Dans un brouillard de sons divers et de couleurs criardes, Titus s'éveilla-plus ou moins-, posant une main tremblante sur le rebord de la table du concours pour lentement se lever. Il avait l'impression que toutes les cloches d'un troupeau de vaches en transhumance carillonnaient en même temps dans son crâne. Bien sûr, en résultait une douleur à hurler à la lune, sauf que la lune étant absente, le cowboy s'abstint de hurler, par respect des conventions...

-Oh bon dieu de bon dieu... marmonna-t-il entre ses dents. Je voulais m'en mettre une, ben voilà, ça c'est fait...

Se rappelant que les réserves de philtres de requinquance étaient épuisées, il allait devoir soigner sa gueule de bois carabinée avec un cocktail spécial : un verre à pied, de la sauce tex-mex à ras bord et deux jaunes d'œuf noyés dedans. Dieu, que cette mixture était dégueulasse. A vomir, vraiment.
Heureusement, Titus n'était pas du genre à vomir. A dire vrai, il ne vomissait jamais : son corps était tout simplement trop têtu pour laisser échapper quoi que ce soit qui ne soit pas dument digéré.

D'un pas, lent il se mit en tête de rejoindre sa chambre de cuite, ou piaule de secours, dans son arbre favori, histoire de décuver tranquillement. Alors qu'il se dirigeait vers son tronc, le reconnaissant entre mille à force de cuites enchainées durant ses deux années à la WoW, le ricain tentait de faire le point sur son environnement visuel, écarquillant les yeux à la vue de formes plus ou moins humaines dont il n'était pas tout à fait sûr si elles faisaient vraiment partie du décor, ou de son esprit embrumé par l'alcool.

Sans trop savoir comment, il atteint le sommet de l'arbre, pénétrant dans la cabane de fortune où l'attendait un lit avec un matelas décent. Franchissant la porte, il reconnut une odeur particulière qui lui sauta aux narines. Une odeur pleine de phéromones, quasi animale. Titus essaya de distinguer son origine à travers le décor flou de la piaule, mais c'était comme si ses orbites étaient mal ajustées avec ses globes oculaires.

-J'ai cru que tu ne viendrais jamais, susurra une voix sensuelle à ses côtés.

Se tournant lentement, histoire de ne pas alourdir son mal de crâne, Titus crut distinguer une grande forme élancée et féminine, juste à côté de la porte : alors qu'elle s'approcha de lui, il eut une vague impression de mouvements gracieux, félins et de vêtements moulants dans les tons verts.

-Huum... Écoute, je sais pas trop ce que j'ai fait la nuit dernière, et je tiens pas trop à le savoir, fit-il à voix basse, ses propres décibels lui perçant les tympans. Et d'abord, t'es qui au juste ?

Une main fine aux ongles longs vint lui caresser la joue, dessinant la courbe de sa mâchoire.

-Vraiment, tu ne me reconnais pas ? fit la voix sucrée comme du chocolat suisse avec déception. Pourtant tu avais l'air de beaucoup t'intéresser à moi...

Le cowboy soupira alors que son "admiratrice" faisait doucement descendre ses doigts le long de son cou. Il lui saisit la main d'un geste qu'il voulut gentil, mais ferme :

-Écoute ma jolie, je-

Sa main n'était pas aussi douce qu'il l'aurait cru. Elle ne l'était même pas du tout.

-Je...

Il leva sa propre main libre et la posa sur le visage de la fille. A la réflexion, c'était pas vraiment de la peau. Plutôt quelque chose... d'écailleux.

-Oh, chiotte...

Une poigne de fer se referma sur son cou, lui écrasant la gorge alors qu'il était soulevé dans les airs comme une vulgaire poupée de chiffon. La Bête le plaque violemment contre un mur, à trente bon centimètres du sol. Alors que Titus se débattait vainement, il sentit l'étreinte se resserrer :

-RESTE TRANQUILLE.

Le voix n'avait plus rien de féminin : elle était reptilienne et aiguisée comme une griffe de gorgone.

-TU M'AS BEAUCOUP CHERCHÉE CES DERNIERS JOURS.

-Gargl...

-TES ATTENTIONS SONT FLATTEUSES MAIS INCOMMODANTES...

-Gleurgrl..

-SANS COMPTER TON PETIT SORTILÈGE QUI M'A LAISSE UN VILAIN POINT DE COTE.

L'étreinte de la créature se resserra d'avantage et des petits points bleus commencèrent à danser dans les yeux du cowboy pris au piège.

-TU ES TENACE, JE TE L'ACCORDE. JE ME CONTENTERAIS DONC DE TE DONNER UN AVERTISSEMENT. POUR CETTE FOIS.

Les mâchoires du monstre écailleux s'ouvrirent, découvrant des rangées de dents tranchantes qu'une longue langue d'un rouge sanguin pourlécha.

-NE TE MÊLE PLUS DE MES AFFAIRES, MISÉRABLE AVORTON. SI JE TE RETROUVE SUR MON CHEMIN, JE TE VIDE DE TON SANG ET ME FERAI UN COLLIER DES TES INTESTINS.

Titus tenta d'aspirer un peu d'air, les yeux exorbités, alors que sa main tâtonnait mollement à sa ceinture cherchant vainement sa baguette. Une longue griffe vint presser sa jugulaire :

-TU AS COMPRIS ?

Impuissant, le cowboy acquiesça, sur le point de perdre connaissance.

-TANT MIEUX.

L'étreinte se relâcha d'un coup, et Titus tomba lourdement sur le plancher, la main plaquée contre sa gorge meurtrie, respirant à grandes goulées. Il se saisit maladroitement de sa baguette, mais lorsqu'il fouilla les lieux du regard, il était seul.

-J'ai besoin de vacances, moi...

Son cœur battant à tout rompre, il sortit une cigarette écrasée de sa poche intérieure qu'il eut toutes les peines du monde à allumer, tant ses mains tremblaient. Il allait avoir besoin d'un coup de main.

Un gros coup de main.

-Quelle impertinence ! Oser s'endormir dans un moment pareil ! Jamais cela ne me serait arrivé à mes vingts ans ! marmonnait le doyen en se frayant un chemin à travers les quelques danseurs qui restaient encore sur la piste.

Il jeta un regard noir à l'épicier chinois, Monsieur San Sou Si, qui faisait du break dance au milieu d'un cercle d'admirateurs médusés. Il lui cracha :

-Vous n'avez pas honte, à votre âge ?! Cessez donc de vous donner en spectacle, face de citron !

Sans attendre la réaction de l'asiatique, le Bon Docteur s'avança vers le bar en bousculant volontairement tous ceux qui se trouvaient sur son passage. Il finit par donner un méchant coup de pied dans les côtes de son sous-fifre Saussurus, qui dormait par terre.

-Debout fainéant ! Je ne vous paye pas à roupiller !

Le pauvre Saussurus gémit de douleur, puis se frotta les yeux :

-Qu'est-ce qui se passe, Magnus ?

Magouille le fusilla du regard :

-Ce qu'il se passe ? CE QU'IL SE PASSE ?! ELLE S'EST ENDORMIE ! ENDORMIE JE VOUS DIS !

-Mais qui donc ?

-Ma dernière conquête ! Cette fille avec ces cheveux fantaisistes et cette énorme poitrine ! Elle s'est endormie avant que je ne puisse l'honorer !

Le professeur de Langues eut l'air choqué :

-Quoi ? Elle a osé ? Alors que vous êtes si beau ?

-Je ne vous le fait pas dire, maugréa le doyen.

Il plissa les yeux en remarquant un couple qui se bécotait non loin. Il serra les dents :

-Si je fais abstinence ce soir, tout le monde fera abstinence, foi de Magouille !

Rageur, il envoya un éclair sur le haut-parleur, et la musique stoppa net dans un grésillement.
Il leva les bras, et hurla :

-Alors, on s'amuse bien ? On fait la fête jusqu'au bout de la nuit sans se soucier de ses voisins ou de son pauvre doyen ? Eh bien je vous annonce que c'est FINI ! TOUS EN COURS, BANDE DE HIPPIES ! Après tout nous sommes jeudi !

Il jeta un coup d’œil à sa sablomontre à gousset, et fronça les sourcils :

-Comment ça, nous sommes dimanche ?! Cette fête a duré quatre jours ? Diantre...

Il agita sa baguette, qui fit un horrible son larsen insupportable. Les nombreux étudiants endormis gémirent en se posant les mains sur les oreilles.
Le doyen ne s'en émut pas, et beugla :

-Tous au stade de Quidditch ! Allez chausser vos bottes en cuir de dragon et astiquer vos balais ! La saison va commencer dans trente minutes !

Il prit Saussurus par le col, et le traîna tout balbutiant vers la sortie.


Joueurs & Capitaines, rendez-vous au stade pour votre match :

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