Le Conte de Noël des Deux Lulu

Il était une fois, il y a des années déjà
Une jolie fillette aux cheveux noirs et longs
Elle vivait seule, dans un horrible orphelinat
Devant lequel on l'avait laissée à l'abandon

Malgré son triste passé et son sombre avenir
La fillette se refusait au moindre désespoir
Ainsi seule sur son lit, chaque soir sans faillir
Elle priait à sa fenêtre, à genoux dans le noir...

« Oh chères étoiles scintillantes dans le ciel
Écoutez la demande de votre amie Lulu
Je ne veux pas être riche, ni être la plus belle :
Je veux juste un papa, une maman, rien de plus »

Hélas pour la fillette aux cheveux longs et noirs
Le destin cruel n'écoutait ses suppliques
Et à son habitude, juste pour lui en faire voir,
Une camarade de chambre hurlait, maléfique

« Regardez Ludmila, regardez cette andouille
Qui parle toute seule, regardant des loupiotes !
Elle aimerait une famille, mais quelle carabistouille !
Personne ne voudrait d'une fille si idiote ! »

Lucrécya ou Lulu, cette gamine orageuse
Ressemblait beaucoup à notre petite fille sage
Mais l'une était gentille, tendre, douce et rêveuse,
L'autre ne valait mieux qu'un cafard nécrophage

Lulu et Lulu partageaient le même surnom
Le même âge, la même taille, les cheveux longs et noirs
Lucrécya la méchante avait un mauvais fond
Faisait pleurer Ludmila, l'insultait tous les soirs

Pour stopper chaque fois ce nocturne vacarme :
« Je vais javelliser vos bouches avec du savon ! »
Criait la directrice de cette sordide mansarde
Avant de mettre ses menaces à exécution

Mais le soir de Noël, dans le dortoir dormant
Ludmila répéta dans le noir sa prière
Elle y mit tout son cœur, toute son âme d'enfant,
Avant de s'allonger en fermant ses paupières.

Il y eut un vent bizarre, une étrange atmosphère
Et dans le silence d'or tintèrent des grelots
Une voix chevrotante s'éleva dans les airs :
« P'tite Lulu, ton vœu sera exaucé, hohoho ! »

Ludmila dormait, ses petits poings fermés
Mais Lucrécya veillait, et entendit ces mots :
Elle colla vite son nez contre la vitre gelée
Et vit un gros bonhomme en rouge sur un traîneau...

«Je n'arrive pas à y croire, il vient pour Ludmila ! »
Songea avec colère la fillette méchante,
« Elle aura une famille ; mais y'aura rien pour moi ! »
Aussi décida-t-elle d'une combine alléchante.

Se faufilant discrète à la faveur de la nuit
Dans le bureau de la directrice pour le fouiller,
Elle trouva deux dossiers dans les lieux endormis
Et les intervertit avec un sourire mauvais.

Et dès le lendemain, après le déjeuner
Devant les deux Lulu la directrice se planta
Elle fronça ses sourcils, tordit sa bouche ridée :
«Des gens veulent t'adopter, alors viens avec moi» !

Ludmila pleine d'espoir leva de grands yeux ronds :
L’Étoile de Noël l'avait-elle exaucée ?
Mais très vite dans son cœur fit place la déception
Car c'était Lucrécya qu'on était venu chercher.

« Nous sommes Monsieur et Madame Rincevent »
Décréta d'une voix douce un couple si gentil
« Est-ce bien toi Lulu, cette si sage enfant ?
Si c'est bien toi tu es celle que nous avons choisi !»

« Celle qu'on appelle Lulu ? Oh que oui c'est bien moi ! »
Affirma Lucrécya, en ne mentant qu'un peu
Il n'en fallut pas plus à ce couple plein de joie
Pour ramener la fillette à tout jamais chez eux

Lucrécya a grandi, et garde ce secret
Dans son tout petit cœur, au fond de ses méandres.
Mais sa vie est si belle, elle n'a aucun regret :
Tricher importe peu, tant qu'on se fait pas prendre !

Quant à notre Ludmila, nulle nouvelle d'elle.
Est-elle toujours sage ? Est-elle désespérée ?
Et comme tout est possible, peut-être continue-t-elle
Tous les soirs à prier pour qu'on vienne l'adopter.