Myosotis leva le menton. Elle considéra les yeux vairons et glaciaux de l'escroc, et chercha à y déceler un éventuel indice de moquerie... sans grand succès. Aussi, elle se redressa, les draps froissés du lit ramenés sur elle jusqu'aux hanches, et soupira :
- Tu plaisantes, non ?
Le docteur fronça les sourcils, visiblement, sans comprendre. La jeune femme explicita alors :
- Mon amour, je te l'ai dit au moins cinquante fois !
- Mmh.
- Je t'ai déjà expliqué ! insista la demoiselle nue. Ce n'est pas du tout contre toi, mais il vaut mieux pas que les gens sachent tout de suite que le Doyen s'est marié avec une étudiante, non ? Alors nous devrions éviter de nous afficher en public, le temps que je finisse mes études.
- Mmh mmh.
- Sans compter que je t'ai demandé y'a des jours si ça te dérangeait que j'y aille avec Titus ! Je t'ai expliqué que c'était mon meilleur ami et simplement mon meilleur ami, et que tu n'avais aucune crainte à avoir de ce côté là. Tu ne te rappelles pas ?
- Mmh.
Myosotis leva un sourcil, soudain consciente de quelque chose :
- En fait, tu ne m'as pas écouté.
- Mmh.
- Et là, tu m'écoutes ?!
Magouille, qui fixait intensément la poitrine de la dryade, dut vaguement sentir qu'on attendait quelque chose de lui. Aussi il leva les yeux, et lança :
- Mmmh... Pardon, tu disais ?
- Tu ne m'écoutes pas ! s'offusqua la jeune femme aux cheveux verts.
Le moustachu soupira avec condescendance :
- Bigre, ce n'est pas ma faute ! Tu ne décesses tes babillages typiquement féminins, et ce alors que tu es entièrement nue !
Myo roula exagérément son œil dans son orbite :
- Alors en fait, à chaque fois que je suis nue, c'est même pas la peine de te parler, c'est ça ?
La face de Magouille se fendit d'un large sourire goguenard, heureux d'être enfin compris :
- Parfaitement.
Devant le regard blasé de son épouse, il crut bon rajouter d'un ton libidineux, en lissant le bout de sa moustache :
- Excepté lorsque tu cries mon nom pendant que je te cravache, bien évidemment.
La jeune femme secoua la tête, partagée, comme souvent lors de ses échanges avec son mari, entre amusement et dépit. Mais elle ne perdait pas le principal sujet de leur conversation de vue :
- Et donc pour le bal...
- Mmh.
- Avec Titus, insista-t-elle.
Le moustachu émit un grognement méchant à la simple évocation de ce prénom, et Myosotis se mordilla la lèvre inférieure. Bon, au moins, à présent, il semblait l'écouter un minimum... mais clairement, la tactique n'était pas la bonne. Elle se pencha lascivement vers lui, et sa lourde crinière émeraude coula contre ses épaules nues. Plantant son regard dans celui de Magnus, et glissant sa main le long du torse de ce dernier, elle susurra de son habituelle voix de velours:
- Et si je te disais que je serais très gentille avec toi si tu acceptais ? Je rentre tôt, et je fais tout pour que notre première nuit de Saint-Valentin ensemble soit vraiment... inoubliable...
L’œil du Bon Docteur s'alluma :
- Inoubliable, comme cette délicieuse fois dans les toilettes du Stade ?
Le visage de la dryade s'illumina à ce souvenir grivois.
- Exact ! fit-elle, en riant à moitié. Ou mieux : comme la nuit qui a suivie le bal de Noël...
- Bigre, oui ! s'enthousiasma le moustachu. Voilà un souvenir des plus réjouissants... Mais pas autant que notre soirée de débauche alcoolisée, sous Brixton, insinua-t-il, un sourire au coin des lèvres.
- Ou la fois avec le fouet et l'incarcerem, sur le bureau de Saussurus !
- Ou lors de cette petite sauterie improvisée à Knightsbridge !
Myosotis se redressa brusquement, son sourire effacé :
- Heu... Non.
- Comment ça, non ? s'étonna le Bon Docteur. N'était-ce pas divertissant ?
- Ah, j'en doute pas. Mais c'était pas avec moi.
Magnus fixa la jeune femme quelques secondes, incrédule. Puis finit par dire :
- En es-tu certaine ?
-Je n'ai jamais mis les pieds à Knightsbridge de ma vie, fit sèchement la dryade.
Magouille n'eut pas l'air plus perturbé que ça. Il haussa les épaules, sans s'en faire :
- Ah oui, tiens, maintenant que tu me le dis, ce devait être une autre gourgandine à l'opulente poitrine... Dommage que tu n'aies pas été là, ceci dit, tu as raté quelque chose d'épique.
Il émit un rire lubrique. Myo leva son œil au plafond, ne préférant rien répondre. Elle glissa hors du lit, et ramassa un vêtement qui traînait par terre. Le tout sous le regard amusé de son mari :
- Et que fais-tu ? T'aurais-je vexé ?
- Non, j'adorerai entendre une fois de plus l'une de tes histoires de débauche avec d'autres que moi, ironisa la sorcière aux cheveux verts. Mais là, je dois me préparer pour aller au bal de ce soir.
Le Bon Docteur acquiesça :
- Ah oui, le Bal de la Saint-Valentin de l'université. Porte donc cette robe rouge indécente, et trop courte de chaque côté, qui ne laisse aucune place à l'imagination... ainsi cela me fera gagner du temps.
Myo rabattit les pans de sa chemise de nuit en dentelles sur son corps, et secoua la tête :
- Non, je te l'ai déjà dit : je vais m'habiller plus décemment, vu que je vais à cette soirée avec Titus.
Magouille se redressa brusquement, et manqua de s'étrangler :
- Tu y vas avec Typhus Reynolds ?!
Myo bloqua quelques secondes... puis soupira longuement, les bras ballants.
- Mais Magnus, on vient d'en parler !
- Et quand diable ? siffla le Doyen.
- Il y a pas deux minutes ! s'insurgea la fille-chlorophylle.
L'escroc plissa les yeux, suspicieux :
- Je ne m'en souviens pas. Je me rappelle juste de tes courbes nues et graciles, et des propositions alléchantes que tu m'as susurré...
Le regard du moustachu se perdit dans le vide, en direction de la poitrine de la jeune femme, que l'on distinguait parfaitement à travers la dentelle transparente de son unique vêtement. La dryade se frappa le front avec la paume de sa main. Ses conversations avec Magnus pouvaient s'avérer très, très éprouvantes. Surtout quand elle était en petite tenue.
- Bon, grommela-t-elle. Je vais me rhabiller et on va tout reprendre depuis le début, hein...
Bien plus tard, Myo se rend au Bal de la St Valentin !