Devant le Grand Potiron, Myosotis soupira.

-Je suis inquiète... J'ai peur de ce que vont dire les autres. Oh puis Screwface... Il doit être tellement déçu...

Titus lui posa une main amicale sur l'épaule :

-Je suis sûr que ça va aller, Myo. Screwface sera compréhensif.

Kim, Titus et elle discutèrent encore quelques instants, mais pour la jeune fille aux cheveux verts, c'était plus une façon de retarder son entrée qu'autre chose. Elle craignait énormément la réaction de ses camarades.

Finalement, elle leva les yeux vers la maison-citrouille, et, sous le regard étonné de ses amis, elle se jeta contre le mur orangé et fit un câlin au cucurbitacée géant. C'était sa manière à elle de s'excuser, pour le manque de respect que les Pi Alpha Fi avaient fait preuve, par sa faute, envers la mascotte des Gammas.
Ce dernier, comprenant la jeune fille aux cheveux verts, ronronna un moment, puis tapota le dos de l'étudiante avec une gigantesque feuille. Puis il ouvrit sa bouche-porte, et étira lentement sa longue langue végétale pour laisser rentrer les trois Gammas.

Lorsque les autres l'accueillirent avec froideur, la jeune fille-chlorophylle, le regard triste, monta directement dans la pièce qui lui servait de chambre depuis qu'elle avait lâché l'horrible petit studio qu'elle avait auparavant. Elle entendit l'explosion de joie de ses amis envers Titus et Kim, et soupira à nouveau.

Les murs étaient couverts de photos du docteur Magouille, venant de divers journaux ou prises à l'insu du doyen. Myo les regarda avec tristesse, puis détourna les yeux. Il lui manquait tant !

La table, les étagères et le moindre recoin étaient remplis de fleurs et plantes de toutes sortes, dans de jolies pots colorés. Ces végétaux se tournèrent tous vers Myo, et suivirent sa progression jusqu'à son lit, où elle s'affala.

-Mmmh... grogna-t-elle.

Il fallait dire que le retour n'avait pas été des plus aisés

Trop crevés pour transplaner, les trois Gammas s'étaient acheminés à pied vers la Grande Citrouille, en silence. Myosotis, encore sonnée, avait suivi derrière ses amis, la tête basse, le cœur lourd. Elle était très mal, et pas seulement à cause de la douleur lancinante dans son nez. Maintenant que tout était fini, elle se sentait... piteuse. Esseulée. Et d'autant plus déprimée que les deux derniers jours en compagnie de Magnus avaient été les plus beaux de sa courte existence, et qu'il y avait une grande chance qu'elle ne connaisse plus jamais un bonheur pareil.

Alors qu'elle s'était perdue dans ses pensées noires, quelque chose l'avait heurté à la tête. Couinant de douleur, elle avait tourné la tête pour réaliser qu'un petit groupe de trois étudiants encapuchonnés ramassaient des petits cailloux pour pouvoir lui jeter dessus.

-Non mais ça va pas ?! avait alors glapi Kimberlie, outrée.

-Elle le mérite ! lui avait répondu une voix flûtée. Elle nous as tous enfermés ! Tout est de sa faute !

-C'est une Mage Noire en puissance ! Elle mériterait Azkaban !

-C'est la putain du doyen ! avait craché d'une voix bourrue le troisième. Elle vend son corps pour avoir de meilleures notes à ses examens de fin d'année !

Myo avait ouvert des yeux ronds, n'en croyant pas ses oreilles. Son amie, métisse avait bondi devant elle et avait invectivé les inconnus :

-REPETE CA EN FACE DE MA BATTE ?!

C'était finalement Titus, en pointant sa baguette sur les abrutis encapuchonnés, qui les fit fuir.

-CASSEZ VOUS BANDE DE GNIOUFS AVANT QU'JE MORDE ! avait-il hurlé en serrant les dents, les yeux injectés de sang, tant de rage que de fatigue.

Le petit groupe d'étudiant était parti en courant, dans des ricanements moqueurs, et Myosotis s'était senti encore plus fatiguée.

Et cette lassitude ne l'avait pas quitté depuis. Elle était aussi exténuée que si elle avait enchaîné huit marathons à la suite, et n'osait penser à l'état dans lequel se trouvait ses amis, qui avaient passé la nuit entière au stade.

Elle soupira, en songeant à quel point la présence de Magnus lui manquait.

Sur sa table de chevet, un plant de Ganja Myosotiana, une création originale made my Myo, se pencha vers elle et frôla sa joue d'une de ses feuilles, dans un geste amical.

Cela décrocha le premier sourire de la jeune fille.

-Merci...

Elle se redressa, et regarda toutes ses plantes, qui vibraient vers elle avec compassion.

Il lui était tellement plus facile de communiquer avec des plantes plutôt qu'avec des gens ! Peut-être avait-elle fait une erreur, finalement. Peut-être qu'elle devait tout abandonner, la fac, ses amis, Magnus, pour aller travailler seule dans une des serres qui appartenaient à sa mère. Elle aurait des amis végétaux qui ne la jugerait jamais, ferait plaisir à ses parents, et pourrait... mourir d'ennui après une longue vie sans intérêt.

Myo se laissa tomber en arrière sur sa couette moelleuse, et geignit.

-VIVE KIM ET TITUS !!! VIVE KIM ET TITUS !!! FIESTAAAAA !!!!!

-Ok, ok merci les gars... fit le cowboy un rictus gêné aux lèvres.

-Ouais, c'est trop ! Merci les mecs ! renchérit Kim, les larmes aux yeux. Vraiment on a pas tout fait tout seuls !

-VIVAAAA KIM ET TITUS !!!! scandaient toujours les Gamma Phie Orties. ON VA SE FONC'DE TOUTE LA NUIT !!! CA VA ÊTRE ZIOOOOON !!!

-Ouais, merci les gars, merci...

-YEAAAAAH !!! VIVE NOS HÉROS !!!

-Merci mes frères mais ça ira maintenant.

-VIVE KIM ET TIT-

-BON J'AI DIT CA SUFFIT MAINTENANT !!!!! rugit le cowboy. VOUS ÊTES BOUCHES A LA CIRE ?!!!

Le silence se fit de nouveau au sein du Grand Potiron. Au milieu de la jungle qui leur servait de lieu de rassemblement, le troupeau des hippies étaient à présent figés bêtement les bras levés, stoppés dans leur élan. Kim se tourna vers son parrain :

-Qu'est-ce qui t'arrive encore ?

-Il m'arrive que j'ai un début de mal de crâne et que je suis crevé. Donc s'ils pouvaient la mettre en veilleuse juste une min-

-OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!! hurla à deux centimètres de son oreille une voix stridente.ON FAIT LA FÊTE !!! LA FÊTE LA FÊTE LA FÊTE LA FÊTE LA FÊTE !!!!

Se retournant d'un bloc, Titus aperçut Griselda qui, les ayant encore suivis, sautillait sur place en poussant des hurlements de joie. L'attrapant à la gorge , il la secoua comme un cocotier :

-BON DIEU DE BON DIEU, CA VA PAS RECOMMENCER !!!! SI JE VOUS FILE A TOUS UN BON GROS PAQUET DE FRIC, VOUS LA BOUCLEZ OU PAS ??

Shakulu choisit ce moment pour se détacher du groupe de Gammas, tirant sur une longue cigarette noire et dit d'un ton sentencieux :

-Man, je croyais que t'étais fauché comme le blé. Comment tu comptes nous payer pour qu'on la ferme ?

Loin d'être gênée par les secousses, Griseldu riait aux éclats. A la vision du hippie narcoleptique, elle s'exclama :

-Le prophète !!! Le prophète est de retour parmi nous !!!

Elle plaqua alors son "léthifold" contre son oreille gauche et fit mine d'écouter, sous le regard de Shak qui se gonflait tout à coup d'importance :

-Ouiii, Léthi Léthi, tu as raison, je vais leur dire...murmura la folle irlandaise d'une voix rauque, avant de se tourner vers le groupe qui la regardait avec des yeux ronds. Gloire au prophète !!! Nous devons lui faire un sacrifice !!! Attrapons la traitresse verdâtre et saignons-la !!!

-C'est toi que je vais saigner si tu te tiens pas tranquille ! siffla Kimberly en lui jetant un regard noir.

Titus choisit ce moment de répit pour s'assoir lourdement sur une souche d'arbre tropical, se massant vigoureusement les tempes, alors que le vacarme des conversations animées reprenait peu à peu autour de lui. Il entendit un pas lourd se rapprochait de lui et leva les yeux : Screwface se tenait devant lui, le regardant avec une expression indéchiffrable. Il était souvent ardu de deviner ce qu'il avait en tête, surtout avec sa cicatrice imposante qui lui donnait une perpétuelle grimace effrayante, quelle que soit son humeur.

-Ca va, beanie ?

La question pourtant toute simple plongea le cowboy dans un état de fatigue encore plus grand.

-Pas vraiment, mon vieux...

Screw s'agenouilla à côté de lui, et sortit une longue pipe en bois bouilli. Il l'alluma du bout de sa longue baguette et reprit la parole sans regarder le ricain, concentré sur sa "tâche" :

-Tu veux en parler ?

-Nope.

-Myo est montée dans sa chambre, elle va tenir le coup ?

Titus se tourna alors vers son vieux camarade :

-Franchement, j'en sais que dalle. C'est allé très loin cette fois-ci. Son histoire avec l'autre baltringue de Magouille, c'est devenu dangereux, mon pote. Très dangereux.

-M'en parle pas, man. Tu sais que le Potiron a mis toute une journée à revenir ici, tellement y avait de mauvaises ondes ?

-Je sais, soupira le cowboy.

-Il faut qu'on fasse quelque chose pour la libérer de cet esclavage, beanie. Il faut qu'on le fasse vite.

Titus sentit son énervement revenir au galop :

-Ah ouais ? Et comment ? T'as une idée ? Même les profs ne savent pas quoi faire exactement ! La dose était tellement élevée que les effets pourraient aussi bien être définitifs !! Si le grand mage que tu es a une idée de génie, j'ten prie, n'hésite surtout pas à la partager !

Screwface secoua la tête en exhalant sa fumée :

-Navré, mais là t'es seul sur le coup. Va falloir que tu te démerdes...

-De quoi ?! Mais t'as dit qu'il fallait qu'ON trouve une solution !

-J'ai dit "on" ? J'voulais dire "tu"... Sorry man, des fois c'que je fais et c'que je dis sont deux choses très éloignées...

-Merci, j'avais remarqué, grogna Titus dont une tempe commençait à battre frénétiquement.

L'attroupement des Gammas se faisait de plus en plus bruyant, alors que l'alcool fort commençait à tourner. Titus se leva péniblement et se dirigea vers une petite sortie à l'arrière du Cucurbitacée. Le voyant faire, Kim l'interpella :

-Hey Titus ! Tu vas où comme ça ?

Screwface lui posa une main sur l'épaule.

-Laisse-le, sister. Des fois, il lui faut être seul. Sinon, il s'énerve trop et il crie encore plus fort.

Sous le regard inquiet de la bizut, le ricain sortit dans l'air frais de la nuit, respirant profondément. Faisant quelques pas dans les hautes herbes entourant la fraternité, il regarda le ciel d'un noir d'encre et, portant les doigts à la bouche, émit un long sifflement lugubre. Quelques minutes plus tard, une grande forme ailée, noire et squelettique apparut dans les cieux. Son sombral se posa avec agilité à ses côtés, et Titus lui flatta l'encolure, posant sa tête front contre front :

-Je t'ai manqué, vieux compadre ? A moi oui en tout cas...

Sans ajouter un mot, il l'enfourcha et lui donna un petit coup de talon. Grand Dada partit au galop en hennissant avant de prendre son envol et tout deux montèrent dans le ciel avant de disparaitre derrière les nuages.

Griselda n'était pas contente.

Assise dans l'herbe, adossée contre l'écorce orange de la Maison Citrouille, elle maugréait, son Lethifold sur les genoux.

Quand Titus était parti, elle l'avait suivie, mais il s'était envolé sur un canasson super moche et tout maigrichon. Et elle avait beau avoir essayé de le rattraper en sprintant, rien n'y avait fait : il avait disparu dans le ciel enténébré. Et l'Irlandaise était donc rentrée faire la fête avec les autres. Mais le cœur n'y était plus. L'entrée vers le Grand Potiron non plus d'ailleurs. Du coup, elle avait passé la nuit sur le pas de la porte.

Elle ne savait pas pourquoi Titus avait l'air si énervé. Mais Lethilethi avait une idée.

-C'est la sorcière trop grande aux cheveux verts, siffla le chiffon sale d'une voix contrefaite, à l'oreille de Gri.

-Ah bon ?! Chlorofille ? fit cette dernière, les yeux ronds.

-Ouiii, elle l'a trahi, elle nous a tous trahi !

-Ouiiii c'est vrai...

-C'est à cause d'elle que Grand Poilu est triste !

-Mais qu'est-ce que je peux y faire ?

Le chiffon se pencha davantage vers la sorcière au regard exorbité, et murmura quelque chose.

Les yeux ronds de l'Irlandaise s’agrandirent encore davantage.

-Rhooooo... Ouiiii.... Quelle bonne idée....

Le « Lethi » chuchota à nouveau.

-Noooon... Si ? Du sang et des tripes ? Vraiment ?

Murmures, murmures.

-Ahah c'est bien vrai ! Si le cœur encore saignant de Chlorofille ne remonte pas le moral de mon Grand Poilu, qu'est-ce qui le fera ?

Elle sortit sa baguette et gloussa .

-Attendons donc que sorte...

Griselda resta figée, et ne sut si cela dura dix minutes, ou trois heures. Elle vit des hippies rentrer et sortir, mais nulle trace de la Grande Traîtresse.

Mais finalement, sa patience fut récompensée : à la seconde même où elle vit une chevelure verdoyante sortir du Grand Potiron, elle bondit sur ses pieds et hurla en pointant sa baguette :

-DIFFINDO !

Griselda O'Neil a effectué 1 lancé(s) d'un (Dé de duel.) :

9

Myo ouvrit un œil vaseux, puis le referma aussitôt.

Elle était horriblement fatiguée. Elle avait dormi par petites doses, d'un sommeil agité. Sa nuit n'avait été qu'une succession de cauchemars, qui étrangement se ressemblaient : tous les étudiants de l'université se liguaient pour la brûler sur un bûcher, tous les Gammas lui tournaient le dos tandis qu'elle se faisait ficeler sur des brindilles sèches, et le doyen lui-même initiait l'incendie avec une torche enflammée.

Ces mauvais rêves avaient été mêlés de coupures publicitaires oniriques, ventant les mérites de produits ménagers qu'elle n'avait pas les moyens d'acheter. Enfin, ça, ça n'avait rien d'inhabituel, depuis que l'administration de l'université avait vendu à une agence de publicités l'espace de rêve des étudiants.

Sans ouvrir les yeux, elle sortit son bras du lit, et tâtonna sur le sol à la recherche de sa baguette, et d'une cigarette roulée. Elle alluma cette dernière avec un mini-sort d'Incendio, puis, toujours dans les vapes, se mit à fumer en inspirant longuement.

Après avoir fini son joint, l'étudiante consentit à regarder sur sa table de chevet, la Fleur Horlogère qui lui servait de montre. Si on devait en croire l'éclosion de cette dernière, et la jolie teinte pourpre de son pistil, il était onze heures passées. Elle avait largement le temps avant d'aller en cours, mais elle ne pouvait décemment pas rester au lit jusqu'à 15h30 !... quoique.... non, quand même pas.

Avec un manque de motivation évident, elle se leva et marcha d'un pas lent vers la petite salle de bain du Potiron. Mais même l'interminable douche brûlante qu'elle prit ne la fit pas se sentir mieux.

Ensuite, en rasant les murs orangés et en n'osant pas adresser la parole aux rares Gammas croisés, elle se dirigea vers la cuisine. Faire des gâteaux, c'était la seule chose qui lui remontait le moral, en général. Alors pourquoi pas faire quelques douceurs pour les Insuffisants qu'elle n'avait même pas su aider ?

Dès qu'elle eut poussé la porte, Myo écarquilla les yeux : la cuisine était dans était dans un état déplorable. Il y avait du glaçage à gâteau et de la farine du sol au plafond. Du chocolat aspergeait les murs. Une horrible odeur d'asperges avariées et de raifort fit froncer le nez de la fille verte.

-Mais qu'est-ce qui s'est passé ici ?!

D'habitude, elle était la seule à venir ici. La plupart de ses camarades de fraternité ne savait même pas qu'il y avait une cuisine dans le Vénérable Potiron ! Alors, qui était venu tout saligoter dans son habituelle forteresse de solitude citrouillée ?

Bon, ce n'était pas si grave, après tout. Elle agita sa baguette, et l'endroit se mit à s'auto-nettoyer.

Puis, après s'être allumée une autre cigarette magique, sa baguette à la main, elle se mit à cuisiner, faisant voler les ingrédients, laissant la crème se fouetter toute seule. Elle rajouta à sa pâte quelques grammes de Myosotiana, et fit cuire le tout en quelques secondes grâce à un Sortilège de Cuisson fort utile qu'elle avait appris dans un livre de cuisine.

Ça ne remplacerait jamais une belle maison et une belle salle de classe toute neuve, mais elle espérait que ces macarons, muffins et autres madeleines aux pépites de chocolat, tout chauds et délicatement parfumés à l'Herbe Magique de l'Oncle Bob, égayerait le quotidien des malheureux Omega.

Elle fut ragaillardie par cette idée... un peu. Très peu, en fait. Pas assez pour chasser ses idées noires.
Rha, mais pourquoi fallait-il qu'elle déprime maintenant, après avoir connu deux jours de Bonheur Parfait auprès d'un homme parfait ?!

Elle soupira, et plaça délicatement les alléchantes pâtisseries dans un panier en osier qu'elle prit sous son bras. Et d'un pas lent, elle quitta le QG des Gammas. Après le détour chez les Insus, peut-être qu'elle irait faire un tour à l'administration pour dire bonjour au docteur Ma...

-DIFFINDO ! cracha une voix hélas bien connue, aux accents irlandais, la coupant dans ses pensées.

Myo sursauta violemment, et, prise par surprise, pointa sa baguette qu'elle avait encore à la main en récitant le premier sortilège de défense qui lui vint en tête :

-Spero patronum !

Myosotis Grandiflore a effectué 1 lancé(s) d'un (Dé de duel.) :

6

Des liens argentés sortirent de la baguette de Myosotis... mais, sans doute grâce à l'avantage de la surprise, le sort de Griselda fut le plus rapide et le plus précis.

La hippie aux cheveux verts retomba en arrière, en couinant. Des gâteaux volèrent autour d'elle.

Elle cria de douleur, porta sa main à sa joue, et réalisa qu'elle saignait. Elle geignit :

-Bordel mais pourquoi il faut toujours que les gens m'attaquent ? Chuis une gentille fille moi !

Elle n'eut pas le temps de souffler : Griselda se jeta sur elle en gloussant, comme une catcheuse sur son adversaire.

-ATTAQUE LETHIFOLD !

Elle jeta son chiffon sale sur le visage de la jeune Gamma, qui glapit :

-Ça t'apprendra à rendre Titus triste, sale traîtresse de Chlorofille ! cracha Gri, énervée.

Myo se débarrassa du torchon, et le jeta au loin. Elle leva vers l'Irlandaise un visage zébré d'une profonde coupure, de la joue jusqu'au menton, qui saignait abondamment.

-Ti... Titus ? articula-t-elle, interdite.

-Oui ! Il est tout boudeur à cause de ton comportement ! Alors comme je suis sa petite-amie adorée c'est normal que je le venge !

-Sa petite-amie ?... Bon Dieu, Kim m'avait dit que t'étais cinglée, mais je pensais pas que c'était à ce point !

-Non non non je ne suis pas cinglée cinglée cinglée, j'ai un certificat qui le prouve ! rigola la folle, en entrant la pointe de sa baguette dans la peau du cou de l'étudiante aux cheveux verts.

Elle s'apprêtait à jeter un deuxième sort à sa rivale, lorsqu'elle aperçut une madeleine par terre.
Elle fondit dessus comme la misère sur le pauvre monde :

-Rhoooo gâââââteaaaau !

Myo en profita pour se relever, la main sur sa balafre encore sanguinolente.

-Hey, touche pas à ça c'est pas pour toi !

Mais la folle avait déjà gobé tout rond la pâtisserie.
Aussitôt, des saveurs jamais connues jusque là se mêlèrent dans sa bouche, et ses pupilles se dilatèrent. Il fallait dire que c'était la toute première fois qu'elle touchait à de l'Herbe Magique, et l'effet ne se fit pas attendre.

Plus euphorique que jamais, elle se lécha les babines en ricanant, et se jeta sur un des macarons qui gisait dans l'herbe haute. Elle le croqua, et resta figée un instant, sous l'explosion de plaisir de son palais.

-Miamm ch'est trop boooon !

Elle se jeta sur d'autres gâteaux tombés à terre, et les prit dans ses bras avec avidité.

Myo, elle, en profita pour attraper son panier en osier empli des restes de sa fournée, et s'enfuit à grandes enjambées. Mieux valait être le plus loin possible de cette irlandaise dérangée, et tant pis si elle perdait quelques douceurs au passage !

Après avoir dévoré tous les gâteaux tombés à terre comme une ogresse, des miettes et du chocolat tout autour de la bouche, Griselda leva la tête et fixa Myo qui fuyait à l'horizon, la main sur sa plaie.

Elle sprinta pour la rejoindre.

-Attends Chlorofille, attends ! Griselda vouloir gâteauuu !

Myosotis courait aussi vite qu'elle le pouvait, sa main tentant d'arrêter le saignement de la balafre sur sa joue. Mais elle n'était pas une grande sportive et fumait depuis son adolescence ; aussi, elle dut très vite s'arrêter pour reprendre son souffle.

Hélas, l'Irlandaise en profita pour la rattraper :

-CHLOROFIIIIIIILLE !

Myo se retourna, baguette à la main :

-Laisse-moi tranquille maintenant !

-Je veux des gâteaux !

-Ils ne sont pas à toi !

-Alors dis-moi au moins où tu les as acheté ! Je vais devenir folle si je n'en ai pas d'autres ! Folle, tu m'entends ? Folle !

Griselda se mit à hurler en tirant sur des mèches de ses cheveux :

-FOOOOOLLE !

Myo secoua la tête, bouche bée. Elle avait toujours cru que son amie Kimberlie avait exagéré le cas de sa coloc, mais en fait, elle avait été bien en dessous de la réalité.

-Je... je les ai pas acheté. C'est moi qui les ai fait.

Gri ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes :

-Tu as fait ça toi-même ?

-Eh bien... oui !

Contre toute attente, la folle au Lethifold se jeta aux pieds de l'étudiante aux cheveux verts, et lui serra ses jambes entre ses bras maigrelets.

-Je te vénère, ô Déesse de la Pâtisserie ! Dis-moi qui je dois tuer pour obtenir tes faveurs sucrées !

-.... tuer ?

Myo n'en croyait pas ses oreilles :

-Laisse-moi tranquille ! Je ne te donnerai jamais de gâteaux !

Les grands yeux de Griselda se mouillèrent :

-Jamais ? Mais pourquoi ?

La Gamma, qui avait réussi à s'extirper de l'étreinte de la cinglée, fronça les sourcils, en colère.
Elle se considérait comme quelqu'un de très gentil et de très patient, et ne se mettait que rarement en rogne. Mais là, c'en était trop. Elle était déprimée, fatiguée, se sentait horriblement seule, et la dernière chose sont elle avait besoin c'était une altercation avec une Irlandaise avec une santé mentale déficiente :

-Tu viens m'attaquer alors que je sors de chez moi sans aucune raison, j'ai mal, je pisse le sang et j'ai besoin de t'expliquer pourquoi je ne te donne pas de gâteau ? C'EST UNE BLAGUE ?!

La lèvre inférieure de Griselda trembla, et Myo se sentit un peu coupable de s'être énervée.

L’Irlandaise baissa la tête, penaude.

-Désolée...

Myo tordit la bouche, gênée. Elle ne savait à l'évidence pas comment réagir face à Griselda.

-Bon, écoute, c'est pas gra... AAAH !

La folle avait profité de cet intermède pour lui sauter dessus, et les deux avaient basculées en arrière. La baguette de Gri se dressa devant le visage effrayé de Myosotis :

-EPISKEY !

*Chances de guérir Myo*

Griselda O'Neil a effectué 1 lancé(s) d'un (CARTE CHANCE.) :

5

La blessure de la fille aux cheveux verts cessa aussitôt de saigner, et se résorba. On aurait pu croire qu'il ne s'était jamais rien passé, si ce n'était la fine cicatrice rouge qui zébrait la joue de Myo... mais ce n'était pas grand chose. Rien qui ne puisse être enlevé plus tard grâce à la magie en tout cas.

-Et voilà, Chlorofille, Déesse des Pâtisseries ! rigola l'Irlandaise en se relevant d'un bond. Griselda donne, Griselda reprend !

Encore un peu choquée, la Gamma toucha sa joue, incrédule.

-Je... euh... merci, je suppose...?

-Griselda a bien mérité un gâteau, non ?

-Griselda peut arrêter de parler d'elle à la troisième personne ? pesta Myo en se relevant et en s'époussetant son jean.

La garçonne aux yeux exorbités fixa un moment son interlocutrice, comme si elle ne comprenait pas. Puis elle se pencha sur elle-même, et chuchota un moment avec le torchon à la propreté douteuse qui ne la quittait jamais.

-Griselda et Lethifold sont d'accord ! fit elle dans un grand sourire.

La Gamma soupira.

-Bon, je suppose que je peux te donner un gâteau. Mais seulement un. Et tu me promets de me laisser tranquille après !

Elle tendit une briochette à Gri, qui l'enfourna toute entière dans sa bouche.
La folle sauta à nouveau sur Myo, et pour la troisième fois de la journée, les deux basculèrent en arrière, dans l'herbe haute aussi verte que la chevelure de la Gamma.

-CHLOROFILLE TU ES SI GENTILLE ! cria-t-elle en postillonnant des miettes. PERSONNE N'A JAMAIS ÉTÉ AUSSI GENTILLE AVEC MOI ! TU ES DÉSORMAIS MA MEILLEURE AMIE ! MA MEILLEURE AMIE POUR LA VIE ! JE NE TE QUITTERAI JAMAIS ! JAMAIS JAMAIS JAMAIS JAMAIS JAMAIS JAMAIS JAMAIS JAMAIS !

Myo ouvrit des yeux horrifiés.

-Jamais ? couina-t-elle.

Griselda aida Myo à se relever en la tirant d'un bras vigoureux.

-Et en tant que nouvelle meilleure amie, Chlorofille, je te suivrai partout partout partout ! En plus ça tombe bien, tu es une Gamma comme mon Grand Poilu, on pourra rester tout le temps ensemble ! TOUT LE TEMPS ! TU TE RENDS COMPTE ?!

Myosotis, bouche bée, mit quelques secondes à assimiler toutes ces infos.

Quelque chose lui disait qu'elle n'avait aucun intérêt à contredire l'Irlandaise. Quelque chose qu'elle lisait au fond des yeux étrangement fixe et exorbités de son « amie » autoproclamée. Elle en était sûre, il suffisait d'un rien pour que cette fille passe de l'amitié au meurtre, et tout ça avec la même gaieté exubérante.

C'est la raison pour laquelle elle soupira, et lui dit :

-Bon... tu peux venir avec moi... pour le moment. Mais on est pas obligées d'être toujours ensemble, alors il faudra bien finir par me laisser, ok ?

La POP se mit à bondir autour de la grande fille aux cheveux verts, comme un jeune chien trop enjoué :

-Oui oui oui oui oui on va où où où où ?

Myo secoua la tête, dépitée. Elle avait peut-être un peu trop forcé sur l'Herbe Magique de l'Oncle Bob, dans ses douceurs sucrées... à moins que l'Irlandaise soit particulièrement sensible aux effets de la Ganja ? En tout cas, Gri était encore plus énervée (et donc ô combien énervante!) que d'habitude.

-J'ai fait ces gâteaux pour les étudiants d'Insuffisance Sorcière, expliqua la Gamma avec toute la gentillesse dont elle pouvait faire preuve dans cette situation. Je vais leur apporter.

Elle regarda en maugréant le contenu de son panier en osier, qui avait ostensiblement diminué :

-Tu en as presque mangé la moitié, mais le reste leur revient de droit.

Gri parut penaude :

-Ca veut dire qu'on aura plus jamais de gâteau, Lethifou et moi ?

-Eh bien...

Myosotis se mordit les lèvres et regarda l'Irlandaise dont les yeux devenaient plus gros, humides et suppliants.


Une fois de plus, elle eut pitié de cette pauvre étudiante aux allures de garçonne, dont les lèvres tremblaient de tristesse. Elle leva les yeux au ciel, et hasarda :

-...si tu veux, je te ferais quelques gâteaux rien que pour t...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que l'autre exulta de joie et se mit à sautiller en hurlant :

-GLOIRE A LA GRANDE PRÊTRESSE PÂTISSIERE ! GLOIRE A LA CHLOROFILLE ! BENIE SOIS-TU !

-Mais tais-toi ! Intima Myo, mal à l'aise.

Suivie par une Griselda pouffant de rire, la fille à la chevelure verte se mit en marche à grandes enjambée, en soupirant, en direction de la cabane brinquebalante des Omegas. Elle était trop gentille, elle le savait, mais qu'est-ce qu'elle pouvait y faire ? Elle n'arrivait pas à être cinglante, ou cassante. Et puis Griselda finirait par se lasser et la laisser tranquille, elle en était certaine.

Enfin, presque certaine.

Disons qu'elle l’espérait très très très fort.

:arrow: DIRECTION : la cabane des Insus !

:arrow: Myo et Griselda reviennent de chez les Insus !

Myosotis était revenue de la cabane des Insus avec un sentiment mitigé. Non seulement elle n'avait pas pu les aider, mais en plus elle doutait sérieusement d'avoir réussi à convaincre Curie de la bonne foi de Magouille.

Personne ne la croyait à ce sujet d'ailleurs. Si ça continuait, elle allait se mettre à dos toute l'université.

Enfin, non, pas toute l'université : Griselda lui agrippait avec bonheur le bras depuis des heures, comme si sa vie en dépendait.

-Tu me feras des gâteaux ? demandait la POP de sa voix gloussante.

-Oui, c'était prév...

-Je peux dormir dans la citrouille magique ?

-Je ne sais pas si...

-Et tu crois que je pourrais devenir une Gamma moi aussi ?

-Non ça ne marche pas comme...

-Et il est où Titus ? s'exclama l'Irlandaise, sans écouter les réponses de l'étudiante aux cheveux verts.

Myo leva les yeux au ciel alors qu'elle rentrait dans le QG, sur la langue végétale étirée du Grand Potiron.

Aussitôt entrée, un Gamma boutonneux aux longs cheveux gras lui sauta dessus en criaillant d'une voix geignarde :

-MYOOOOO T'ES LÀÀÀÀÀÀ !

La jeune femme, qui ne s'attendait pas à un tel entrain, recula et écarquilla les yeux.

-Heu... oui, Jean-François ?

Griselda lâcha le bras de Myo, et fusilla JF du regard, en montrant les dents et en agitant son "lethifold" vers lui.

JF considéra la folle avec appréhension, puis se tourna à nouveau vers son amie aux cheveux verts :

-On t'a cherché partout !

Myosotis regarda autour d'elle : à part elle, JF et la folle irlandaise qui crachait tel un chat en direction du boutonneux, le salon tropical du QG des Gamma était désert.

- On ? Qui ça "on" ?

-Shakulu et moi !... mais il s'est endormi. Avec tout ce qui s'est passé ces derniers jours, on a même pas pu te parler, et hier soir tu t'es enfermée dans ta chambre alors... On se faisait du souci pour toi !

Myo ne put s'empêcher de sourire :

-C'est vrai ? Vous êtes mignons !

L'adjectif correspondait si peu à ce que JF avait l'habitude d'entendre pour le qualifier, qu'il se mit à pouffer comme une collégienne en goguette, et rougit tant que ses boutons ressortirent d'autant mieux.

-Tiens, c'est un cadeau pour toi ! gloussa-t-il, en tendant un paquet mal emballé dans du papier journal.

Les lèvres de Myosotis tremblèrent.

Et elle qui pensait que ses camarades ne voudraient plus jamais lui parler ! Et voilà que pour les avoir déçus, enfermés et quelque part trahis... ils lui offraient des cadeaux et s'inquiétaient pour elle ? Elle était si émue qu'elle aurait pu fondre en larmes... de joie !

Elle déchiqueta l'emballage avec vitesse, et écarquilla les yeux.

-Mais... c'est...

-C'est joli hein ? fit fièrement JF. C'est un pot de fleurs ! Je l'ai acheté à un vieux fou qui traînait dans le bidonville de Mysteria Lane.

Le "pot de fleurs" en question était une belle pensine ciselée, semblable à celle dans laquelle elle avait vu les souvenirs de Drago. D'ailleurs, peut-être que c'était la même ? Elle se pencha au dessus... mais rien ne se passa. Cette pensine-là était vide de tout souvenirs.

-Mais... JF... tu sais combien ça coûte ?!

-Oui, trois mornilles ! clama tout fièrement le Gamma.

Myo contempla à nouveau son cadeau. Si son ami l'avait acheté trois mornilles, ce n'était clairement pas celle de Malefoy.
Bon, elle n'en avait pas l'utilité... mais effectivement, cela ferait un splendide pot pour une de ses plantes ! Surtout que sa Fleur Horlogère avait un besoin urgent d'être rempotée.

Myo sautilla sur place, la pensine dans ses bras :

-En tout cas merci merci merciiii ! Ça me touche beaucoup !

Jean-François tordit ses mains :

-Heu... et sinon... tu pourrais me dépanner de quelques grammes ?

Myo lui tendit un sachet de feuilles séchées, et, toute contente, monta quatre à quatre les marches qui menaient à sa chambre, pour aller offrir à sa Fleur Horlogère son tout nouveau pot.

-Et attends-moi ! Tu te débarrasseras pas de moi aussi facilement ! cria Griselda en la suivant.