Lucrécya fronça les sourcils, énervée.

Les abrutis de sa fraternité l'avaient tout d'abord mené à l'un deux, qui entamait sa dernière année en Médicomagie. L'étudiant de dernier cycle lui avait fait boire de force une potion de requinquance, puis avait soigné jusqu'à son plus petit hématome, mais avec une moue dégoûtée et un air hautain qui n'avait pas du tout plu à la jeune fille.

Ensuite, on l'avait emmené dans un grand salon de marbre, soutenues par de lourdes colonnes antiques, et c'était là qu'elle était encore. Des lustres en or flottaient sous le plafond, et esquissaient de lents mouvements censés rappeler les valses d'antan. Une douce musique s'élevait d'une gigantesque harpe qui jouait toute seule dans un coin, sous un halo bleuté venu d'on ne savait où. Des dentelles et des voileries en soie, tenues par des tringles en or massif, alourdissaient encore la pièce.

Cette poudre aux yeux mettait Lucrécya mal à l'aise. Elle avait passé sa tendre à Ste Miquette, le glauque et terriblement pauvre orphelinat pour jeunes enfants sorciers de Londres, et ne pouvait s'empêcher de faire des comparaisons cruelles.

Bref, elle se tenait au milieu de cette pièce, un peu gauche, se demandant ce qu'elle fichait là. Une foule d'Alpha Alpha Alpha l'encerclait, la jaugeant et la dévisageant comme une bête curieuse.

-Êtes-vous sûre qu'elle est l'une des nôtre ?

-Seigneur, une erreur a du être faite quelque part... .

-C'est une Flynn. Les Flynn sont une famille très respectable, assise sur une petite fortune !

-Mais vous avez vu ses oripeaux ?

-Et regardez sa batte ? Est-ce du sang qui en goutte ?

-Du sang ?! Seigneur Dieu je vais défaillir...

-Et elle est d'un sale !

-Peut-être lui est-il arrivé un malheur ?

-Le malheur c'est de se dire qu'elle est l'une des nôtres !

-Oh mon Dieu, et elle dégage une de ces odeurs !

-ET ELLE VA VOUS FOUTRE UN COUP DE BOULE SI VOUS ARRÊTEZ PAS DE PARLER D'ELLE COMME SI ELLE ETAIT PAS LA ! tempêta Lulu en pointant Séraphine sur la foule.

Les jeunes femmes firent toutes un pas en arrière, dans un bruissement de jupon satiné. Leurs compagnons, quant à eux, dégainèrent leurs baguettes.

Le jeune dandy aux cheveux bruns qui l'avait faite transplaner leva la main, et tous baissèrent leurs armes.

Il croisa ses mains derrière son dos, et s'avança vers Lucrécya, un sourire en coin aux lèvres.

Dans ses vêtements, son allure, sa coiffure et sa façon de parler, il rappelait furieusement Lestrange à Lucrécya. Le côté rat mesquin peroxydé en moins, peut-être.

Il fit une élégante révérence, et susurra :

-Je me présente : je m'appelle Archiw...

-Je me rappelle de toi Archiwald, le coupa Lulu, c'est toi qui nous a accueillis quand on est rentré de votre satané bizutage, moi et l'autre lopette blonde.

Archiwald de Winchester hocha la tête, surpris :

-Félicitations ! Darius Lestrange n'a pas eu autant de mémoire que toi.

-Faut dire que j'avais passé deux semaines en tête à tête avec cet abruti, cracha la batteuse. Alors le premier visage amical que j'ai vu, j'allais pas l'oublier !

Le chef des AAA esquissa un sourire :

-Lucrécya, j'apprécie ton franc parler ! Voilà la fraîcheur qui manque cruellement à notre fraternité.

Il jeta un coup d’œil en coin à ses camarades, affublés de robes de bal et autres redingotes, et qui murmuraient des sarcasmes et autres moqueries derrières leurs éventails.

-Cependant... Comment dire ça avec tact... Je pense que tu as du remarquer que tu... dénotais parmi nous.

Lucrécya regarda autour d'elle, et grimaça devant les greluches au teint pâle trop serrés dans des jupons bouffants pleins de franfreluches, dignes de princesses de conte de fée. Toutes ouvraient des yeux ronds comme des billes en la fixant.

-J'te l'fais pas dire, Archichou... ironisa-t-elle en imitant l'accent bourgeois de ces camarades AAA. Bon, ben, c'est pas grave, hein, on a qu'à dire qu'on est quitte, j'vais essayer de me faire embaucher chez une autre fraternité...

Elle esquissa un pas vers la sortie, mais Archiwald lui saisit le poignet.

-Non, attend ! Tu es l'une des nôtre à présent ! Et tu le resteras jusqu'à ce que tu finisses tes études à la WoW.

Lucrécya leva un sourcil.

-Bon. Quitte à soulever un problème... Pourquoi vous m'avez choisi, MOI ?

-Il y a plusieurs facteurs in petto qui nous ont conduit à examiner ta candidature, le premier étant peut-être nous ramenant au fondement même de ce qui est l'essence même de notre fraternité, c'est-à-dire...

-Archie, abrège, si j'avais voulu des cours magistraux j'aurais pas choisi la filière Sports, souffla Lulu, agacée.

Archiwald sourit, épaté. Il n'avait à l'évidence pas l'habitude qu'une fille ait autant de répartie et de franchise, et ça l'amusait beaucoup.

-D'accord, j'irais droit au but. Tu es riche. Tu es de sang pur. Tu as été élue meilleure joueuse de Poudlard. On a perdu le tournoi de Quidditch ces cinq dernières années.

-Ah ben voilà ! s'exclama Lucrécya en bombant le torse. Vous avez besoin de moi !

-Oui, admit le dandy. Et en contrepartie tu gagneras beaucoup à être une Alpha Alpha Alpha. Les avantages à la WoW et au dehors de l'université sont nombreux. Tu t'en rendras vite compte. Cependant, tu véhicules l'image de notre fraternité, donc... nous allons devoir te faire subir...disons... un petit réajustement.

La batteuse fronça les sourcils :

-Comment ça, un petit réajustement ?!

Archiwald claqua des doigts, et toutes les jeunes filles Alpha fondirent sur la malheureuse batteuse et papillonnèrent autour d'elle !

-Nous allons nous occuper de toi, ma pauvre !

-Nous allons te confier à nos caméristes !

-Et t'apprendre à te tenir en société !

-Fais-nous confiance, nous allons faire de toi une vraie Alpha Alpha Alpha !

Lulu ouvrit des yeux horrifiés :

-AU SECOUUUURS !

:arrow: Quelques heures plus tard, Lucrécya se retrouve LA !