Les yeux de Naïa passèrent lentement du joli visage d'Eol qui lui offrait un sourire faussement innocent au non moins joli visage de Len qui se fendait d'un sourire taquin avant de froncer les sourcils avec agacement.
« Vous auriez quand même pu me prévenir ! », bougonna-t-elle en croisant les bras.
« Oh, non, te fâche pas, Naïa ! », glissa la rouquine en posant une main délicate sur le bras de son ami.
Mais Naïa n'en démordit pas, s'emmurant un peu plus dans un silence désapprobateur alors qu'Eol jetait un regard implorant à Len pour qu'il dise quelque chose. Ce dernier se contenta d'hausser les épaules avec un sourire avant de se tourner vers l'Italienne.
« Tu sais que je t'ai toujours préféré quand tu boudais, Naïa », se moqua Len en lui adressant un clin d'oeil. « Ça te laisse moins de temps pour me sermonner. »
Naïa lui lança un regard offusqué avant de lever les yeux au ciel et de s'enfoncer un petit peu plus dans son canapé. Certes, elle aimait ces deux-là comme sa propre famille, mais ils pouvaient se montrer terriblement agaçant. Surtout, Len, en fait. C'était là tout son charme, il savait se montrer délicieusement horripilant.
« Moi, je sais très bien ce qui va te remonter le moral et nous faire pardonner... », commença la jolie rousse.
Elle se dirigea vers son immense cuisine et en ressortit quelques secondes plus tard avec trois verres et deux fines bouteilles dans lesquelles chaloupait doucement un liquide ambré aux reflets d'or. Malgré elle, un sourire satisfait étendit les lèvres de Naïa et elle se redressa promptement.
« Du Whisky-pur-feu ? Par Merlin, mais... C'est du français ? »
« Le meilleur », acquiesça Eol avec un sourire fier.
« Comme tout ce qui vient de France, si tu veux mon avis », enchaîna Len avec un sourire plein de sous-entendus. « Vous avez encore à apprendre, vous, les Italiens. »
« Oh, ça va, toi ! », maugréa Naïa.
« Oui, Len, n'en rajoute pas, s'il te plaît ! », renchérit la rousse avec un air faussement sévère mais son sourire amusé ne trompait personne.
« Allez, Naïa, fais pas la tête ! T'es pas heureuse de me revoir ? Et moi qui pensais qu'après cette longue absence, j'aurais le droit à un accueil chaleureux... »
Malgré elle, Naïa sourit et se pencha vers Len pour déposer un baiser sur sa joue avant de prendre la bouteille de Whisky-pur-feu pour leur en servir une rasade à chacun. Ils s'échangèrent un sourire puis levèrent leur verre.
« Vous m'en faites vraiment voir de toutes les couleurs, les Evans », soupira Naïa sans se départir de son sourire amusé.
« Mais c'est pour ça que tu nous aimes, hein ? », s'empressa de demander Eol.
« Évidemment. Vous m'aviez manqués, les teignes. A nos retrouvailles ! »
Leurs verres s'entrechoquèrent dans un tintement mélodieux, puis ils le vidèrent d'une traite. Une douce déflagration la parcourut de la tête aux pieds et elle ne put retenir un frisson. Y'avait pas à dire, le Whisky-pur-feu portait bien son nom. Et le français était d'autant plus redoutable. Ils burent un autre verre, puis un autre, et encore un autre, jusqu'à ce que le salon d'Eolia résonne de rires et de musique française.
« ... et tu te rappelles ce mec, là ? », s'exclama la rousse en se laissant tomber sur le canapé, un sourire illuminant son joli visage.
Naïa se laissa tomber à côté d'elle en fronçant excessivement les sourcils. Elle ne voyait absolument de quoi parlait son amie.
« Euh, non... Ah, tu veux dire... Le grand, blond ? Le Serdaigle ? Celui qui t'écrivait des beuglantes d'amour ? », demanda-t-elle en laissant échapper un rire espiègle.
« Mais nooon, pas lui... », pouffa Eol.
« Il arrêtait pas de me faire passer des messages pour toi », se rappela Len en levant les yeux au ciel. « C'était insupportable. »
« T'es mal placé pour dire ça, tu t'es tapé sa copine quelques mois après. Alors qu'il venait tout juste de se remettre d'Eol. »
« C'est elle qui me draguait ! », se défendit Len en levant les mains au ciel avec un sourire innocent. « Et tu sais que je ne résiste jamais quand on me demande gentiment. »
« Ça, je sais », rétorqua Naïa en lui adressant un clin d'oeil. « En parlant de ça, ça en est où ton mariage avec l'autre garce ? Au passage, j'espère qu'elle va se faire piétiner par une licorne radioactive. »
« Ah oui, quand même. Rappelle-moi de jamais te laisser porter de toast à mon mariage, surtout. »
« Donc c'est toujours d'actualité ? », s'étonna Naïa.
L'imprenable Len s'était fait mettre le grappin dessus par une riche héritière aux yeux aussi noirs que son âme. Bon, ok. Peut-être qu'elle était pas aussi démoniaque que Naïa voulait bien le croire, mais tout de même. L'italienne avait toujours eu l'impression que c'était à cause de cette nouvelle venue que le trio s'était petit à petit éloigné. Et elle était prête à parier qu'Eol ne la portait pas non plus dans son coeur. Ce mariage était louche, très très louche aux yeux de Naïa.
« C'est pas ce que j'ai dit », conclut Len en haussant les épaules.
« Mais... »
« Je t'ai déjà dit que t'étais un peu trop curieuse, Naïa », se moqua-t-il gentiment en lui ébouriffant les cheveux. « Bon, dites-moi les filles, qu'est-ce qu'il y'a à faire un Dimanche soir à Londres ? »
« Pas grand chose », répondit Naïa avec une moue peu convaincue.
« Attends, mais si ! », s'exclama Eol en se relevant d'un bond avant de tanguer dangereusement. « Ce soir, il y'a le bal de la WOW ! »
« T'es pas sérieuse ? », demanda Naïa avant de se relever à son tour, non sans difficulté.
« Mais si ! On va s'amuser comme des petits fous, comme au bon vieux temps, tu vas voir ! Allez, Naïa, alleeeeeeeeeeeeez... »
Naïa la dévisagea un instant sans rien dire avant de céder devant ses yeux implorants. Elle arrivait toujours à ses fins, la jolie rousse. C'était peut-être pour ça qu'elle l'aimait tant.
« Tu me persuaderais de te suivre gaiement en Enfer, toi. »
« T'es pas ma sœur pour rien, Eol », s’enorgueillit Len en lui jetant un regard fier.
« Allez, les amis, c'est partiiiiiiiiiii ! »
Et sans même les consulter une dernière fois, Eol leur saisit la main et se précipita joyeusement hors de son appartement, en riant et en chantant. Des années étaient passées mais il fallait croire que rien n'avait changé entre eux.
Dieu seul sait comment, ils arrivent jusqu'au bal.