:arrow: En provenance de Mysteria Lane

Le Scroutt & Le Niffleur était un petit pub pittoresque et sans prétention qui se tenait en retrait dans le quartier résidentiel, non loin de la rivière qui traversait le campus. Etabli depuis les débuts de l’Université au Moyen-Age, sa décoration n’avait pas changé depuis, la faute à une succession de gérants plus versés dans la boisson que dans les arts plastiques.

Aussi se retrouvait-on assis sur des bancs en bois vermoulu, devant des chopes aussi grandes que le bras, à considérer des casques sorciers, et des tableaux de chasse au niffleur datant des dernières croisades sorcières. On savourait sa bièraubeurre, et on apprenait à éviter de justesse les projectiles que lançait occasionnellement quelque sorcier aviné qui noyait sa peur de ne pas avoir ses A.I.G.L.O. N.S dans l’alcool.  

La clientèle appréciait pourtant cet endroit, qui ne manquait jamais d’ambiance, ni de breuvages, brassés dans la cave. De temps en temps, la bicoque hoquetait sous l’action des alambics, qui recrachaient dans l’air des effluves de pomme, de raisin, de miel et d’ingrédients dont seul le Scroutt & le Niffleur avait le secret.

Marcus finit sa chope d’une seule lampée et essuya sa bouche d’un revers de manche :

-Voilà un endroit comme je les aime !

Il fit signe à une serveuse de le resservir :

-On s’encanaille déjà, Flint ? demanda Drago, qui tournait mollement sa cuillère en argent personnelle dans un thé fumant.

-D’après ce que j’ai entendu dire, il va bien falloir tout ça pour supporter le discours du doyen !

Drago but une gorgée de son thé et grimaça en jetant au gérant un regard peu amène :

-Et que sais-tu sur l’éminent Dr Magouille ?

-Que le gaillard a un melon pas possible et qu’il vendrait sa mère pour une affiche à son nom. Mais assez parlé fadaises, Malefoy. Toi et moi, on a des comptes à régler !

Les deux hommes dégainèrent leurs baguettes et se regardèrent en plissant les yeux. Finalement Flint grommela :

-Alors comme ça, on disparaît dans la nature pendant deux mois et on ne vient pas à mon mariage, et on boude à la naissance de mon marmot ?

-Ce que je fais de mes vacances ne te regarde pas, Flint, persiffla Drago. Et tu ne penses quand même pas que je vais m’intéresser à ton bâtard, pondu par Rincev… puis-je le prendre dans mes bras ?

Flint tendit de bon cœur son fils, qui gazouilla en tendant des petites mains potelées.  Drago s’extasia quelques minutes, en se confondant en onomatopées diverses, allant de « gouzi » à « bababa ». Finalement, remarquant le ridicule de la situation, le blondinet se resaisit et rendit l'enfant à son père avant de se râcler la gorge :

- C’est un bel héritier que tu as là, Flint. Tes ancêtres peuvent être fiers.

Flint hocha la tête :

-Ils le sont, Grand-Papa Flint s’est tatoué son nom sur ses fesses, le seul endroit libre qui restait. Et à part ça, pourquoi t’as fait le mort toutes ces vacances ? Tu t’es retapé l’intégrale des picturines Wizzip Girl ?

Drago s’offusqua :

-Comment oses-tu beugler ici mon secret le plus honteux ? Sache que je n’ai pas pu aller au-delà de la saison 6, et que je ne sais toujours pas si Seraphina a pardonné Claire d’avoir trahi leur amitié pour épouser le Prince.

Marcus écarquilla les yeux :

-Claire va épouser le Prince ?! Mais elle n’a dieu que pour Edmond Contrebass ! Tout le monde sait ça !

-Plus bas, Flint, les murs ont des oreilles et tu ne voudrais pas que notre réputation soit entachée dès le premier jour…

Marcus  hocha la tête et se tapota le bout du nez :

-Tu as raison, Malefoy. Les gars des Fraternités nous espionnent peut-être en ce moment même…

Les deux observèrent les lieux avec suspicion. Finalement, Marcus reprit en haussant le ton :

-Oui, et c’est comme ça que je lui ai défoncé le crâne à coup de Contusionus. On plaisante pas avec la bière !

Les deux amis partirent d’un rire faux. Finalement ils se penchèrent vers la table pour ne pas être entendus :

-Si j’ai été absent, c’est que j’étais en France, avec ma fiancée. Chuchota Drago.

-Tu t’es fiancé avec Bouftout ?! Mais c’est pas du détournement de mineure ou un sale truc du genre ?

Drago leva les yeux au ciel :

-Malicia et moi, c’est du passé. Je ne sais même pas ce que j’avais en tête l’année dernière. Cette fille est juste une disgrâce sur talons.

-Mais, je pige pas, Malefoy : dans le Poudlard Express, juste avant que l’on arrive à Londres , tu me disais que c’était ce que t’avais de mieux dans ta vie !

-Je voulais bien sûr dire ce qu’il y avait de pire dans ma vie. En revenant chez moi, j’ai rencontré l’Amour. Avec un grand A.

Flint sembla sur le point de rendre son repas. Drago fronça les sourcils :

-Tu n’as jamais rien compris au romantisme. J’étais fiancée à Mylénie de Fier-Castel depuis ma naissance. Père, qui a pu constater ma déchéance au bal de Noël l’an dernier, a su me faire retrouver mes esprits et me l’a présentée à mon retour de Poudlard. Mylénie de Fier Castel est un excellent parti en plus d’être blonde et de mon sang. Nous nous marions bientôt et j'en suis très heureux.

Marcus plissa les yeux :

-Laisse-moi récapituler, Malefoy : tes parents te forcent à faire un mariage de raison avec quelqu’un de ta propre famille que tu n’avais jamais vue avant cet été, et tu es… heureux ?

Drago prit un air exagérément satisfait :

-Oui, heureux ! Et très amoureux.

-Et tu ne regrettes rien ?

-Non.

-Mais tu la connais au moins, ta fiancée ? Genre son anniversaire, ce qu’elle aime ?

-J’aurai tout le temps de le découvrir après notre mariage.

-Malicia est au courant ?

- Que m’importe ? Je n’ai plus rien à faire avec cette Gryffondor ! Son Père n’est que le Chef de Sainte-Mangouste. Devais-je faire ma vie avec une roturière ?

-Mais elle ne te manque pas ?

-Cesse de m’importuner avec ça !

Drago venait de taper du poing sur la table.

-En tant qu'ami, tu devrais être heureux que j’aie enfin rencontré quelqu’un à ma mesure. Siffla-t-il. Le sujet est clos.

Marcus haussa les épaules :

-Comme tu veux…

Il reprit une gorgée de sa pinte, alors que Drago faisait courir avec mauvaise humeur ses doigts sur la table, en regardant au dehors. Rufus lui émit un petit rire strident.

Marcus s'était affalé sur la table, la main agrippée sur sa dixième chope de la bière maison du pub. Il regardait mollement la table derrière Drago, où un pauvre hère de premier cycle buvait cul sec un tonneau entier d'hydromel aux épices sous les acclamations avinées d'étudiants plus âgés.

-BOIS ! BOIS ! BOIS ! BOIS !

-La discussion est close, répéta pour la énième fois en une heure le jeune homme blond, en touillant sans fin son thé, qu'il n'avait même pas touché. Et même si tu avais des nouvelles de Malicia, je n'en voudrais pas.

-Ça tombe bien j'en ai pas, lâcha son interlocuteur, en réprimant un bâillement.

-BOIS ! BOIS ! BOIS ! BOIS !

Marcus baissa les yeux sur Rufus, qui dormait à poing fermé dans le harnais rouge, que le jeune père avait changé d'un coup de baguette en couffin.

Malefoy esquissa une moue de déception. Mais il se reprit vite, et esquissa un sourire si large qu'il en était inquiétant :

-Et toi mon ami, comment vas-tu ? J'espère que tu connais un bonheur pareil au mien !

-Pareil au tien, je sais pas, ironisa Marcus, avant de vider sa bière d'un seul trait.

-BOIS ! BOIS ! BOIS ! BOIS !

Il fit signe à la serveuse aux formes généreuses de le resservir, et reprit :

-Mais tout va bien. Ma femme est parfaite, et on va baptiser le petit Rufus la semaine prochaine.

-BOIS ! BOIS… OUAAAAAIS ! IL EST DES NOOOOTREUH ! ♪

-Baptiser ?

Drago lorgna sur le bébé tout rose et tout mignon qui, plongé dans le sommeil, bavait abondamment sur le doudou en forme d'hippogriffe qu'il tenait dans son petit poing.

-IL A FINI SON TONNEAU COMME LES AUUUUUTREUH ! ♪

-Et… serait-ce déplacé de demander si tu lui as déjà choisi un parrain ? lança le blondinet d'une voix qu'il espérait détachée.

Il leva des yeux plein d'espoir vers Marcus, et tomba nez à nez avec un regard glacial :

-J'avais pensé à la même personne qui devait faire témoin à mon mariage, mais il n'est pas venu.

-ET LE TROISIEME TONNEAU ! BOIS ! BOIS ! BOIS !

Le blondinet leva les yeux au ciel :

-Flint, cesse-donc de ressasser le passé !

-Le passé ? C'était y'a même pas deux mois! Lucrécya-chou était dans une rage noire ! Et comme on s'est rendu compte de ton absence qu'au dernier moment, il a fallu improviser pour trouver un témoin ! Et y'a eu qu'un seul et unique candidat : l'oncle de Lulu !

-BOIS ! BOIS ! BOIS ! BOIS !

-L'oncle de Rincevent ?

-Oui, son oncle ! Le frère de son père le mangemort sanguinaire, ça te dit rien ?

Drago réprima un petit rire.

-Tu veux dire que…

-Oui ! Mécréüs ! Le bibliothécaire borgne, bossu et bedonnant, était mon témoin de mariage ! Et il était si content qu'il a insisté lourdement pour poser à côté de nous sur TOUTES les photos ! Mécréüs ! L'éclopé édenté !

-BOIS ! BOIS ! BOIS ! BOIS !

Malefoy ne put s'empêcher d'éclater de rire.

-Avoue que c'est cocasse !

-J'VAIS T'EN DONNER DU COCASSE TU VAS VOIR ! rugit le gaillard en faisant craquer ses phalanges.

-BOIS ! BOIS ! BO… OOOH, PERDU !

L'attention de Marcus fut détournée par la table derrière eux. Le pauvre étudiant de premier cycle tomba lamentablement à terre, se plia en deux, et régurgita sur le sol le trop plein d'alcool qu'il avait avalé.

Drago tourna négligemment la tête, écarquilla les yeux, et glapit telle une fillette.

-Mais qu'est-ce donc…?! articula-t-il, en reculant à grands pas de la scène d'horreur.

-Il a raté la présélection pour avoir le droit de demander à faire partie de notre Fraternité, expliqua un étudiant de Troisième Cycle, un grand rouquin à lunettes.

-C'était pourtant l'épreuve la plus facile, soupira une jeune femme du même âge, en nettoyant le sol d'un coup de baguette.

Le blondinet jeta un coup d'œil inquiet aux trois tonneaux vides sur la table.

-La plus facile ? Mais de quelle Fraternité de brutes faites-vous donc partis ?

L'étudiante le regarda bizarrement :

-Des Pi Omicron Pi, la fraternité des surdoués.

-On est connu pour avoir les épreuves d'entrée les moins hardcores ! lança un garçon rondouillard, en enjambant le corps sans connaissance du première année. Faut voir les bizutages des Pi Alpha Fi, ou pire ! Des Alpha Alpha Alpha ! Eux c'est de vrais barbares !

-Alpha Al…pha… A… l…pha ?...articula Drago, qui avait perdu ses couleurs.

Marcus posa une main vigoureuse mais amicale sur l'épaule de ce dernier.

-Allez viens, Malefoy, t'as l'air d'avoir besoin d'air.

Drago hocha la tête et tituba vers la sortie. Son ami ricana, puis le suivit, le couffin de son fils dans les bras.

Et, dans un coin sombre du pub, deux étranges silhouettes les regardèrent sortir, puis hochèrent la tête avec intérêt...

Aux côtés de Marcus, Drago zigzaguait dans le quartier résidentiel ensoleillé, une lueur d'affolement dans le regard. En tant que Malefoy, il se devait d'intégrer la Fraternité des Alpha Alpha Alpha! Il ne pouvait en être autrement... mais les épreuves d'admissions semblaient avoir considérablement évolué depuis l'époque faste de son Père, si même ces chiffes molles d'arithmanciens en était venus à des méthodes de butors. Il devait impérativement trouver une solution avant que cette bande de sadiques ne mettent la main sur lui.

-Flint, il va me falloir aller à la Banque la plus...

Un craquement se fit entendre derrière eux. Marcus écarquilla les yeux:

-Ben, Malefoy, ça va ? On dirait que t'as vu ton compte à découvert!

-Je vais bien Flint, le coupa Drago.

-Ok, ok... laisse tomber, mec!

Les deux amis firent encore quelques pas, longeant la rivière qui clapotait avec douceur.. De temps en temps, Drago regardait en arrière, mal à l'aise. Finalement, il prit la parole, à voix basse:

-Marcus... tu n'as pas l'impression... qu'on nous observe ?

Flint rigola:

-T'inquiète c'est Rufus, ça me faisait ça à moi aussi...

Il désigna son fils qui suçotait son petit point en les fixant de ses grands yeux noirs.

-Non je veux dire... derrière nous...

Marcus ralentit :

-Tu veux dire... ?

Les deux hommes se jetèrent un regard entendu. Derrière eux, un second craquement se fit entendre, confirmant leurs doutes. Marcus éclata de rire, les poings sur les hanches:

-Ah sacré Malefoy! Tu vas pas me dire que t'as les miquettes ?

Drago plissa les yeux, offensé :

-Un Malefoy ne craint rien ni personne!

Son ami bomba le torse:

-Et un Flint non plus, alors, il peuvent toujours essayer de nous avoir, ces lascars, on les aura avant eux! s'écria-t-il avant de donner une vigoureuse tape dans le dos du blond. Allez en avant!

Malefoy bomba à son tour le torse :

-Haut les cœurs, Flint!

Les deux reprirent leur route en direction des appartements.

Drago déglutit. Tout de même, il ne se sentait pas rassuré. Il jeta un œil à Marcus, qui marchait en silence à côté de lui. A bien y regarder l'ex Capitaine de Quidditch ne faisait pas le fier, et jetait de discrets coup d’œil en arrière lui aussi.

Ils prirent une ruelle déserte, le visage crispé. Soudain un grand bruit métallique se fit entendre derrière eux et Marcus et Drago se bondirent dans les bras l'un de l'autre:

-C'est la fin. hurla Drago.

-Ravi de mourir à tes côtés, mon ami! cria Marcus.

Les deux tremblèrent de concert, yeux fermés, pendant quelque secondes.
Finalement, Rufus se mit à rire et les deux ouvrirent un oeil... puis un autre :

Un vieux fléreur était à leurs pieds, une casserole accrochée à sa queue.
Aussitôt, les deux comparses se jetèrent un regard honteux et lâchèrent leur étreinte:

-Je te faisais marcher Flint, mais tu as carrément couru! commença Drago.

-Non, c'est toi qui a couru mon gaillard! Tu aurais vu ta tête.

Les deux rirent un instant, en regardant quand même avec inquiétude autour d'eux...

-Et si on quittait cette rue? finit par dire Marcus.

-Oui, et vite.

Les deux hommes hâtèrent le pas.

-Ce qui est arrivé dans cette ruelle, reste dans cette ruelle, Flint! ajouta Drago.

-J'ai déjà oublié, Malefoy. répliqua sèchement Marcus.

Les deux ne remarquèrent pas que deux ombres se faufilaient derrière eux en ricanant.

Soudain, une sorte d'alarme stridente venue de nulle part résonna dans tout le campus, tel un effet larsen suraigu.

Les nouveaux venus dans la WoW se bouchèrent les oreilles en grimaçant, tandis que les étudiants plus âgés soupiraient, dépités. Ils s'étaient habitués à cette sonnerie, qui précédait les annonces officielles du doyen, ou de son administration.

Et effectivement, après quelques secondes de torture auditive, une voix féminine plus que glaciale s'éleva :

-"TOUS LES ETUDIANTS SONT ATTENDUS AU TERRAIN DE QUIDDITCH, DANS LE BÂTIMENT SPORTS ET LOISIRS, POUR LE DISCOURS DU DOYEN ! AUCUNE ABSENCE NE SERA ADMISE !"

Un grésillement vibra un moment dans les airs, puis le silence retomba enfin, au grand soulagement de tous.


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