L'incroyable course-poursuite en compagnie de Malicia avait été un véritable flop. Lulu, qui avait espéré renouer avec les folles aventures qu'elles avaient vécu à Poudlard, en avait été très déçue. Les deux amies avaient fui encore et encore devant des ennemis invisibles avant de se rendre compte que rien ni personne ne les menaçait, et à présent qu'elle était à nouveau seule, Lucrécya avait grand besoin de se défouler.

Elle était en colère et frustrée.
En colère parce qu'on lui avait promis une belle baston comme on en faisait autrefois, et les seules choses qu'elle avait écrasée avec Séraphine avait été un écureuil agressif et le visage larmoyant d'une Zeta innocente qui n'avait même pas résisté.
Frustrée parce qu'elle avait choisi la filière Sport pour voler sur un balai ou sur un animal magique, et pour l'instant, en plus d'un mois de cours, elle n'avait pu faire ni l'un, ni l'autre.

Sans compter qu'elle avait mis un temps considérable à rentrer chez elle. Il fallait dire que Saleté de Bourrique ne l'avait pas beaucoup aidé. Elle avait commencé à le tirer comme une folle, puis l'avait poussé autant qu'elle le pouvait... et l'hippogriffe à moitié crevé n'avait avancé que d'un mètre à peine.
Soufflant et rageant comme une belle diablesse, elle avait failli s'arracher la moitié de ses blonds cheveux, puis avait fini par le ramener dans son box, à côté de sa maison, à coup de Repulso rageurs.

Ensuite, Marcus n'étant pas là, elle avait donné quelques piécettes supplémentaires à la pauvre étudiante sans le sou qui servait de nounou à temps plein pour Rufus, pour la faire rester quelques heures de plus. Et elle était repartie, son balai tout neuf sous le bras, son boursoufflet sur son épaule, pour trouver quelque chose à faire pour faire sortir la fureur sourde qui grondait en elle.

Et ses pas l'avaient naturellement mené au stade Swiffer 3000. Là, elle pourrait enfin faire voler à son maximum son Typhon 999, sans que personne ne l'ennuie. Son prof ne pourrait pas l'en empêcher, et à cette heure-ci, le terrain serait forcément désert.

Grommelant toujours, elle entra dans le stade par l'entrée des joueurs, lorsqu'une exclamation de voix grognante et étrangement familière lui parvint aux oreilles :

-PLUS VITE ! COURREZ PLUS VITE MES MIGNONS OU JE SORS MON FOUET !

-Marcus ?

Enfourchant son balai en or rutilant, Lulu fusa avec grâce jusqu'à l'immense terrain de quidditch.

Et, effectivement, au centre de ce dernier, son mari se tenait sur son propre balai, torse nu, le visage recouvert de peintures guerrières. Sa baguette à la main, il visait et envoyait de temps à autre des éclairs à l'un ou l'autre de ses camarades Pi Alpha Fi, qui courraient comme ils le pouvaient autour du terrain.

-ALLEZ MES GAILLARDS, DU NERF ! hurlait-il, en faisant tranquillement des cercles dans les airs au dessus de ses joueurs. MÊME MA GRAND-MÈRE OBÈSE ET A MOITIE AVEUGLE COURT MIEUX QUE VOUS !

-Rha, on peut jamais être tranquille, pesta l'Alpha.

Elle vola jusqu'au PAF, qui lui envoya un sourire étincelant dès qu'il la vit :

-Hey, salut mon p'tit Cognard ! Qu'est-ce que tu fais là ?

-J'voulais m'amuser à voler toute seule, mais faut croire que c'est trop demander ! Depuis quand tu fais subir des entraînements de quidditch aux Pi Alpha Fi ?

-C'est eux qui m'ont demandé, ils ont tous entendu parler de la réputation de l'équipe des Serpentards quand je la dirigeais !

Il sembla réfléchir, et fronça les sourcils :

-T'es pas venu espionner mes techniques, au moins ?!

Lulu secoua la tête :

-Espionner quoi ? J'ai passé un an à suivre tes entraînements, à Poudlard, et je les connais déjà, tes pseudo-techniques !

Flint posa une main sur son cœur, outré :

-N'importe quoi ! Je suis un Capitaine de Quidditch complexe et plein de secrets ! Mes plans sont tous d'une incroyable difficulté à comprendre pour un esprit moyen ! Tu n'en connais pas la moitié !

Lulu fixa Marcus, les yeux mi-clos, peu convaincue :

-Tu n'as que deux plans : être violent envers les équipes les plus faibles, ou épuiser psychologiquement les équipes les plus douées.

Une goutte de sueur perla sur le front de Marcus, qui parut d'un coup très mal à l'aise :

-Non, pas du tout !

Il fit mine de détourner le regard, non sans simuler une quinte de toux.

Marcus était bien gêné. Pourquoi il avait fallut qu'il épouse une fille bien plus finaude que lui ? Elle lisait en lui comme dans un livre ouvert, et connaissait toutes ses techniques secrètes au quidditch (… Oui ! Toutes les deux !).
Heureusement pour lui, il savait également très bien mentir.

Ce qu'il prouva en épongeant son front avec le plat de sa main et en criaillant :

-Même pas vrai, même pas vrai d'abord !

Lulu gonfla le torse, avec son p'tit air supérieur d'AAA, moelleusement installée sur son balai en or tout scintillant :

-Eh ouais mon p'tit père, on me la fait pas à moi ! Je sais qu'tu mens !

Le PAF paniqua :

-Même pas vrai ! Même pas vrai d'abord !

-De toutes façons, chuis pas venue pour ça, décréta Lulu. J'ai envie de voler toute seule. Barrez-vous, toi et tes potes bodybuildés.

Marcus ouvrit des yeux outrés : il adorait Luluchou, mais il ne fallait pas plaisanter avec le quidditch, nom de nom !
Mais d'un autre côté... il connaissait sa femme et il valait mieux pas l'affronter directement s'il ne voulait pas dormir sur le canapé pendant trois mois.

Aussi, il tenta d'une voix sirupeuse :

-Mais Luluchou, mon petit Cognard, soleil de ma vie, mes gaillards ont besoin d'entraînement ! Tu te rends compte qu'on en a pas eu un seul depuis le début de l'année scolaire ?! Et on est déjà en octobre !

Lulu jeta un regard méprisant aux gars musclés qui suaient en entamant leur douzième tour de terrain :

-Humpf. Ils sont même pas tous là, tes potes.

Marcus ouvrit des yeux ronds devant la mauvaise foi de l'Alpha :

-Même pas vrai ! Y'a que MacMalden qui manque !

-Bah tu vois, ils sont même pas tous là ! Et puis ils peuvent courir n'importe où !

-C'est juste l'échauffement ! Y'a un parcours du combattant qui les attends après ! J'ai prévu des barbelés et des pneus enflammés ! Comme à la belle épo...

-M'en fous, le coupa Lucrécya en reniflant de dédain, je veux voler, et y'a qu'ici que je peux le faire toute seule sans qu'on me gonfle !

-Mais Luluchou !

-Et fissa s'il te plaît, je n'aime pas me répéter !

-Mais Luluchou !

-Y'A PAS DE MAIS QUI TIENNE ! DÉBARRASSEZ MOI LE PLANCHER !

Flint sentait plusieurs gouttelettes de sueur lui couler sur le visage. Il n'avait pas l'habitude de tenir tête à Lulu, et elle le savait : elle le fixait de son fameux regard dur et impénétrable, la bouche tordue comme si elle avait avalé un citron. Bon Dieu, il allait craquer d'ici peu, et elle allait obtenir tout ce qu'elle voudrait.

Ça ne le dérangeait pas d'habitude, mais là, y'avait ses potes PAF. Et il était désormais leur Capitaine, leur guide... bon, juste au quidditch, mais un guide quand même. C'était assez important pour que MacMalden lui fasse la gueule et ne vienne pas s'entraîner avec eux. Et ils étaient dans une fraternité où ils acceptaient pas les gonzesses ! Quelle loose s'il commençait à prendre sa voix de fluet post-dispute avec Luluchou et à répéter " oui chérie " à tout bout de champs ! Il pouvait pas perdre sa crédibilité maintenant !

Surtout que les PAFS, qui peinaient à faire leur footing, avaient stoppé et s'étaient mis à regarder la dispute entre Flint et sa femme avec amusement.

NNC laissa échapper un gloussement en le pointant de son doigt grassouillet, et Marcus grogna en montrant ses dents. Il sortit sa baguette, visa son pote obèse et hurla :

-NON MAIS OH ! J'VOUS AI PAS DIT DE VOUS ARRÊTER ! PROMPTEPATTE !

Un éclair scintillant frappa de plein fouet le gros PAF. Ce dernier se mit à rigoler frénétiquement, et ses jambes se mirent à courir malgré lui.

Histoire de ne pas subir eux aussi le courroux de leur Capitaine, ses camarades se remirent à courir en évitant de regarder en l'air.

Marcus regarda ses joueurs courir en ligne, l'air satisfait... mais très vite, il frissonna : sans même regarder dans sa direction, il pouvait sentir les yeux de Lucrécya le fixer méchamment.

Lucrécya s'apprêtait à sortir une répartie particulièrement cinglante à son PAF de mari, une qui lui aurait définitivement mis la honte devant tout ses potes machos sans cervelle, lorsqu'elle sentit une odeur étrange de brûlé et une fumée piquante. Elle renifla, le nez en l'air, et leva un sourcil :

-Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Marcus haussa les épaules :

-Le docteur Magouille fait p't'être un barbecue.

-Pourquoi Magouille ferait un barbecue à cette heure-ci ? Avec ce temps pourri ?

-J'en sais rien moi, je suis pas doyen ! répliqua le gaillard musclé, avant de se pencher sur ses hommes et de les invectiver parce qu'ils ne couraient pas assez vite à son goût.

Lulu tentait de réfléchir, mais l'odeur de cramé, de plus en plus tenace, ne l'aidait vraiment pas, tout comme son boursoufflet, qui sautillait comme un malade sur son épaule, excité par la fumée.

-Et pourquoi on est pas invités au barbecue ?! s'exclama-t-elle soudain, les yeux ronds.

Le PAF leva les bras en signe d'ignorance.

-Sais pas. Par contre, si tu vas au barbecue et que tu quittes le stade, ça veut dire que tu nous laisses la place ! ajouta-t-il sournoisement.

La jeune blonde fronça les sourcils, l'air résolu :

-Non mais tu rêves ! Je vais juste voir d'où ça vient, pour me remplir la panse après mon entraînement en balai.

D'une légère pression sur son Typhon 999, elle s'éleva particulièrement haut dans le stade, dépassant les gradins, et scruta l'horizon. De là où elle était, elle avait une vue superbe et dégagée de toute la fac. Et malgré la fine pluie qui commençait à tomber, il ne lui fallut pas longtemps pour remarquer la colonne de fumée noire qui s'élevait non loin du stade.

-CRÉNOM D'UN BALAI ! laissa-t-elle échapper.

-T'as trouvé le méchoui ? demanda son époux, qui l'avait suivi dans les hauteurs.

-Non, regarde !

Elle pointa quelque chose à l'horizon :

-Ça vient des écuries !

Marcus plissa les yeux vers les enclos de bois, à côté du bâtiment de Sport. Effectivement, quelques flammes léchaient le toit déjà noircie des box alignés. De nombreux hippogriffes majestueux, quelques sombrals rachitiques et un énorme cheval pie ailé fuyaient en volant et en ruant du lieu du sinistre.

Le jeune homme jeta un coup d’œil furtif à sa femme, et un sourire en coin commença à naître sur ses lèvres.

-Dis-moi, Luluchou... C'est pas là que tu laisses ton hippo mort-vivant ?

-Des fois, ouais, mais aujourd'hui j'ai ramené Saleté-de-Bourrique à la maison.

-Tu es sûûûûûre ? susurra d'une voix fausse Marcus.

Lucrécya hésita :

-Ben... oui... ?

Marcus insista :

-Tu es sûûûûûûûûûûre ?

Le doute passa dans le regard vert de l'Alpha Alpha Alpha :

-Ben... je crois ?

-Tu sais ou tu crois ? demanda le Pi Alpha Fi en jubilant.

Le visage pâlot de Lucrécya se décomposa :

-Ben... je... euh... NOOOOON SALETÉ-DE-BOURRIQUE !

Paniquée, la batteuse quitta le stade par les airs et fondit comme une dératée sur les écuries en flamme.

-Eh ben voilà ! s'exclama Marcus, en se frottant les mains d'un geste satisfait.

Il redescendit plus bas dans le stade, et rassembla ses joueurs :

-Ça y est, mes gaillards, on a le terrain rien que pour nous !

Les PAF levèrent les bras, et laissèrent exploser leur joie :

-OUAIIIIS !

-On va fêter ça avec un nouveau tour de terrain en courant !

-Oooooh...

-ALLEZ HOP HOP HOP PLUS VITE ! MA GRAND-MÈRE COURT MIEUX QUE VOUS BANDE DE VERACRASSES DÉGÉNÉRÉS !



:arrow: Lucrécya va ICI !