya, que Myo avait connu à Beauxbâtons puis revu à la WoW, se tenait droite comme un piquet, pointant la batte qu'elle tenait la main vers le blondinet.

Comme il n'y avait qu'eux dans la pièce, la Gamma devina que le souvenir appartenait à l'un d'eux.

La petite brune ricana de sa voix éraillée.

-Dis-moi… Tu comptes "tomber dans les escaliers" encore longtemps ?

Drago plissa ses yeux bleu acier, méprisant :

-Que veux-tu dire par là, Rincevent ?

-Je veux dire que moi, contrairement à cette chère Malicia, j’ai TOUT compris ! Et je ne vois vraiment pas ce qui me retient d’aller lui expliquer…

Lucrécya esquissa un sourire en coin.

-Tu n'as rien compris du tout ! pesta le blondinet.

-Tu fais exprès de te faire mal pour qu'elle vienne te voir à l'infirmerie parce que tu ne veux pas que les gens sachent que tu fréquentes une Gryffondor.

Drago grogna.

-Combien pour ton silence, Rincevent ? soupira-t-il au bout d'un moment.

Lulu toisa le jeune homme du haut de son mètre cinquante :

-L’argent, Malefoy, toujours l’argent ! On ne peut pas tout acheter ! Je ne suis pas intéressée ! Avant tout, je suis votre amie, à vous deux, et…

Le jeune homme la coupa dans sa tirade :

-Vingt gallions !

-Vendu !

La petite batteuse partit d'un rire sardonique, qui résonnait encore aux oreilles de Myo alors que le décor s'était déjà évanoui.



Une nouvelle pièce fit son apparition.
Trois lits à baldaquins aux tentures couleur émeraude y étaient disposés. Une lumière verte diffuse éclairait les lieux, à travers de hautes fenêtres en forme de hublots.

-Mais où suis-je ? murmura la jeune Gamma à elle-même.

Elle sursauta en voyant Drago Malefoy, qui lisait tranquillement, assis sur un des lits. C'était donc à lui qu'appartenaient ces souvenirs !

-Dis, Dragochou, je peux t'emprunter une cape ? J'ai oublié la mienne dans la salle commune des Gryffondors ! fit une voix suraiguë derrière elle.

Myo se retourna, et vit Malicia McGuire entrer dans la pièce. Elle paraissait plus jeune qu'elle ne l'était aujourd'hui, mais ça tenait sans doute au fait qu'elle n'avait pas de cernes, et que ses cheveux joliment dorés étaient coiffées en deux couettes. Elle portait une jupe plissée à motifs à carreaux, aussi rouge que la cravate qu'elle arborait autour du cou.

-Oui, fais donc, fit-il d'une voix traînante, en souriant à la métisse.

Malicia s'avança en gambadant vers une grande armoire, et ouvrit la porte. Une vague d'horreur passa sur le visage de Malefoy, qui s'exclama :

-Non pas celle-là !

Il se précipita sur son placard, et se plaqua contre la porte. Une petite boîte eut tout de même le temps de tomber sur le sol.

-Je ne cache rien ! fit-il précipitamment, avant que Mali n'ait eu le temps de dire quoique ce soit.

-Je n'ai rien dit...

-Tu me soupçonnes. Je le vois dans tes yeux.

-Mais pas du tout !

-C'est ce qu'on dit.

La jeune métisse soupira, et agita sa baguette :

-Accio boîte !

Drago grimaça et pesta alors que la petite boîte tombée à terre arrivait dans les mains de Malicia. Cette dernière éclata de rire :

-"L'Idéal, 120% COLOR, à  la vitamine Z." C'est une coloration capillaire ?

-Non, trancha Malefoy. Et puis d'abord, elle appartient à Crabbe.

-Il y a écrit "Blond Chérubin".

Une moue gênée se dessina sur le visage du jeune homme :

-Oui. Il m'a dit qu'il voulait essayer.

-Crabbe t'a dit ça ?

-Oui. Oui, il me l'a dit.

-Dragounet... Tu te teins les cheveux ! s'exclama Malicia, un sourire amusé aux lèvres .

-Je n'écouterai pas une seconde de plus ces accusations délirantes, affirma Drago, mal à l'aise.

-T'es quoi en vrai ? Roux ? Et bientôt tu vas me dire que tu as les yeux noirs, que tes dents et ton nez ne sont pas les tiens et que tu portes des talonnettes parce qu'en vrai tu fais 1m30 ! se moqua la jeune fille.

Le visage de Malefoy prit une teinte rouge qui lui était inhabituelle :

-Ce n'est pas une honte de porter des talonnettes, s'emporta-t-il. J'ai toujours rêvé de mesurer exactement 1m75 ! Et à deux centimètres près j'y étais ! Tu m'entends ? J'y étais !

Malicia le regarda, bouche bée. Derrière elle, Myosotis faisait de même, tout en se demandant si cette intrusion dans la mémoire d'autrui était bien éthique.

-Je plaisantais.. articula la métisse au bout d'un moment.

Drago sembla paniqué quelques secondes. Puis, il se racla la gorge, et reprit, l'air de rien.

-Moi aussi, je plaisantais. Je ne porte pas ce genre de choses. Mais je soupçonne fortement Marcus d'en porter. Ce n'est pas naturel d'être aussi grand ! Idem pour Crabbe et Goyle. Et Rogue. Et Dumbledore. Et...

-Et donc tu n'es pas blond, le coupa Mali.

Drago se plaqua à nouveau contre les portes de son armoire.

-Si. Et tu n'as aucune preuve du contraire !

D'un coup de baguette, Malicia le poussa, et ouvrit le placard. Elle écarquilla les yeux de surprise : des colonnes et des colonnes de "L'Idéal, couleur Blond Chérubin" emplissait le meuble, tels des étalages de marchandises dans un grand magasin.

-"Blond Chérubin". Eh bien dis-moi : Crabbe a une obsession ! Et il a tellement de boîtes qu'il les a mise dans ton armoire à toi ! rigola la jeune fille.

-Mais je suis blond naturellement ! Pas comme toi ! A qui veux-tu faire croire que cette chevelure dorée est naturelle ? fit-il en la pointant d'un doigt accusateur.

Malicia s'offusqua :

-Mais c'est pourtant le cas ! J'ai les mêmes cheveux que ma maman !

-Là n'est pas la question. Je suis blond. Tu pensais que mes cheveux étaient quoi ? Blancs ? Blancs de naissance ? Comme mon père ? Comme mon grand-père ? Et comme son père avant lui ?!

Il s'effondra, au bord des larmes :

-Tu pensais que j'avais les cheveux blancs !? Blancs ! Blancs comme neige ? De la racine aux pointes ? Et qu'il me fallait une boîte de coloration par mois pour laver ce déshonneur génétique ? Eh bien oui ! OUI ! Je l'avoue ! Tu es satisfaite ?

-Mais voyons...

Malicia s'approcha du faux-blond, et posa une main amicale sur son épaule :

-Je me fiche de ta couleur de cheveux ! Et de ta taille, d'ailleurs ! Tu pourrais être brun, roux ou même avoir les cheveux de toutes les couleurs, c'est pas grave ! Je t'aime comme tu es, à l'intérieur !

Drago, un poil gêné, ne put s'empêcher de sourire.

Myosotis soupira d'aise devant cette scène qu'elle trouvait toute mignonne. Mais presque aussitôt, le décor changea, dans un tourbillon de couleurs.



Éblouie, la fille aux cheveux verts se frotta les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, elle réalisa qu'elle se trouvait désormais à l'extérieur.

A sa droite, Malicia et Drago se baladaient au clair de lune, au bord d'un lac scintillant. Derrière eux, Crabbe et Goyle suivaient, en portant conjointement un gros panier en osier.
Non loin, on pouvait voir un majestueux château éclairé de mille bougies, que Myosotis reconnut comme étant l'école de Poudlard, dont elle avait déjà vu une photo dans un magazine.

-Oh, Dragochou, c'est si romantique ! soupira la jeune métisse, un sourire béat aux lèvres.

-N'est-ce pas ? Mon idée de pique-nique nocturne était définitivement une bonne idée.

-Oh oui ! Ça valait le coup de sortir en douce ! s'extasia Malicia en sautant au cou de son petit-ami.

Drago hocha la tête, particulièrement fier de lui. Puis, d'un coup, il ouvrit les yeux d'horreur : un petit groupe venait vers lui en courant.

-Ciel ! Des Serpentards !

Ni une ni deux, le jeune homme poussa sa petite-amie dans un énorme buisson d'aubépines, sous le regard choqué de Myosotis.
La pauvre métisse tomba en glapissant.

Le petit groupe vint à lui, et s'arrêta en l'apercevant : il s'agissait en fait de l'équipe de Quidditch de Serpentard, qui faisait un footing collectif. A leur tête, leur capitaine, Marcus, volait sur un balai flambant neuf.

-Ben alors, Malefoy, qu'est-ce que tu fous là ? T'as oublié qu'il y avait entraînement ce soir ?

Drago jeta un coup d’œil aux autres joueurs : rouges de fatigue, trempés de sueur, les pauvres malheureux profitaient de cette pause inattendue pour haleter à qui mieux mieux.

-Euh... J'avais mieux à faire, trancha le blondinet.

-Ah oui, quoi ? s'étonna Marcus.

-On fait un pique-nique nocturne ! lança Crabbe, particulièrement fier de lui, en faisant balancer le gros panier qu'il portait d'avant en arrière.

-Même que c'est super romantique ! renchérit Goyle, un sourire jusqu'aux oreilles.

Drago leur lança un regard noir pour leur intimer de se taire.

Marcus, quant à lui, fixait son ami avec appréhension.

-Je.... Je te voyais pas comme ça, Malefoy... finit-il par dire, suspicieux. Eh bien... Je te souhaite un bon pique-nique romantique avec... Crabbe et Goyle...

Il s'éloigna sur son balai, hurlant sur ses pauvres joueurs qui, épuisés, se remirent néanmoins à courir.

Une fois que tout ce monde se fut assez éloigné, Drago se précipita sur le buisson, et aida Malicia à se relever.

-Mali, ça va ?

-Tu as honte de moi ! pesta la jeune fille, en époussetant ses habits.

-Évidemment ! Tu es une Gryffondor !

Malicia leva les yeux au ciel, et tourna les talons vers le château, à l'évidence bien décidée à rentrer. Mais Drago lui agrippa le bras :

-Attends ! Es-tu fâchée ?

-A ton avis ?! lui rétorqua la jeune fille.

Le blondinet ouvrit des yeux paniqués :

-Mais mais mais... je t'aime même si tu fais partie de la maison de cet ignoble Harry Potter, et ohmondieuohmondieuohmondieu tu vas me quitter tout est fini et c'est à cause de moi tu vas me laisser seul tout seul ohmondieuohmondieu ! Pitié, ne me quitte pas !

Mali soupira, en voyant l'air plus blême que d'habitude de son petit-ami :

-Tu sais que tu es grave des fois ?

Elle s'autorisa un petit sourire :

-Bon, on le mange ce pique-nique ?

Avant que Myosotis n'eut le temps de faire quoique ce soit, la scène changea à nouveau, dans un mélange troublant de sons et de lumière.



Elle se trouvait désormais sur le quai d'une gare achalandée. Des centaines d'adolescents descendaient d'un long train pourpre, avant de se jeter dans les bras de leurs parents, dans des cris de joie et un brouhaha de bavardage.

Au centre du quai, Malicia et Drago se tenaient les mains, tristes.

-Mon cocher est arrivé. Père et Mère n'ont pas cru bon de venir me chercher, souffla le blondinet, avec dépit.

Il baissa les yeux vers Mali :

-Au revoir, fit il. Tu... tu vas horriblement me manquer.

-Oui, toi aussi tu vas me manquer, couina la jeune fille d'une toute petite voix.

Drago pinça les lèvres, puis tourna le dos à Malicia, sous le regard déçu de cette dernière. Soudain, il sembla se rappeler de quelque chose et se retourna vers elle :

-Au fait : tu es invitée pour l'été au Manoir Malefoy.

Mali afficha un sourire lumineux :

-Tes parents ont accepté ? fit elle, aux anges.

Drago eut l'air agacé :

-Ils n'accepteront pas quand je leur demanderais, grommela-t-il. Je compte les mettre devant le fait accompli. Au pire, je te cacherai dans l'Aile Ouest, elle est en travaux.

Le sourire de Mali s'estompa.

-L'aile Ouest ? bégaya-t-elle, peu convaincue.

-Allons, un sourire ! s'exclama Drago avec entrain . Je t'ai invitée ! N'es-tu donc pas contente ?

-Tu plaisantes ? Je suis ravie !

Drago hocha la tête, satisfait.

-Je t'envoie un hibou dans la semaine !

Il s'éloigna à nouveau, slalomant entre les nombreux élèves qui restaient sur le chemin pour papoter une dernière fois avec leurs amis.

Puis, Myo le vit s'arrêter, et se retourner pour contempler Malicia, un sourire aux lèvres.

Cette dernière, au milieu de ses nombreuses valises et de la cage de sa chouette rose, semblait mélancolique. Mais une voix éraillée la tira de ses pensées :

-Mali !

-Lustucru ?

Lucrécya courait vers son amie, un énorme ventre de femme enceinte la précédant. Myosotis écarquilla les yeux en l'apercevant.

-Maman m’a donné une minute pour te dire au revoir ! fit la petite brune.

Malicia ne put s’empêcher de sourire :

-Oh, Lustucru ! Je savais que tu ne pouvais pas partir comme ça !

-Moi non plus, je ne pouvais pas partir comme ça ! fit une voix masculine.

Les deux filles tournèrent la tête, et sursautèrent : Marcus Flint, venu de nulle part, les fixait en souriant de toutes ses dents.

N'y tenant plus, Drago courut vers eux en souriant.

-Attendez-moi, bande d’abrutis ! Vous pensiez vraiment que j’allais partir sans que vous me fassiez vos adieux ?!

Les quatre se regardèrent quelques secondes en chien de faïence, puis se jetèrent d'un même élan dans les bras les uns des autres.

-Vous allez me manquer !

-Il faut qu’on se revoie souvent ! Vous me le promettez !

-Mes amis ! Vous êtes mes meilleurs amis ! Mes seuls amis !

-Je vous aime ! Je vous aime tous !

Malicia essuya les larmes qui perlaient à ses yeux d'un revers de mains :

-Il faut pas qu'on pleure ! Au pire, on se revoit tous les quatre dans deux mois, à l'université !

Les trois autres, les lèvres tremblantes et les yeux un peu trop brillants, hochèrent la tête.

-Bon, faut vraiment que j’y aille, avant que maman revienne me chercher pour m’étriper, soupira Lucrécya.

La main sur son gros ventre, elle agrippa le bras de Marcus, et les deux s’éloignèrent en faisant de petits gestes à leurs amis.

-Bon, fit à son tour Drago, je ne devrais pas trop faire attendre mon cocher, il est payé à la minute… Alors... on se voit bientôt !

Il sembla hésiter un moment, puis s'élança en avant, et embrassa par surprise la métisse.
Puis il s’éloigna d’un pas digne, sans se retourner, laissant une Malicia au sourire béat derrière lui.

Myosotis regardait la scène, attendrie.

C'était si mignon... Mais pourquoi Drago avait-il enlevé ces jolis souvenirs de sa mémoire ?
Dès qu'elle eut formulé cette question dans son esprit, la hippie soupira : elle connaissait la réponse. C'était pour oublier Malicia, comme elle-même avait décidé d'oublier le docteur Magouille.

En soupirant à nouveau, elle ferma les yeux et essaya de se faire mentalement basculer en arrière, pour revenir dans le réel, comme elle l'avait fait lors de sa première utilisation de la pensine.

Mais au lieu de se retrouver directement dans sa chambre, un kaléidoscope d'images lui passa devant les yeux, à toute vitesse.

Malicia, Lucrécya, Drago et Marcus entourant un gros chaudron bouillonnant, le fixant d'un air inquiet.

Les quatre même en train de boire des bieraubeurres et de rire, assis autour d'une table ronde dans un pub.

Malicia et Drago en train de s'embrasser derrière la statue d'une vieille sorcière, alors que des élèves passaient non loin sans les voir.

Drago sur un balai, pendant un match, recevant avec surprise dans ses mains un vif d'or que venait de cogner Lucrécya avec sa batte, puis regardant aussitôt en contrebas la métisse qui agitait des pompons pour lui.

Malicia en train de pleurer, se jetant dans les bras du blondinet.

Malicia en belle robe de bal bouffante, qui fixait, énervée, les bras croisés, un Drago penaud.

Malicia en train d'étudier un grimoire poussiéreux presque aussi grand qu'elle.

Malicia dans un accoutrement de princesse de conte de fée, en pleine discussion avec une Lucrécya déguisée en Cléopâtre, réalisant que Drago la regardait et lui lançant un sourire étincelant .

Malicia serrant dans ses bras une chouette rose et dodue, et lui faisant plein de bisous.

Malicia, décoiffée et les yeux gonflés de sommeil, en train de mordre dans une tartine beurrée qu'elle venait de faire voler vers elle avec sa baguette.

Des dizaines, des vingtaines de flash de la jolie métisse s'imposèrent à son regard, de plus en plus vite.

Puis d'un coup, Myosotis retomba sur le dos, sur sa couette, le cœur battant.

La pensine était tellement pleine à craquer de souvenirs qu'elle n'avait pas voulu la faire revenir dans le présent aussi facilement.

La jeune femme aux cheveux verts se redressa, un peu hébétée.

Elle avait changé d'avis maintenant. Jamais elle n'effacerai Magnus Magouille de son cerveau. Et Drago, sans le savoir, l'avait aidé à faire ce choix. Elle savait désormais qu'il y avait pire que de pleurer à cause d'un chagrin d'amour : il y avait l'oubli.

C'était tellement triste de penser que Drago n'avait plus ces souvenirs ! Qu'il n'était plus que la coquille vide de ce qu'il avait été !
Myo se promit de lui en parler, dès qu'elle le reverrait. Avec des cookies, si possible.

Bon, ce n'était pas tout, mais ses amis l'attendaient certainement. La Gamma agita sa baguette devant la pensine, et récita :

-Reducto !

Le récipient rétrécit, jusqu'à prendre la taille d'un dé à coudre. La jeune fille le rangea dans sa poche , puis, se mit en route.


:arrow: "Les dessous de l'histoire" à MYSTERIA LANE