Lorsque la conscience de Lucrécya remonta à la surface, la première chose qui lui passa à l'esprit fut une pointe de panique.

L'antidote ! Il fallait lancer l'antidote ! Quelle heure était-il ? Combien de temps avaient-ils encore ?

Elle tenta d’ouvrir les yeux… et fut étonnée de constater qu’elle ne semblait plus du tout supporter la lumière du jour. Et la douleur se réveilla elle-aussi, vrillante, palpitante, brûlant son abdomen plus sûrement qu’une flamme.

Brumeuse, elle se redressa avec peine, et se tint le ventre en grimaçant. Ses yeux plissés commençaient à s'habituer à la clarté. Elle était dans son lit, dans la petite maisonnette qu'elle louait à la WoW. Sur les draps, devant elle, son boursouflet la fixait de ses petits yeux noirs semblables à des têtes d'épingle.

-Salut Morgoth. Tu sais ce que j'ai foutu ?

La petite boule de poils rebondit jusqu'à l'épaule de la petite batteuse, où elle s'installa en couinant de joie.

-MON P'TIT COGNARD !

Lucrécya tourna la tête juste à temps pour voir Marcus ouvrir ses bras vers elle, et tenter de l'étouffer sous un câlin.

-Trop d'amour, Marcus ! fit la batteuse à cours d'oxygène, dans un souffle. J'ai mal aux côtes !

-Ah, oui, pardon.

Le PAF lâcha sa femme, et cette dernière écarquilla les yeux :

-J'ai dormi combien de temps ? Et Mali, elle est où ? Et l'antidote alors ?

Marcus bomba le torse :

-On a tout réglé ! On est lundi, et tout le monde va bien. Moi et les autres gaillards on a réussi à arrêter le sort musical juste avant 18h ! Magouille en était vert de rage !

-Et qu'est-ce que je fiche dans mon lit, moi ?

-Tu te rappelles pas ?

Lulu secoua la tête.

-T'es restée en arrière pour qu'on puisse lancer le sort, expliqua le jeune homme. Quand je t'ai retrouvé, t'étais dans les bras de la hippie verte. Je sais pas ce qu'elle t'a fait mais j'lui ai foutu un gnon qu'elle est pas prête d'oublier !

Marcus ricana à ce souvenir, les poings sur les hanches.
Lucrécya, elle, fronça les sourcils. Quelque chose lui échappait. La dernière chose dont elle se rappelait, c'était.... c'était...

-Le doyen ! glapit-elle, soudain.

-Heing ?

Punaise, mais oui, comment elle avait pu l'oublier ! Elle voulait le ralentir, et lui, il lui avait envoyé un sortilège à mettre KO un oliphant ! Et elle qui pensait que ce vieux chapeauté maigrichon serait facile à stopper, surtout sans ses gorilles...

-C'est lui qui m'a attaqué !

La jeune fille frissonna en repensant au sort qu'elle s'était reçu en pleine trogne. Un sort tout simple, mais monté à une puissance qu'elle n'avait jamais vu. Elle ne verrait plus le moustachu qui dirigeait l'université comme avant.

Marcus, lui, paraissait plus suspicieux :

-On parle bien du même gaillard ? Très grand, pas très costaud, un chapeau rigolo, pas capable d'aller aux toilettes sans un garde du corps ?

-Oui !

-Pourtant il a pas l'air très fort ni très doué. Alors que la fille verte, elle, fait du vaudou à grande échelle...

-C'est pas la fille verte, c'est le doyen ! assura Lucrécya. Il paye pas de mine, comme ça, mais il cache bien son jeu, le salaud !

-Tu veux dire que j'ai cogné la Gamma pour rien ?

-Oui.

-C'est encore plus drôle !

Les deux ricanèrent un moment à cette idée.

-Ah ma Luluchou, chuis bien content que t'aille mieux, lança Marcus au bout d'un moment.

Lulu acquiesça, en levant les bras :

-Rien ne peut m'achever ! Je suis indestructible !

-T'es sûre que ça va bien ?

-Mais oui ! C'est pas encore la grande forme, mais j'ai vu pire ! C'est pas un vieux Moustachu pervers qui aura ma peau !

Flint parut rassuré.

-Ça te dérange pas alors, si je vais en cours ? Schneider est pas un prof super commode, et j'ai raté le début du cours d'Enchantements.

Lucrécya fronça les sourcils :

-Aller en cours ? Mais il est quelle heure ?

Le PAF sortit sa sablomontre :

-14h15.

-Ah.

Lulu s'étira en bâillant... puis ouvrit des yeux ronds :

-14h15 ?!

-Oui mon p'tit Cognard.

-Et on est lundi ?!

-Oui mon p'tit Cognard.

-MAIS C'EST UNE CATASTROPHE !

Lulu se leva précipitamment du lit, et manqua de tomber : elle était encore vêtue de l'encombrante robe avec laquelle les Alpha l'avaient déguisés... sauf que depuis le temps qu'elle la portait, la toilette était un peu défraîchie. De la boue maculait le bas de l'épaisse jupe déchirée par endroit, et le corset était couvert de sang séché -son propre sang.

Marcus leva un sourcil :

-Bah, qu'est-ce qui t'arrive ?

-Mon prof va me tuer ! cria sa femme en s'agitant.

-Ton prof ?

-Ouiiiii ! s'énerva la batteuse en laçant ses grosses boots. J'ai séché ce matin et là chuis en retard pour le Vol  Avancé ! J'avais promis de plus jamais manquer de cours, il va me tuer ! Aaaaah !

-C'est pas grav...

-Où est mon balai ?! Où sont mes affaires de sport ?

Lucrécya farfouilla dans tous les recoins de la chambre, en vain.

-Rhaaa pas grave j'ai plus le temps, aaaah !

Toujours criant, ses cheveux complètement ébouriffés, ses yeux cernés et son visage encore bleuis par les coups reçus la veille, la jeune fille quitta la maisonnette en panique, en relevant les couches de ses jupons pour pouvoir aller plus vite. Elle s'arrêta devant Saleté de Bourrique qui mâchonnait avec lenteur des ronces devant la barrière, et elle commença à tirer sur sa longe histoire de le faire venir avec elle... ce qui ne la fit évidemment pas aller plus vite.

Marcus haussa les épaules, et, les mains dans les poches, s'achemina en sifflotant vers son propre cours.


:arrow: Lulu va en cours LA

:arrow: On retrouve Marcus, plus tard, LA